Un chemin vaut l'autre
De l'autre côté du miroir
L'Asile
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Labyrinthos farsa

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Message Mar 10 Juil 2007 | 20:37  Répondre en citant

Avant que son pied touche le sol, Béla courait déjà dans la verrière. Il traçait des courbes au galop, entre les miroirs, et sautait rarement par-dessus les obstacles car il favorisait le heurt au saut. Athlète (à la carrure pas tout à fait grecque), il avait commencé à pratiquer ce sport (la course à pied dans les dédales immenses) la première fois qu'une crise de peur l'avait gagné, en 1945, après un championnat d'échec particulièrement éreintant. Il avait ensuite peiné à faire accepter cette activité de santé par le CJOM, Comité des Jeux Olympiques du Manitoba. On jugeait, là-bas, que d'animer la peur panique (et on l'avait alors informé de l'origine étymologique du mot "panique", ce qui ne fut pas sans choquer l'interloqué — du mot Pan, qui signifiait "tout" et désignait le dieu de la Nature chez les Grecs ; lorsque Pan se déchaînait, gare ! Les hommes fuyaient, épouvantés — Et Béla aurait bien voulu se déchaîner, lui aussi, petit dieu de la Nature révolté) chez les participants, puis les enfermer dans un labyrinthe, s'avérait entravant aux bonnes mœurs.
Il avait abandonné l'idée, depuis, mais retrouvait tout à coup les bienfaits physiques de la terreur, et ceux, intellectuels, de ne pas savoir où l'on se trouve.
Il courait donc plein d'espoir.

Sur sa face pleine de sueur s'étirait un large sourire qui n'était pas laid, mais horrible. Il gardait le cou étiré vers l'avant-haut, et cela formait un angle de quarante-cinq degrés avec son corps, tandis qu'autour de ses yeux fermés sa peau était en contorsion et pleine de cratères impressionnants comme le Grand Canyon. Deux bras traînaient derrière, ballottaient, semblables à deux gros poissons agités.

Il s'enfonce dans le dédale à vitesse grand V, contourne un miroir, un autre miroir, un mur, un miroir, la sortie tant convoitée de l'Asile, un autre miroir, rebrousse chemin, se rend compte que ce n'était pas la sortie tant convoitée de l'Asile, file en ligne droite
(Arrête ! Tu vas foncer dans le miroir !)
continue tout droit
(Le miroir ! Attention !)
semble s'arrê Ah non, il accélère
(Attention ! Le…)
et fonce dans un miroir qu'il n'avait pas vu
(Oui, c'est ça…)
Pourquoi personne ne l'avait prévenu ?
(!!!)
Il tombe par terre, place sa tête entre ses coudes, sanglote. Ça résonne partout dans la verrière : « Aïgn ! Aïehh ! Oiinn ! » Un larmoiement pathétique.

_____________
ee um fah um soo
foo swee too eem oo

Virginia Woolf
Béla
Autiste


Message Jeu 26 Juil 2007 | 16:10  Répondre en citant

Pour la trentième-sixième fois depuis le début de sa longue chasse journalière à travers l'Asile — ou bien la quarante-troisième peut-être, qui comptait ici ses propres tics, à part peut-être ces minables Autistes ? — Thorvald passa nerveusement sa main sous sa chemise et se frotta brutalement le torse, à s'en irriter la peau, et finit son geste, comme d'habitude, en pinçant virilement dans sa main grossière d'homme baraqué son pectoral gauche. La mâchoire aussi tendue que le reste de son corps, il n'était plus très loin de s'obliger à se cacher dans un coin quelques instants.

C'est en s'approchant de la verrière qu'il s'arrêta net, raide. Une présence non loin et un shoot de testostérone exaltèrent les battements de son cœur, pendant que la tension dans ses muscles approchait dangereusement de son paroxysme. Une déglutition d'excitation plus tard, Thorvald s'approcha de l'un des accès de cette pièce culpabilisante afin d'épier vulgairement la vie qui s'y trouvait. Un marmot.

Soit.

Marmot qui, comme tout marmot, après s'être amusé avait fini par se blesser. Un môme qui pleurait, sans doute par besoin d'aide. Après tout, c'est juste ce qu'il allait lui apporter : un peu de réconfort, de gentillesse, de douceur. Rien de grave, finalement.

Ben alors, tu t'es fait mal bonhomme ? lança doucereusement l'homme électrisé, se rapprochant d'un pas lent mais comme saccadé, haché.

Pour l'instant, il resterait debout devant l'enfant et attendrait, rigide. Jusqu'à ce qu'il ne puisse plus.

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Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi.

Friedrich Nietzsche
Ivar Thorgensson
Schizophrène


Message Ven 27 Juil 2007 | 18:34  Répondre en citant

Aïeuh ! Oin ! comme ça, pour s'assurer qu'il avait encore mal et que ça le faisait pleurer.

Il était resté un bon moment les fesses gelées contre le plancher, la tête penchée, le cœur qui battait vite. Il avait la brume dans le regard, les cheveux plaqués de sueur ; et il se réchauffait les mains paume contre paume pendant que des vapeurs troublantes lui montaient au nez. Son esprit s'égarait…

Le temps courait comme un lièvre, et c'est pour ça que Béla prenait un temps de tortue à se relever. Parce que trébuche qui court vite, croyez-en sa vieille expérience ! Son esprit déraillait…

On le voyait encore tremblant sur le plancher, lorsqu'il entendit quelque chose de sonore et que son esprit remonta les marches de la raison au galop en pensant qu'il était peut-être arrivé quelque chose de grave quelque part. Béla retourna dans la réalité, et il crut d'abord que c'était pas vrai, que ça pouvait pas être vrai, et il ferma même les yeux pour les rouvrir après en se disant que c'était pas vrai, que non ça pouvait vraiment pas être vrai !

Bon, Béla n'avait rien vu dans sa vie et il avait pas d'autorité ni de repères pour dire ce qui était effrayant ou pas, mais il aurait pu vous jurer que le visage de niches en poils tortillés qu'il voyait là, avec un machin énorme dans le milieu comme ça dépasse l'imagination, il aurait pu vous jurer que, ça, c'était quelque chose qu'on pouvait vraiment pas voir ailleurs.

Il arrêta de pleurer. Il dit seulement « Moi, venu ? » parce que c'était pas mal les seuls mots qu'il connaissait, et il s'était levé parce que c'était comme ça que ça se faisait.

Il avait rien à se reprocher. Pas de vol de banque, ni de bijoux d'une valeur inestimable, pas de meurtre ni de soucis. C'était pourquoi qu'il était là, alors, le gros et grand policier ?
Béla se demanda s'il allait avoir droit à un avocat.

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ee um fah um soo
foo swee too eem oo

Virginia Woolf
Béla
Autiste


Message Sam 18 Aoû 2007 | 23:41  Répondre en citant

Tandis qu'il luttait contre ses pulsions, non pas par morale mais par peur d'être pris dans cette pièce trop exposée, Thorvald examinait le gosse de haut en bas. Son manque de réactivité, noté facilement par l'homme malgré l'électricité qui tétanisait toujours l'ensemble de son corps, indiquait qu'il devait être un Autiste. Comme beaucoup des marmots de cet endroit lugubre, pensa-t-il sombrement. Cela avait beau en faire des proies faciles, il n'aimait guère chasser celles-ci. Il préférait la combativité, la bestialité. Et surtout, sa jouissance venait essentiellement d'imposer son plaisir à un être qui se bat contre une douleur, non sur une boite de conserve vide et inerte… passive. Néanmoins, au paroxysme de sa folie, tout cela n'avait plus d'importance : ce ravissant petit garçon paumé au milieu de nulle part venait de s'offrir à lui. Et il en avait envie.

Soudainement, le marmot sécha ses larmes et parla. Il semblait être très atteint, une grande partie de lui coupée du monde et quasiment incapable de s'exprimer. En un éclair, la pensée qu'il ne pourrait donc pas témoigner traversa l'esprit de Thorvald qui se déconnecta encore un peu, laissant de plus en plus le contrôle à son corps tendu. La décision, d'elle-même, était prise. Il suffisait simplement alors de se trouver un endroit isolé, calme, sans allées et venues. Puis il gagnerait la confiance du gamin. Il le déshab… Un flot de salive le força à déglutir péniblement.

Tu veux venir avec moi ? Avec plaisir, bonhomme ! Qu'est-ce qui te plaîrait ? demanda doucement Thorvald de sa voix rauque, ébranlée par l'excitation.

Le visage du petit garçon se trouvait maintenant en face de celui de l'homme, ce dernier ayant posé délicatement un genou à terre avant de prendre la parole. Son sourire semblait tressaillir de temps en temps, mais il ne s'en inquiétait pas, ne s'en rendant même plus compte. Pendant qu'il attendait sans grande patience la réponse du gosse, son regard ne cessait de glisser sur cette peau douce et pure, si délicate qu'il avait envie de la toucher, de la caresser… dans un premier temps.

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Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi.

Friedrich Nietzsche
Ivar Thorgensson
Schizophrène


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