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Quand le Chat n'est pas là, les internés dansent…

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Message Mar 07 Aoû 2007 | 14:56  Répondre en citant

Un décor neutre.

Trois chaises semblables, déposées là de manière à aménager un triangle isocèle.

Au lever du "rideau", tous les personnages étaient en scène. L'un d'eux se détacha comme le Prologue au début des tragédies grecques, et s'avança.

MONSIEUR : Voilà. Le temps est compté. Nous allons vous jouer la morne histoire de deux internés en panne de passion et d'amour. Plutôt, nous allons vous jouer l'histoire d'une Folle.
La Folle, c'est la femme là-bas, qui ne dit rien, avec l'œil rageur et les gestes épouvantés. Ne vous fiez pas aux apparences : la Folle est une sensible, c'est une dame de cœur.
Elle pense. Elle pense que tout à l'heure, quand la pièce va commencer, elle va surgir de son propre corps, pour interpréter son propre rôle, et se dresser seule en face du monde, seule en face de vous, spectateurs. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et que vivre n'aurait pas été de trop. Elle aurait aimé vivre, elle aussi. Mais il n'y a rien à faire.


Soupir.

MONSIEUR, se pointant lui-même du doigt : Cet homme robuste à la coiffe noire qui médite là, près du bord de la scène, c'est Monsieur. C'est le roi. Il est vieux et fatigué, il a des rides parce qu'il est si difficile de conduire les hommes.
Quelquefois, il se demande s'il est nécessaire, pour les hommes, d'être conduits. Il se demande si ce n'est pas vain, et à quoi ça aboutira.
Quelquefois, il se dit qu'il s'agit d'un rôle sordide qu'on devrait attribuer à un autre qu'à lui. Car après tout il n'a pas plus de savoir qu'un autre, et il n'aspire à rien sauf à une existence paisible.
Ne vous fiez pas à son sourire : Monsieur est un homme triste, mais plein de bonne volonté.
Il aurait aimé que la Folle ne meure pas. Il aurait aimé qu'elle vive, lui aussi.


Il se retira. La pièce allait commencer.

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Hiroshima mon amour
Marguerite Duras
Monsieur
Mélancolique


Message Mar 07 Aoû 2007 | 16:05  Répondre en citant

Valéria avait suivi. Lorsqu'elle entra sur la scène de l'odéon, c'est un regard toujours aussi noir qui en balaya les gradins. Mais ce n'était rien comparé à ce qui allait se produire ensuite : l'autre déjanté parla. Et, au fil des mots, l'expression de la jeune femme se fit plus agressive, tel un crescendo de violence et de méfiance. Elle le fixait d'un air assassin, se demandait pourquoi elle avait suivi ce con, et se disait qu'il se foutait allègrement de sa gueule.

La folle, hein ? Connard. Taré. Abruti. Enculé. Elle n'en n'avait rien à foutre, de ce qu'il pensait ! Le seul malade dans cette foutue pièce, c'était lui. Un homme robuste ? Valéria eut un sourire intérieur cruel. Pour le reste, pour toutes ces élucubrations quant à la mort et à la vie et autres conneries, inutile de dire que ça lui passait largement par-dessus la tête. Elle et l'art dramatique, ça faisait cinquante. Puis, pour qui il se prenait à la décrire comme en panne de passion et d'amour ? De quoi il se mêlait, cet enfoiré ? Il y a des gens, par ici, qu'il faudrait remettre dans le droit chemin : celui du patient, et non celui du psychanalyste. S'il voulait faire dans l'empathie, il avait trouvé la plus mauvaise cliente possible.

Néanmoins, elle respira un bon coup, se sortit une cigarette en espérant cette fois pouvoir la fumer jusqu'au bout et se l'alluma avec l'air de celle qui n'en n'a rien à foutre. Après avoir tiré le premier coup, elle envoya la fumée droit vers Monsieur car elle savait qu'il adorait ça.

VALERIA, impatiente : Sympa, la petite mise en scène. Bon, c'est quoi, la destination suivante ?

Son index tapota la clope pour faire tomber quelques cendres sur le sol de la scène en un geste d'irrespect total et définitif. Pas besoin d'en dire plus. Ça suffirait à le casser.

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Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain
Valéria Rowntree
Paranoïaque


Message Mer 08 Aoû 2007 | 15:59  Répondre en citant

Pas question pour Monsieur, du moins dans l'instant, de se diriger autre part comme le suggérait la femme. Il se trouvait ici pour elle, il la voyait s'alourdir, immonde, au poids croissant du mal qui s'infiltrait par les pores de sa peau, et voulait que dans le vide infini de la scène elle monte et s'élance. Une chute vertigineuse, purificatrice s'ensuivrait peut-être, comme ç'avait souvent été le cas pour lui : maintes fois, il avait crié son désespoir sur la scène. Ce qui avait agi comme un baume sur sa peau, ce n'avait point été la foule, ni les regards ou les applaudissements ; cela avait été le mimesis et l'extirpation de ses sentiments par le jeu. Exactement comme lorsqu'on récite un poème.

MONSIEUR, décidé à poursuivre le spectacle : Ah ! Cette chère Folle, mais où se trouve-t-elle à présent ? Lui faut-il un tête-à-tête avec le destin et la mort pour comprendre que tout se joue à l'instant même !
Dure vie. Oh ! Dure vie !


Il esquissa quelques pas de danse peu réussis. Probablement souhaitait-il transformer le spectacle d'aujourd'hui en tragédie musicale.

MONSIEUR, se jetant sur les genoux, en pleurs :
O nature ! pourquoi créas-tu la vie ?
Puisqu'une vie infâme déflore à tout instant un peu plus mon âme,
Laquelle est, non, non ! laquelle était la plus sublime âme qui ait été, qui ait vécu, qui ait jamais porté un corps.
Mon regard, vois-tu ? Eh quoi ! Mon âme, déchirée ?
Monstre esprit qui devient Monstre corps ! Cœur blessé.
Venez, larmes, lames, décimez-moi, venez trancher le fil de mes jours !
Ainsi, je vois ma mort…venir !
Ainsi je meurs, ainsi !
Mort.
Mort.
Je suis un décédé ! Vous voyez un décédé !
Ainsi ! ainsi… voilà !


Il fit le mort.

MONSIEUR, relevant légèrement la tête : N'ayez point peur, spectateurs, je ne suis point mort. J'attends seulement que la Folle me trouve, elle me croira mort et ainsi se rendra compte de ma valeur, de la valeur de son père, le Roi.

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Hiroshima mon amour
Marguerite Duras
Monsieur
Mélancolique


Message Ven 10 Aoû 2007 | 21:17  Répondre en citant

Valéria avait baissé la tête. C'était toujours mieux que de le voir faire le guignol sur la scène. Minable. Pendant quelques longues secondes donc, elle se concentra sur une cigarette infiniment plus intéressante, dont la fumée s'étendait en lentes et presque sensuelles volutes grises dans l'air du soir. Il fait froid, pensa-t-elle. Serait pas contre foutre le feu histoire de se réchauffer un peu. En plus, on pourrait se faire cuire des hot-dogs.

Son ventre confirma cette pensée par un gargouillis qui vint souligner l'un des "Mort." de l'autre mariole.

Elle jeta un oeil sur le ciel. Tenta de reconnaître les étoiles. Si ça ressemblait à celles qui surplombaient Phoenix, tout irait bien. Malheureusement, elle en doutait… Mais elle n'était pas tout à fait astronome. En fait, disons-le : elle n'y connaissait que dalle.



Pourtant, au bout d'une seconde, elle crut presque que le rideau noir du ciel nocturne la regardait d'un air rieur, criant presque qu'il était irréel, qu'il se foutait de sa gueule, et que si elle n'était pas contente il fallait regarder ailleurs.

Ce qu'elle fit avec un soupir alors que l'autre con finissait son show pourrave. Bien ! On allait pouvoir avancer.

Valéria lui jeta un oeil sombre après avoir tiré une nouvelle fois sur sa clope.

VALERIA, blasée : Tu te rends au moins compte que y'a personne, ici, ducon ?

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Valéria Rowntree
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Message Mer 29 Aoû 2007 | 16:12  Répondre en citant

Il écarta les jambes, il écarta les bras, ainsi forma-t-il un X aux angles irréprochables qui se dévoilait en pleine pièce de théâtre, symbole, peut-être, ou figure peu pertinente : pour quelle raison laissait-il exploser au grand jour sa banale flexibilité ?
Peut-être que ce gros X se voulait évocateur d'un : Stop ! Arrêt !

C'était sans doute le cas.

MONSIEUR, affectueux : Oui, ma fille, oui, ma chère, c'est moi, ton père… le Duc On. Personne ne nous scrute, personne ne nous espionne, mon enfant, tu dis vrai.
Nous nous trouvons seuls, délaissés, abandonnés et par le sort et par les dieux. Prions-les. Prions-les, peut-être alors viendront-ils nous sauver des griffes de notre existence. Nous sommes du noir, ma chérie, du noir placé, sur scène, sur du noir. Du noir sur du noir.
Voici ce que nous sommes : rien.
Voici ce que nous ne sommes pas : tout.
Pouvons-nous en être pardonnés ? Toi, peux-tu me pardonner d'avoir enfanté rien ? Il aurait fallu que je te laisse être rien autre part qu'ici. Aujourd'hui, à cause de moi, tu es rien sur rien.
Du noir sur du noir.
Me pardonnes-tu ? Si tu me pardonnes, les dieux me pardonneront-ils ?


Il avait le regard tragique. En effet, il se croyait dans une tragédie : l'une de ces tragédies grecques de Sophocle, peut-être, ou même d'Eschyle.

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Marguerite Duras
Monsieur
Mélancolique


Message Mer 29 Aoû 2007 | 22:57  Répondre en citant

Valéria tira sur sa clope encore une fois et poussa un profond soupir qui vint troubler la vision qu'elle avait de l'odéon par sa fumée grise. L'imbécile se mettait en croix, elle fit le rapprochement avec un supplice médiéval et se dit qu'elle le lui ferait subir volontiers si seulement on avait un peu plus de matériel dans le coin. A-t-on dit qu'elle ne pigeait pas un traître mot des déblatérations malades de l'autre enculé ? Sans doute.

A défaut de tenailles, de charbons ardents ou de poires d'angoisse — ça le ferait taire, ça… Quel bonheur —, elle balança quand même sa cigarette vers la tronche de Monsieur en un geste presque négligent et le visage parfaitement hostile.

VALERIA, dépassée par la bêtise de ses semblables : T'es pardonné, machin.

Elle réfléchit un instant, fit un énième tour d'horizon des gradins en sortant un snickers de son sac. Valéria le déballa de sorte que le reste du plastique serve de manche pour éviter de s'en mettre partout, et mordit dedans.

Regard vers Monsieur, en espérant qu'il soit déjà en train de crâmer.

VALERIA, la bouche pleine : Au fait… machin. T'as un nom ?

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Message Mer 05 Sep 2007 | 13:57  Répondre en citant

Couloirs, dédales et corridors, cet endroit était une vraie ville, de la ruelle à l'artère, du carrefour à l'impasse. Ses cheveux tentant vainement de s'orienter, Manara errait, se demandant où elle devait aller, à qui elle devait s'adresser, comment sortir d'ici enfin. Tout ceci prenait un tour étrange. Les gens ici étaient différents, les lieux ici étaient bizarres, les règles-mêmes ici paraissaient tricher.

Tout avait commencé avec ce foutu cimetière. Et toujours impossible de se rappeler comment elle avait échoué là.

Pour couronner le tout, elle était à court de cigarettes. D'humeur massacrante, elle déambulait au hasard, franchissant une porte, la repassant presque aussitôt, déboussolée. L'endroit était si vaste par rapport à la population qu'il contenait qu'il donnait l'impression d'être vide, abandonné. Nouveaux couloirs, nouvelles portes. Rien de familier, rien de rassurant, nulle part. Une infine enfilade de fenêtres ne donnant nulle part, à en donner la nausée.

Jusqu'à-ce qu'elle débouche dans une sorte d'amphithéâtre. Pourtant modeste, l'endroit donnait une inexplicable sensation de vertige. Elle leva les yeux et comprit : le plafond en était si haut qu'on n'aurait pu affirmer qu'il ne s'agissait pas du ciel. C'était poétique, décida Manara. Elle décida donc que cet endroit lui plaisait, ne serait-ce que parce qu'il se distinguait de celle qu'elle avait pu voir jusque lors. Examinant la pièce plus attentivement, elle ne remarqua qu'au dernier moment que la scène était occupée. Elle s'en désintéressa rapidement, parcourant les gradins vides, avant de revenir pourtant sur les protagonistes.

Cette lueur incandescente, cette braise orange, crépitante, mourante, rassurante, entêtante, charmeuse, rieuse, délicieuse… Un mégot, à n'en pas douter.

Manara se précipita vers la scène, se souciant bien peu d'interrompre la répétition en plein milieu. Il lui fallait de la nicotine. Elle traversa l'amphithéâtre à une vitesse stupéfiante et pila devant l'actrice encore debout.

MANARA, aux frontières de l'intelligible : Ekskuzmatore'nsigar't ?

Sans qu'elle y ait pris garde, quelques brins de tabac voletèrent silencieusement jusqu'à ses pieds.

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Ecoute l'air qui se fredonne, qui va et vient, qui tourbillonne, et se disperse aux quatre vents...
Stéphane Mellino
Manara Bergmann
Hystérique


Message Lun 02 Juin 2008 | 12:23  Répondre en citant

Difficile de décrire l'expression du regard de Valéria devant la nouvelle venue. Un vide intégral. Blasé. Elle n'était pas étonnée. Encore une grosse malade. La jeune fille s'était tournée vers elle, assez brutalement, le poing prêt à frapper cette agression consistant à courir dans sa direction. Salope. Et elle se fixa devant elle, pour baragouiner un truc totalement ridicule que n'aurait sans doute pas renié l'autre con et son chapeau… Elle aurait tout vu. Vraiment tout vu. Voulait une cigarette, hein ? Hé ben non ! Ca marchait pas comme ça par ici !

VALERIA, sarcastique : Hein ? Quoi ? J'ai pas pigé, désolée.

Valéria mordit dans son snickers, un demi-sourire aux lèvres. Rien à cirer. C'était pas marqué l'armée du salut, ici. Encore, l'autre serait venue gentiment, sans l'agresser, peut-être — peut-être ! — qu'elle lui aurait donné une clope. Mais là, c'était trop limite. Ca puait encore l'arnaque. Elle offrirait pas sa richesse principale à une connasse pas foutue d'aligner deux mots. Pas déconner, non plus.

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Valéria Rowntree
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