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Mer 08 Aoû 2007 | 23:15 |
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Lillian se trouvait au cloître, comme bien souvent.
Avachie contre la pierre froide et pâle, rafraîchie par une brise matinale, elle lâcha un petit soupir indéfinissable avant de resserrer sa veste autour d'elle et d'avancer, sans but précis, dans le vaste couloir troué çà et là d'élégantes rosaces.
Le silence, la paix, le parfum de la liberté faisaient frémir ses sens et la ravissaient au plus haut point.
Elle était l'une des rares internées, à sa connaissance, à apprécier l'Asile. C'était un lieu où les mouvements n'étaient plus que des accessoires sans importance, où les sentiments pouvaient s'exalter sans la moindre impureté… Elle souhaitait y vivre à tout jamais. Etait-ce possible ?
Peut-être. Le son de ses pas chuintait à peine dans l'allée déserte. Sa marche lente, cadencée, était ponctuée de quelques rais de lumière douce, striant l'horizon comme autant de cascades mousseuses. Des nuées de poussières, semblables à des insectes paresseux, saluaient gracieusement l'Autiste durant sa promenade.
Après quelques minutes elle s'arrêta. Tourna son regard bleu vers la pelouse verte, sa bouche rose, entrouverte, découvrant à peine une dentition blanche, parfaite. L'ombre sur ses joues, la lumière sur ses yeux, la couleur de ses mains, tout rappelait à cet instant qu'elle avait été comédienne, demoiselle aux mille visages, aux mille délires.
Mais cette demoiselle n'était plus. L'austérité avait donné à l'éclat de son regard une texture plus amère, plus étrange. Elle ne souriait plus, ou si peu, si douloureusement, comme s'il lui coûtait de se révéler autant, de se montrer spontanée. Elle s'était repliée sur elle-même et exultait, intérieurement, tout en laissant paraître sa grande passivité, son indifférence profonde à la surface des choses et des êtres.
Malgré tout cela, elle ne cessait d'observer avec acuité, de s'imprégner du monde et des individus, de boire jusqu'à la lie le moindre mot qui lui était offert. Cette herbe qui se couchait paresseusement sous la brise la fascina quelques instants avant de la laisser poursuivre, tranquillement, sa rêverie solitaire. _____________ Chaque intonation est un mensonge, une trahison. Chaque geste, une falsification. Chaque sourire, une grimace. |
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Lillian Andrésen Autiste

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Jeu 30 Aoû 2007 | 17:35 |
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Un bruissement de pierre retentit.
Oui, vous avez bien lu, un bruissement. Comme deux pierres qui frottent l'une sur l'autre, longuement, sourdement. Ca venait d'un mur, comme s'il s'était mis doucement à vibrer, ou à se déplacer sans pourtant bouger d'une brique. Pour tous ceux qui se seraient trouvés là, c'était évident : quelque chose d'anormal se passait.
Pas tant que ça, en fait.
Quelque part hors de la vue de Lillian, un pan de mur s'ouvrit, et Valéria, portée par ce qui ne pouvait se décrire que par… un sol qui remontait, dans le mur lui-même, en sortit.
La jeune fille jeta un regard alentour, et eut un sourire en coin. Cette… fonctionnalité bizarre, au premier abord parfaitement douteuse, et ensuite tout ce qu'il y a de plus jouissive de pouvoir arriver n'importe où à partir des caves l'emplissait d'une impression de contrôle agréable. C'était louche, on est d'accord, mais on s'y faisait. Il y avait sans doute un prix à payer pour ce pouvoir, c'est clair. Peut-être celui de justement ne pas pouvoir sortir de ce merdier complet qu'était l'Asile ?
Elle remit une énième cigarette dans sa bouche, tira une fois dessus, en essayant de localiser quelqu'un. Ses pas retentirent dans le couloir un instant, et ses yeux se firent plus méfiants.
Personne.
C'était calme.
Très calme.
Trop calme.
Valéria ne se serait pas étonnée que quelque chose lui tombe sur la gueule, là, tout de suite. Encore un taré avec un chapeau qui tenterait de la frapper avec une branche. Sa blessure, d'ailleurs, s'était refermée toute seule, incroyablement rapidement. Pour être sûre que personne n'entre chez elle, la nuit suivante, elle avait cassé une ampoule et placé les morceaux de verre au sol devant la porte de façon à entendre les éventuels pas, mais rien ne s'était produit. Personne n'avait pu la soigner qu'elle-même, avec un pansement totalement inadapté et une désinfection au Bacardi. Pas le genre de truc qui vous referme une arcade…
Et pourtant.
Trop calme. Alors, elle s'exprima une bonne fois, en criant bien entendu :
— Hého ? Y'a quelqu'un dans ce foutoir ?
— …quelqu'un dans ce foutoir ?
— ……ans ce foutoir ?
— ………foutoir ?
— …………toir ?
Si l'écho avait été un homme, elle l'aurait égorgé. _____________ Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain |
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Valéria Rowntree Paranoïaque

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Dim 02 Sep 2007 | 16:03 |
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Le cri perça son ouïe ; Lillian frémit. L'écho s'effilocha quelques instants avant de mourir, noyé dans un silence épais. Le froufroutement d'une robe, la caresse de pas légers sur le sol poussiéreux anima momentanément le paysage ; et une silhouette presque ordinaire s'avança vers la nouvelle venue trop bruyante.
L'autiste s'arrêta à distance respectable ; fit briller ses yeux bleus dans l'éclat d'une lame lumineuse, rayon oblique brûlant la moitié de son faciès aimable. Puis, avec déférence, fit couler la clarté du jour le long de sa joue, jusqu'à auréoler son crâne blond. Elle se redressa, enfin, livra toute l'élégance et la sévérité de son visage, tandis que son cou fatigué se muait délicatement dans l'ombre, tel un roseau pâle.
Parce que le calme et le mutisme caractérisaient autant les lieux que toute la personne de Lillian la jeune femme attendit, paisiblement, que son interlocutrice manifeste tous les rouages de sa pensées, toute la valeur de ses intentions et toute l'étendue de ses troubles ; immobile, froide sans être menaçante elle se tenait là, semblable aux pierres qui l'environnaient, fleur rocheuse dégageant une certaine grâce malgré la banalité apparente de ses traits et de son allure.
Elle était l'incarnation même de la patience, avec tout ce que cela pouvait impliquer… d'insupportable. _____________ Chaque intonation est un mensonge, une trahison. Chaque geste, une falsification. Chaque sourire, une grimace. |
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Lillian Andrésen Autiste

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Dim 02 Sep 2007 | 16:18 |
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Valéria s'immobilisa, et observa Lillian d'un oeil critique. Très bien. Elle tira sur sa cigarette, envoya la fumée balader vers le centre du cloître pour que ça remonte vers les cieux sans doute artificiels de ce Truman Show version détraqués, puis fixa la blondinette dans les yeux. Ok. Elle ne disait rien. C'était gênant. Très gênant. Ca cachait un truc. Mais tout cachait un truc, elle en avait l'habitude. Alors, dans une réaction bien compréhensible d'auto-préservation par écrasement de l'autre, elle lança simplement :
— Etonnant, je pensais avoir demandé quelqu'un, pas une statue.
Elle tourna les yeux un instant, le temps de se rendre compte qu'elle s'en voulait un peu de cette réplique relativement directe. Un peu énervée, comme toujours, elle envoya un coup de menton vers l'Autiste.
— C'est quoi, cet endroit ?
Valéria n'aurait pas été contre y installer des enceintes histoire de mettre un peu d'ambiance. Ca puait le froid, la mort, le sinistre. Dans un tel silence, tout ce qu'elle entendait étaient les lamentations constantes de son âme torturée, et quelque part, ça lui faisait peur. Un petit bruit de fond n'aurait pas été de trop. _____________ Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain |
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Valéria Rowntree Paranoïaque

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Ven 26 Oct 2007 | 23:09 |
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Devant cette créature pleine de crispation et de fumée, Lillian ne trouva rien à dire. A redire, peut-être, encore que. Ses doigts fins firent luire une mèche blonde avant de la faire disparaître dans l'ombre, derrière le lobe doux et rosé de son oreille ; sa bouche s'entrouvrit à peine, laissa échapper une courte respiration avant de reprendre son pli initial, impassible, imperturbable, énigmatique.
Les mots de Valéria roulèrent sur l'écran furieusement solide qui séparait l'Autiste des êtres qui l'environnaient ; glissèrent jusqu'à mourir dans un vide sonore de plus en plus écrasant. Et ce qui, selon l'angle de vue, pouvait apparaître comme un sourire ou comme un rictus, illumina le minois austère de la jeune femme, rendit grâce à ses cheveux vaporeux et à ses joues délicates.
Un geste vague, enfin. Un mouvement de main, gracieux et si lourd, comme si effectivement une statue se décidait à se mouvoir ; une paume ouverte vers un ciel de pierre, des phalanges à peine dépliées, et tout un cheminement de ridules plus ou moins profondes ne révélant ni passé, ni présent, ni avenir ; juste une peau découverte, froissée à certains endroits par nécessité et par délicatesse. Il y avait bien du sang qui roulait là-dessous, sous cette chair dorée, un peu de vie, un peu de matérialité, un peu de sensible ; mais rien de très définitif, tout était brutalement fugitif, et la main ouverte regagna les courbures d'une robe souple après avoir esquissé un vague mouvement d'incertitude, d'indifférence.
La peur était peut-être un sentiment qui faisait défaut à Lillian. Aussi le silence ne la dérangeait pas outre mesure ; et parler pour nommer l'endroit, vaguement le décrire… Absurde vanité. L'obscure nouvelle venue n'avait qu'à le découvrir d'elle-même.
(Vraiment désolée pour le délai…) _____________ Chaque intonation est un mensonge, une trahison. Chaque geste, une falsification. Chaque sourire, une grimace. |
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Lillian Andrésen Autiste

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Sam 01 Déc 2007 | 23:15 |
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Les yeux de Valéria continuèrent à fixer Lillian, encore plus méfiants. Elle la trouvait encore plus douteuse. Pourquoi ne répondait-elle pas ? Elle se foutait de sa gueule ? Ce silence… Il devenait insupportable. On se moquait d'elle. Depuis le début. La statue était dans le coup, bien sûr, avec tous les autres.
D'un geste rageur, elle envoya balader sa clope au sol où elle fut vite rejointe par un talon mauvais qui avait bien l'intention de l'écraser comme il se doit. Une fois le crime commis, elle soupira du nez pour exprimer son énervement et releva la tête vers l'autre conne. Un petit signe de la main, comme pour dire bonjour, s'agita devant les yeux de Lillian.
— Hého, je suis là ! Moi demander à toi quoi être ici. Toi comprendre, malade mentale ?
Tous des timbrés. C'étaient vraiment tous des timbrés. Heureusement que Valéria était là pour relever le niveau, mais elle était bien la seule, comme d'habitude. Qu'ils aillent se faire foutre, de toute façon. Ils ne l'auraient pas aussi facilement.
(Pas mieux…) _____________ Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain |
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Valéria Rowntree Paranoïaque

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