Un chemin vaut l'autre
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L'Asile
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Univers perturbés

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Message Lun 16 Juil 2007 | 22:12  Répondre en citant

Ce matin-là, Monsieur allait devoir prendre l'univers en main.
Il se trouvait au sommet d'une colline, vêtu de blanc, les jambes croisées, assis sur un rocher ivoirien, constatant ses problèmes comme le médecin pose un diagnostic. Fatidiquement, le médecin avait fait la moue devant une maladie qu'il ne pouvait guérir.
Pourquoi devait-il patauger dans les complexités de son malheur ? Il avait soupiré, et sa bouche s'était repue momentanément de l'aube.

Il s'agrippait péniblement aux lianes de sa vie quand un oiseau, roulement bleu et rouge, jaillit vers lui avec cri funèbre ; aussitôt il dévala de cette colline d'où il avait jusqu'alors considéré le monde.

Atterrissage douloureux dans un espace dense, un verger où les arbres se blottissaient les uns contre les autres tels des amants hypocrites. Il abhorrait les oiseaux ! Il abhorrait les arbres ! Il abhorrait la campagne ! cette campagne belle comme de la dynamite qui vous entre dedans et qui vous éclate, qui rend agressif, nerveux, paranoïaque, narcissique… !
Léger, léger, très léger un vent passa et s'en alla, revint en tourbillons et partit se cacher à la façon d'un enfant. Mais Monsieur était catastrophé, les jeux ne lui plaisaient pas car c'étaient des essais ratés de loisir qui trouvaient toujours leur chronique dans le malheur. Mais où était-il tombé, sacrebleu ! Ce ne lui était pas supportable, et il s'enquit de le faire savoir à l'air en perçant ses oreilles de son désespoir ; à la terre en la battant de son poing ; et à ceux qui n'auraient pas encore compris en pleurant nerveusement.
Et pour les gens qui sont vraiment, mais alors là vraiment lents à la détente :

C'même pas une vie pour un chien ! Vie de merde ! Vie de cul !

Une voix puissante, suppliante, une voix de Pape face à son Église démolie venait de sortir du vent.

Mais l'homme au chapeau souriait, la tête entre les genoux, les mains frappant son crâne, les cris faisant crisser la végétation à la limite de la déchirure. Il souriait. Toujours. Inlassablement. Le voile sur ses yeux protégeait-il son sourire de dentiste des intempéries ?

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Hiroshima mon amour
Marguerite Duras
Monsieur
Mélancolique


Message Mar 17 Juil 2007 | 21:39  Répondre en citant

Ce matin-là, Jack allait devoir passer ses nerfs.

Il avait une rage terrible. Il faisait froid, outrageusement. Une vraie saloperie. Il avait picolé une bonne partie de la nuit, probablement pour se réchauffer. L'insomnie, encore, depuis six jours maintenant. Il faisait froid et noir. Rien de bon dans les parages. Quelle heure pouvait-il être ? Quel jour ? Quel mois ?

Et puis… ?

Il était paumé, complètement paumé. Passé par les caves, pour se ravitailler, puis remonté par tel ou tel couloir, égaré sur tel ou tel chemin, de pièce en pièce, un monde fou, et puis, brusquement, plus personne. Le silence, l'obscurité. On avait peut-être fini par le rayer de la carte. Plus il avançait, plus il sentait le mauvais coup. Le piège.

Mais quelle importance ? Dans ce trou à rats, ça ne changeait plus rien.

Et ce matin-là, Jack allait devoir passer ses nerfs.

Il avait une rage terrible, sourde, mal contenue. Une envie de hurler. Il se frottait sans arrêt le visage avec amertume, en grimaçant furieusement. Il courait, courait, et courait encore. Quand est-ce qu'on allait en finir ? Il faisait froid, un putain de froid. Il avait la gorge en feu. Les poumons brûlés. Il grognait, suait, crachait.

Enfin il s'arrêta. Il ôta son blouson de cuir, et frissonna aussitôt. Le souffle court. La nausée. On avait changé de décor. Il se passa une main terreuse dans les cheveux, et leva le nez en l'air. Des arbres, des arbres, on n'y voyait plus rien. Il plissa les yeux. C'était même une vraie jungle, et bordélique avec ça. Bordélique à souhait. Qu'est-ce que ça foutait là, toute cette merde ? Personne n'avait dû y mettre les pieds depuis trois siècles au moins.

Un peu de solitude, ça ne ferait pas de mal. Mais pourquoi cette jungle était-elle laissée à l'abandon ? Comment était-il entré là-dedans ? Est-ce qu'on le surveillait toujours ? Il laissa échapper un ricanement hargneux. Puis il se pencha, intrigué. Des fruits. Il en ramassa un, et le renifla avec méfiance. Bouffer ces trucs-là ? Il n'était pas stupide.

Jack sortit une flasque qui contenait encore un vieux fond de whisky, et la vida d'un trait.

Drôle d'histoire. Il n'était pas du genre à tourner en rond. A cet instant, une voix se fit entendre. Quelqu'un. Quelqu'un d'autre. Aux aguets, prêt à tout, il se remit en route. Les cris des oiseaux et le frémissement des branches couvrirent le bruit de ses pas. Il faisait froid, il y avait du vent. Pour sûr, on rôdait dans le coin. A la fin, une silhouette lui apparut.

Une mauvaise rencontre, rien de tel pour en découdre. La rage le reprit. Tout ça sentait salement le coup fourré.

Mais peu lui importait.

Ce matin-là, il allait pouvoir passer ses nerfs.

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L'être en berne terne se tait.
L'être en berne terne se sait.
De rien ne se vêt ni ne s'orne.
Si mauvais qu'à crever se borne.
Jack Selway
Paranoïaque


Message Mer 18 Juil 2007 | 14:45  Répondre en citant

En le voyant, il eut la respiration coupée, il crut que son cœur allait arrêter de battre. Comment pareil sublime était-il possible ? D'où venait ce prodige qui attisait son espoir ?
Ses yeux, toujours dissimulés derrière l'ombre du chapeau, se posèrent sur l'apparition bienfaitrice, incrédules. C'était impossible ! Une âme charitable ? Trop beau pour être vrai ! Voilà un vilain tour des toutes-puissantes Instances de l'Asile.

Malgré cela, malgré ses doutes persistants, Monsieur ne put s'empêcher de penser que ce quelqu'un qu'il avait découvert comme un trésor tenait tout du Sauveur. Il était doté d'une aura qui le rendait sinon beau, du moins émouvant, touchant. Pourrait-il précipiter son trépas ?

Monsieur se dirigea vers son Bienfaiteur.

Il allait au pas gymnastique, les poings fermés, la tête en avant ; et il enjambait les fruits qui obstruaient son passage comme la morve dans les conduits naseaux. Son cœur battait à la cadence des métronomes. Il agitait si vigoureusement ses bras qu'il paraissait accomplir avec eux plus de travail qu'avec ses jambes.
Le vêtement blanc passait donc d'un train vif et pressé sur les troncs des arbres ; et le chapeau allait vite, grognait en heurtant une branche, filait sous le feuillage tel une rivière.

Arrivé devant l'homme carré, il se mit à pleurer comme un enfant, répétant :

Je vous en prie, je vous en prie !

Puis il tomba sur les genoux et balbutia :

Mon seigneur ! Mon seigneur ! Mon regard n'est même pas digne de vous.

Et il n'osait, en effet, regarder le visage de son Bienfaiteur où il savait blottie son unique chance de décès.
Quand il se fut relevé, il dit tout haut, en harangue :

Majesté, je… je vous prie, libérez mon corps. J'souhaite que vous m'aidassiez. J… j'veux juste que vous me tuiez ! Une corde, un coup, un étranglement… (il était parti dans d'étranges rêveries) ou que'qu'chose comme ça. Please ! Un petit service, un… Soudain : Mon tabernacle ! Viens pas me faire chier icitte, calice ! Cé mon désespwoir. J'ai surtout pas besoin d'un emmerdeur dans ton genre, faque j'te conseille de dégager illico presto, compris ?

Deux, trois neurones avaient grillées dans sa cervelle. Comme tout bon mélancolico-bipolaire qui se respecte, il avait sauté un plomb, puis explosé à contrario de ce qu'il disait précédemment. Pour lui, "précédemment" devenait soit "Au temps jadis" soit "Il était une fois quand j'avais plus toute ma tête". Il avait donc posé un doigt sur le cœur de l'homme en signe d'avertissement et se tenait droit, l'air de dire enwoye, mon homme, essaye de te battre contre moé pour voir !

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Hiroshima mon amour
Marguerite Duras
Monsieur
Mélancolique


Message Jeu 19 Juil 2007 | 14:03  Répondre en citant

L'autre se dirigeait droit sur lui.

Jack serra les poings. Hostile, buté, résolu. Furibard.

Un chapeau, c'était bien tout ce qu'on pouvait voir. Sale type. Un galurin, un foutu galurin de merde. Sans couilles. Un pauvre galurin minable. Salopard. Planqué. Subreptice. Faux-cul. Déloyal, déloyal et fourbe. Le genre perfide. Scélérat. Sale type. Sale type. Et il chialait, ce con, ce morveux, il chialait comme une gamine. Demi-portion. Il avait horreur de ça, il avait horreur qu'on en rajoute. Sournois, et affecté, le genre répugnant, même pas pitoyable. Ce salaud pouvait bien se les garder, toutes ses putasseries, ses mignardises, il pouvait bien se les fourrer proprement, et soigneusement encore. Mon seigneur il t'emmerde, connard.

Ce n'était qu'un de plus, un parmi des centaines, un qui avait perdu pied. Encore. Il avait horreur de ça, vraiment horreur, vraiment. Et l'autre balbutiait, suppliait, foutrement paumé, rentré jusqu'au cou dans son délire et dans sa maladie, dans sa puanteur avariée, ce dégénéré, ce type idiot, tordu. Sale enfoiré.

Jack eut une mine de dégoût. Il avait la gueule comme écoeurée, il était monstrueux de courroux, de répulsion et de colère.

L'autre avait fini d'implorer la mort. Et voilà que ça empirait maintenant. On ne voyait pas ses yeux, on ne voyait toujours pas ses yeux. Sale type.

Jack le repoussa avec violence, les dents serrées, l'oeil rougeoyant.

Ne m'touche pas, saloperie ! Ne t'avise plus de m'toucher ! Plus jamais, compris ? Saleté !

Ça tournait mal. Il allait sûrement devoir en finir avec ce dégueulasse. Mais pas si vite, il y avait bien autre chose, c'était sûr, et même, c'était couru d'avance. Il avait une intuition. Un trouble, un machin, quelque chose. Comme si la forêt… Comme si la forêt se foutait de sa gueule.

C'était pas bientôt fini toutes ces conneries ?

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Jack Selway
Paranoïaque


Message Ven 20 Juil 2007 | 1:22  Répondre en citant

S'il y avait une expression que Monsieur ne connaissait pas, c'était "après la pluie le beau temps".

Offensé, outragé, humilié. Sa face pissait les larmes.
Jésus était un ours mal léché, alors ? Sauveur de merde ! Il avait eu raison de pas croire aux conneries de la Bible.

Et il aurait pas été étonné que ce soit ce con en avant, ce connard bourré de stéroïdes, c'malappris de cul, cet enfoiré de barbare qui les ait écrites, ces âneries, ces chiennes d'âneries de merdre. Un sauveur ! Et puis quoi encore ? Des machines qui volent, peut-être !
Impossible, va. C'tait juste des grosses conneries. Du déconnage.

Pss, f'drait pas charrier épais non plus, t'sais, tabernacle, songea-t-il avec le pire accent de campagnard québécois jamais entendu. Ciboire d'épais de mon cul, il va avoir mon poing dans' face. Parce qu'il ne pouvait, bien sûr, s'empêcher d'empester ses phrases de sacres québécois et de vulgarités outrancières.

Et, bien sûr, il réfléchissait à tout ça la tête sur le gazon, les pieds tirés vers le ciel, le dos fracassé sur le tronc de l'arbre où l'avait envoyé valser la poussée de Jack.

Le tournis, qu'on appelait ça, hein ? Oh merde, z'étaient où, avant, ces points roses qu'il voyait ? Woo… Y'avait pas pris d'alcool pourtant. Wa… Ohh… Dis donc, c'était pas déplaisant comme sensation ! Ha ha ha !

Reprise des travaux. Explosion de cellules. C'était reparti en sens inverse. Vroom vroom, mécanisme en marche. Hey Oh ! les moteurs. On tourne !…


Dans son petit traintrain quotidien, Monsieur pleurait tout le temps.
Et avec chic, avec classe, avec style. Indéniable. Le genre de type qui pleure avec saveur.
Tous les dons lui avaient été épargnés, sauf la pleurabilité. Il en était fier. Il s'y appliquait avec assiduité.
Cette fois-là encore plus qu'une autre.

T'es pas fin quequ'chose de rare, toé ! Pourqwa tu m'fais ça ?

Une question sincère.

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Hiroshima mon amour
Marguerite Duras
Monsieur
Mélancolique


Message Sam 21 Juil 2007 | 23:10  Répondre en citant

Un, deux, trois, nous irons au bois…

Tel le chant séraphique d'un rossignol aristocratique, la voix nasillarde du Chat résonna sinistrement dans ces Hauts Bois, annonçant ce faisant le réveil placide du verger. Portée par le vent lugubre que le mouvement anarchique des branches apathiques semblait enfanter, elle ne semblait pas pour l'heure avoir d'auteur, bien qu'il fût difficile de s'imaginer autre chose que le sournois Matou rosacé, pour un peu que l'on connaisse un grain — et — ses prodigieux talents de ménestrel.

Quatre, cinq, six, cueillir des cerises…

Alors qu'une pluie incessante de Montmorency et autres Napoléon s'avisait de frapper scrupuleusement le sol — mais aussi la tête des deux pauvres âmes détraquées ici-bas — ce fut d'abord soudainement et en premier lieu la queue perspicace et indolore qui apparut silencieusement, suivie du corps caustique et industriel, rejoint lui-même opiniâtrement par la tête studieusement pointue. Sur un arbre perché, Maître Chat leur tint à peu près ce langage.

« Déluge fruitier, duel échevelé, me contait hier encore la branche de ce végétal… A moins que ce n'eût été celle-ci ? » déclara jovialement la bestiole, biglant alternativement entre deux bras de l'arbre.

Après avoir finalement cligné langoureusement de l'œil à un troisième rameau, son regard ouvragé s'attarda sur Jack et Monsieur, Monsieur et Jack, et vice-versa.

« Quel temps de Chat, n'est-il pas ? » protesta-t-il innocemment, souriant avec plus de dents que nécessaire.
Le Chat



Message Dim 22 Juil 2007 | 23:31  Répondre en citant

Jack n'avait pas répondu.

Et aussitôt après, une autre voix s'était faite entendre. Elle résonnait, perverse. Le piège se refermait.

Un spectre ? Un esprit ? Un mage ? Une vacherie, à tout coup. Le ton était affreusement railleur. Il avait donc vu juste : on se foutait de lui.

La plupart du temps, il fallait bien le dire, Jack abhorrait la moquerie, il haïssait le drôle, la dérision, l'ironie, l'absurde, et le rire, le rire, cet outrage, ce tort et cette faute, cette faute abjecte. Sans prêter la moindre attention à l'autre - celui-là pouvait bien crever - il leva les yeux pour guetter la suite, la cause et la provenance de cette misérable farce.

C'est alors qu'elles se mirent à tomber. Des… cerises ? Cueillir des cerises. Lamentable. On se foutait de lui, on se foutait d'eux. Réellement, il perdait patience. Et ces cochonneries qui tombaient, qui tombaient, qui s'écrabouillaient à n'en plus finir, rejoignant par paquets tous ces foutus fruits pourris qui jonchaient déjà le sol. Il se colla le dos contre un arbre, comme pour se protéger, puis il étendit fermement son blouson au-dessus de sa tête. Ça suffirait bien. Pour le moment. D'où est-ce qu'elle sortait, cette maudite grêle ?

A cet instant, il apparut.

Jack avait entendu parler de son existence, mais il ne l'avait jamais vu. C'était donc lui. L'animal. Une bestiole répugnante. Une parodie de chat, une fausse apparition, une plaisanterie stupide, une chose ignoble, atrocement laide. Et ça avait des pouvoirs, ça !

La mascarade se mettait en place. Il en était sûrement l'acteur, l'auteur, le responsable. Et il souriait, il souriait comme un âne.

Jack observa l'autre du coin de l'oeil, avec une malveillance abominable. Sa rage augmentait. De plus en plus. Il avait horreur des pleurs et des victimes, il avait horreur des fous, des grimaciers, il avait horreur de bien des choses, et de ça aussi, de ça surtout. Il avait horreur qu'on le prenne pour un con.

Décamper ? Pas son genre. Interroger, répondre, c'était s'exposer. Attendre, c'était pire. Mais alors, quoi ?

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L'être en berne terne se tait.
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Jack Selway
Paranoïaque


Message Lun 23 Juil 2007 | 22:14  Répondre en citant

Par une certaine journée, quelque luron dans un bois enfoncé rencontra quelque Matou sur les hauteurs d'un arbre perché.

Le luron n'avait que les os et la peau, et se trouva fort dépourvu quand un Maître Chat aussi puissant que beau il aperçut.

Et durant qu'il le voyait d'un œil ni trop sévère ni trop doux, se demanda comment avait débouché là pareil Matou ? Le luron distinguait sur lui des rayures comme des aquarelles aux couleurs connotées. Couleurs subjectives ? Suggestives ? Le luron ne sachant que penser fit une drôle de mimique, puis hurla devant l'animal métaphorique.

La beauté du Matou, la majesté, le sourire épais, l'être artificiel et jovial du Matou émouvaient le luron ; et de là prenait cours son déplaisir secret.

Secret, ce déplaisir ne le fut point longtemps ; dans les belles âmes demeurent toujours un amant : tristesse est son nom, et la passion du luron ne chercha point à s'en excuser. Et voyant que son cœur ne s'en pouvait défendre, laissa libre cours à une rechute tendre : il ne pleura pas peu, cette fois-là, des larmes telles un feu qu'un désir pur anime.

Oh comme un corps de chat lui aurait bien sis ! Malheur ! Oh comme il aurait aimé… !

Sans prétention de Renard, le luron tint, lui aussi, à peu près ce langage : « Hello, Monsieur du Chat. Qu'vous êtes coloré ! qu'vous m'semblez peinturluré ! Sans mentir, si vot' gazouillis s'rapporte à vos poils polis, v'z'êtes le sphinx de ces bois ! »

Et cela pendant que les cerises s'empilaient sur son chapeau comme sur le stand d'un marchand de fruits.

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Hiroshima mon amour
Marguerite Duras
Monsieur
Mélancolique


Message Mar 24 Juil 2007 | 22:17  Répondre en citant

Sept, huit, neuf, dans mon panier neuf…

Deux paniers, d'un osier véritable d'un marché équitable, cent pour cent hypoallergénique, biologique, aérodynamique et aux lignes épurées, voire entortillées, tombèrent directement dans les bras chevaleresques de chacun des deux champions, prêts — ou pas, selon le cas — à donner leur vie, ou au moins quelque chose de sympathique et élégant, pour la suprématie de leur Famille.

A noter que, tout autant étrangement que bizarrement, les fruits acidulés dégringolant du ciel prenaient soin de ne pas s'écraser contre le fond des corbeilles, si bien qu'elles restèrent ingénieusement vides.

« Sphinx, vous dites ? Un cousin éloigné, je crois. Une bestiole répugnante si vous voulez mon avis… » commenta crânement le Chat, en inclinant la papatte vers Monsieur (arrêtez, Grand Fou).
Le Chat



Message Ven 27 Juil 2007 | 12:33  Répondre en citant

Jack se frotta les yeux. Furieusement. Sèchement.

L'indécision, il en ferait son affaire. Il savait trancher. Avec fureur ? D'autant mieux.

De toute évidence, on s'acharnait. Et ce n'était pas par hasard. D'ailleurs, il ne croyait pas au hasard. Le hasard, une idée à la con. Le hasard, une idée à se foutre en l'air. Il la chassa vivement de son esprit. Les choses étaient claires, voire limpides : il y avait bien là une intention, une volonté. S'il se retrouvait là, mal fichu, rageur, coincé avec ces deux abrutis, à se prendre des fruits sur la gueule, lui, Jack, lui, Selway, lui qui était prêt à crever de rage, prêt à exploser, et à crever, ici, maintenant, là, coincé entre ce sourire et ces larmes, avec ces deux machins minables, dans cette mise en scène absurde, ces cerises, ces paniers… Pour sûr, on s'acharnait. Et le hasard, ça ne s'acharnait pas. On avait donc décidé tout cela. On l'avait nécessairement voulu.

Jack serra les dents, laissa tomber son blouson, et s'avança d'un pas, menaçant.

Leurs énigmes et leurs singeries, il s'en foutait. Ce qu'on attendait exactement de lui, il s'en foutait. L'autre, les cerises, les paniers, il s'en foutait. Il en aurait presque ricané. Méchamment, sans bonheur, à sa sauce. Il était bien décidé à ne pas jouer leur sale petit jeu. A quoi bon ? A quoi bon les satisfaire ? A quoi bon divertir le chat ? Ce chat, qui n'était qu'un instrument, un maillon de la chaîne, une farce de mauvais goût, mais qui, plus encore que tout le reste, le rendait furieux, attisant sa colère de ses bons mots… Soudain envahi par une sauvage brutalité, il balança son panier — ce putain de panier ! — droit sur lui, en plein dans son affreux sourire.

DÉGAGE !!!

Peut-être pourrait-il enrayer le processus ? Mettre leurs plans à mal ? Au fond, c'était sans importance.

Ce matin-là, une fois pour toutes, il passait bel et bien ses nerfs.

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L'être en berne terne se tait.
L'être en berne terne se sait.
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Si mauvais qu'à crever se borne.
Jack Selway
Paranoïaque


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