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Le réveil

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Message Sam 14 Nov 2009 | 11:43  Répondre en citant

L'indien lui cracha à la face — et Luce bondit en arrière, poussant un nouveau cri. Le temps qu'elle réalise que ce n'étaient que quelques brins d'herbe qui l'avaient assaillie, et non quelque venin mortel, l'ourson avait déjà détalé. Il était à plusieurs mètres déjà, ses petites pattes dodues s'agitant avec l'énergie du désespoir.

Luce aurait pu retrouver sa légendaire combattivité, et se lancer à sa poursuite. Mais la nouvelle l'abattait : Raton était mort, sucé, mâché, englouti, digéré par le sauvage. La fillette s'écroula sur le sol. Devant ses grands yeux pâles se pressaient les images de sa rencontre avec Raton. Elle l'avait vaillamment sauvé du balai de Lila ; ils avaient depuis été inséparables, le tout plus ou moins clandestinement (un rat au château !), plus ou moins librement dans le cas de l'animal — Luce ayant allègrement décliné toutes les formes de captivité, de la boîte de confiture à la taie d'oreiller. C'était son compagnon, son secret, son ami le plus cher. Mais il devait s'agiter aujourd'hui au milieu des sucs gastriques de l'autre créature.

Un sanglot épais vint agiter sa gorge maigre, doucement — puis un autre, un autre encore, pour aboutir une plainte déchirante qui envahit le parc, montant sans cesse dans les aigus, jusqu'à vriller les tympans mêmes des taupes sous terre, afin que chacun soit témoin de sa tristesse amère.

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Humpty Dumpty sat on a wall * Humpty Dumpty had a great fall * All the king's horses and all the king's men * Couldn't put Humpty together again
Luce
Hystérique


Message Dim 15 Nov 2009 | 13:41  Répondre en citant

Leno n'avait, on l'a vu, pas demandé son reste, et avait décidé, plutôt que d'attendre avec la dignité des sages et la témérité des guerriers qui savent au nom de quoi ils luttent et meurent, de prendre son destin en main et de se donner une seconde chance. Que ceux qui désapprouvent cette insoumission à cette condition qui est celle de tout ourson se rassurent en se disant que, tôt ou tard, Leno aurait à faire face aux épreuves qui jalonnent le parcours de son existence. Il n'est nul raccourci sur les sentiers de Bouddha, seulement des détours oiseux.

Lorsque, durant sa folle course, hagard, ruisselant de sueur, de chlorophylle et de terre, moitié trébuchant, haletant sous la panique autant que sous le poids de son costume, il fut rattrapé par le hululement démoniaque de la harpie, sa vitesse ne fit que redoubler. Ses jambes, douloureuses, ne répondaient plus qu'à un automatisme qui aurait pu faire penser, à ce stade de dépassement de soi, à plus qu'un simple instinct de survie : sans doute Leno courait-il vers une nouvelle étape de sa vie d'ourson mignon, un palier existentiel, une éclaircie ouvrant vers la transcendance.

Ce carrefour mystique se présenta à lui sous la forme d'un dilemme cruellement trivial : derrière lui, le vagissement gonflait avec une régularité inexorable, laissant présager bientôt d'une sirène proprement apocalyptique, l'allégorie des trompettes du jugement dernier ; devant lui, un bosquet épais d'où émanait une sorte de brume paresseuse, s'étalant avec langueur au-delà de ce que la physique admise par l'ourson aurait jugé permissible.

Leno n'eut pas à choisir, n'eut pas à réfléchir, n'eut pas à se poser la question : ses jambes, messagères d'en-haut, objectives ambassadrices de la fortune, le précipitèrent avec résolution vers le bosquet. Il s'écroula à l'abri d'un arbre, d'où émergèrent bientôt deux oreilles rondes et velues, puis deux grands yeux inquiets et brillants, le tout agité par une respiration saccadée et pénible. L'appel de la furie avait, comme Leno l'avait craint, continué de croître bien au-delà du seuil de tolérance dont disposent les oreilles d'un ourson, fussent-elles velues et toutes rondes. Le scientifique qui était en lui n'eut que le temps de s'étonner que des sons aussi aigus restassent pour lui dans le domaine de l'audible, avant que, dans un gigantesque élan d'insurrection, dans un soulèvement intérieur monumental, Leno ne hurlât à son tour, silencieusement, sa colère face aux desseins du cosmos, qui l'avaient rendu là, les côtes meurtries, les jambes pantelantes, la respiration coupée, et vice-versa, qui l'avaient contraint, humilié, sali, peinturluré, à se réfugier dans un endroit qu'en temps normal il aurait jugé hostile, bref, qui avaient transformé son havre de paix au sein duquel son angoisse restait de l'ordre du gérable en un purgatoire plus infâme que ce qu'il avait jusque lors jugé trop infâme pour y mettre les pieds.

Et le résultat fut une réponse muette mais parfaitement audible pour qui se tenait à moins d'une centaine de mètres alentour, d'une intensité dramatique propre, peut-être, à transmettre le désespoir qu'éprouvait Leno aussi sûrement qu'un virus porcin : < ARREEEEEEEEEEEEEEEEEEETE !!! >

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Poor Leno
Where you'll be you'll go
Where you'll be I'll know
Where you'll be I'll
find you
Leno
Autiste


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