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Le réveil

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Message Ven 08 Fév 2008 | 18:23  Répondre en citant

Il est parfois difficile de se réveiller, surtout quand l'on sait très bien les douleurs qui nous attendent. Abigaïl préférait la présence obscure de la nuit à celle aveuglante du soleil éclatant ; il est beaucoup plus simple de passer inaperçu la nuit qu'en plein jour.

Lève toi, et va où l'odeur pure t'emporte !

Abigaïl se leva du sol où elle s'était reposée quelque temps, essuya ses pantalons et replaça rapidement le collet de sa chemise. Une fois les vêtements placés, vint le tour des cheveux, ceux-ci ébouriffés furent difficiles à replacer, mais Abigaïl n'avait pas réellement envie d'y passer la journée ; elle les laissa donc ainsi, porta ses mains sur ses oreilles pour bloquer toute intrusion et marcha la tête basse et d'un pas vif.

Elle s'arrêta brusquement devant une statue où l'on pouvait voir une petite fille tenir la main de sa mère, celle-ci avec un bébé dans les bras. Elle s'assit donc par terre et y jeta un long regard rempli de questionnement.

Assise tranquillement en regardant la statue, elle balançait de l'avant vers l'arrière réglée comme une horloge…

_____________
Ouvrez les yeux et vous verrez, fermez-les et vous comprendrez!
Abigaïl Dulong
Autiste


Message Jeu 13 Mar 2008 | 16:59  Répondre en citant

Nulle trace de sa maison. Où qu'il aille, Leno ne trouvait aucun indice vers la sortie. Il tournait en rond dans le parc, contournant les bosquets trop sombres, évitant les étendues trop dégagées, fuyant les alentours d'une drôle de dame en grande robe qui criait fort fort en courant vite vite vite, si vite que ses yeux avaient du mal à la suivre…

Mais pourquoi de l'herbe ?

Où était passée la neige ? Et les grands grands sapins ?

Désemparé, Leno marchait sans vraiment s'en rendre compte, errant vainement, de fontaine en fontaine, de statue en statue. Mais voilà qu'au pied de l'une d'elle se tient quelqu'un ! Le premier réflexe de Leno, lorsqu'il s'aperçut de cette présence, fut de se figer. Le second, de regarder autour de lui si la voie était libre… Mais de la même manière que le balancement métronomique de l'indésirable l'avait d'abord masquée à ses yeux, il exerçait désormais sur Leno un étrange intérêt. Quel drôle de jeu !

Il s'approcha doucement doucement, le plus discrètement dont un ourson était capable, pour s'apercevoir que de près, le pendule vivant était une fille aux bras bizarres, collés sur la tête. Elle regardait fixement la statue, une drôle de statue, avec une dame et un enfant qui se donnaient la main, et quelque chose d'accroché à elle aussi de plus petit qu'un enfant encore, petit petit… Que c'était bizarre !

< C'est quoi ? >

Aucun son n'était sorti de sa bouche.

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Poor Leno
Where you'll be you'll go
Where you'll be I'll know
Where you'll be I'll
find you
Leno
Autiste


Message Sam 24 Mai 2008 | 11:03  Répondre en citant

Comme Abigaïl, mais dans un état d'esprit tout différent, Luce avait émergé des brumes du sommeil, le nez dans le gazon du Parc. Frottant ses grands yeux bleus, elle s'était assise en tailleur et avait regardé autour d'elle. Le parc s'étendait à perte de vue, léchant comme l'écume les premières marches du château.

Ouaaaaaaaaaaaaah !

La fillette s'étira bienheureusement et se remit debout d'un bond. Sereine, elle ne se posa pas de questions.
Où était-elle ? Elle avait l'inconsciente conviction d'avoir toujours vécu ici, et ce détail n'effleura pas son esprit.
Il faisait beau, il faisait frais, et l'herbe était belle, belle…

— Belle, belle…! répéta la fillette, en se jetant à plat ventre pour caresser le gazon du plat de la main.

Quelque chose couina fort et remua sous son ventre.

— Oh, Raton ! s'exclama Luce, en roulant sur le côté pour libérer le pauvre rat du poids de son maigre corps.

— Hihi ! Tu as vu ? On est bien, ici !

Elle empoigna l'animal et le serra fort contre sa poitrine inexistante, un sourire béat étirant ses lèvres blanches.
Puis elle se releva d'un bond et se mit à courir dans une direction inconnue.

Elle erra ainsi, gambadant, sautillant, faisant diverses acrobaties disgracieuses, une bonne partie de la matinée. Elle chantait de sa voix aiguë, échangeait des propos courtois avec Raton ou les statues. Mais le parc manquait d'arbres fruitiers et elle commençait à avoir faim. Cette préoccupation enfla et occupa bientôt tout son esprit.

— J'ai faim, faaaaaaaaaaaaim, criait-t-elle en musique, bondissant sur le gazon ennuyeux, lorsqu'elle aperçut, au pied de cette statue, là-bas, deux silhouettes encore indistinctes. Ses grands yeux bleus s'écarquillèrent, elle serra légèrement son rat dans ses paumes et un sourire gigantissime s'épanouit sur son visage.

— Hihi, Raton ! Voilà de la compagnie !

Et elle fonça tête baissée vers la statue en question, ses petites jambes s'agitant si vite qu'on aurait dit une araignée mouvante, une araignée blonde — ses petites jambes s'agitant si vite qu'en une minute à peine, elle se tenait aux côtés de Leno et Abigaïl.

Mais elle ne leur accorda pas un regard.
Les yeux exorbités, l'air bouleversé, les bras ballants (Raton tomba par terre en couinant), elle contemplait la statue, dont les contours s'étaient précisés.
Une femme. Un bébé. Une petite fille, qu'elle tenait par la main. Qu'elle tenait par la main !

L'instant suivant, le visage délicat de Luce s'était froissé de la haine la plus inexprimable. L'air profondément méchant, elle porta les bras en avant, se rua vers la sculpture, l'escalada sans peine — et, perchée sur les épaules de la fillette de pierre, s'agrippa à son cou blanc pour l'arracher, gémissant sous l'effort, dans un rictus affreux.

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Humpty Dumpty sat on a wall * Humpty Dumpty had a great fall * All the king's horses and all the king's men * Couldn't put Humpty together again
Luce
Hystérique


Message Lun 01 Juin 2009 | 14:46  Répondre en citant

Alors qu'il n'avait même pas eu le temps d'attendre une réponse — mais en attendait-il au moins une, lui qui n'avait qu'à peine conscience d'avoir posé une question ? Il s'agissait plus d'une interrogation qui confinait à l'existentiel, sans s'adresser à autre chose qu'à la fatalité, ou peut-être à son émissaire goguenard aux yeux roulants et à la pelisse rose — notre petit Leno fut déstabilisé par une tornade rouge. Oui, déstabilisé : la simple vue de la course de la fillette lui fit imaginer qu'elle laissait dans son sillage une bourrasque monumentale, et l'effet de son imagination fut tel qu'il crut perdre l'équilibre. Heureusement qu'il était assis !

La fillette, si elle eût été moins agitée, toute l'image que s'en faisait Leno aurait changé : sans ces gesticulations et ces mimiques abominables, sa robe, sa taille, ses traits délicats, ses grands yeux, tout en elle aurait évoqué de façon étrange l'autre fillette, celle qui donnait sagement la main à sa maman, blanche et immaculée, immobile et silencieuse. Son exact opposé, en somme. Comment s'étonner que Leno ne perçût pas la ressemblance entre elles ? Et puis, Leno en était encore à se demander ce que représentait la forme devant lui, et quel était le lien qui pouvait unir ces trois entités, il ne pouvait pas être au four et au moulin. Qu'aurait été faire un ourson dans un moulin de toute façon, à part peut-être intérimer une marmotte pour mettre le chocolat dans le papier d'alu ?

Comme la fillette, couinant fort fort, continuait de s'acharner sur la statue, Leno réalisa qu'il avait passé un temps non négligeable à la fixer hébété : il était resté assis long long ! Il en déduisit bien vite, car si le petit Leno était craintif, il n'en était pas bête pour autant, que si la fillette ne passait pas sa rage sur la statue en totalité et qu'il restait dans l'intervalle dans sa ligne de mire, il serait la prochaine cible potentielle du cyclone braillard. Le peu de pertinence probabiliste des supputations de l'ourson lui échappait malheureusement : pour lui, il n'y avait pas de gradation dans le risque. Dans grand danger comme dans peu de danger, il y avait danger, et c'était tout ce qu'un ourson avait besoin de savoir.

C'est pourquoi, en tout état de cause, l'ourson spéculateur et rationnel qu'était Leno prit ses jambes à son cou.

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Poor Leno
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Leno
Autiste


Message Dim 07 Juin 2009 | 13:46  Répondre en citant

La statue ne semblait pourtant pas vieille.
La gamine ne semblait pourtant pas forte.
Mais, Leno s'était éloigné de quelques dizaines de mètres à peine, que la tête de la fillette de marbre se fissura et tomba sur le sol, entraînant avec elle la fillette de chair. Dont la colonne vertébrale heurta douloureusement le socle.

Rien ne bougea plus.
Les oiseaux chantaient, plus loin, vers la forêt. Le soleil brillait, imperturbable. L'inconnue, horloge vivante, balançait toujours son torse de bas en haut comme une poupée molle que rien ne pouvait atteindre. Seule la statue avait été amputée de la moitié du visage.
Prostrée sur le lit de pierre dure, Luce se demandait s'il valait la peine de pleurer ou non. Après tout, personne ici ne semblait disposé à l'écouter. Elle ravala alors sa douleur et se releva, avec des mouvements de vieille.

Debout, et ne pensant plus, déjà, à son méfait dont l'accomplissement avait asséché sa haine, Luce épousseta sa robe et regarda autour d'elle, le regard rase gazon.
Où était Raton?
Un mouvement de panique la saisit soudain. Le souffle au bord des lèvres, elle se mit à tourner frénétiquement dans le secteur, piétinant sans scrupule l'apparente quiétude d'Abigail, à la recherche de son rat.

Où était Raton?

Ses regards se levèrent et se portèrent au lointain. C'est alors qu'elle aperçut une petite tâche brune qui s'éloignait à toute vitesse.
N'y réfléchissant pas à deux fois, Luce ramena ses petits bras contre son corps et, torpille rouge et blanche, se rua vers Leno à la vitesse de la comète.

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Hystérique


Message Mer 10 Juin 2009 | 20:53  Répondre en citant

Courir, ne pas se retourner, courir vite vite, chercher son souffle, courir encore, ne pas s'empêtrer dans son costume, courir, ne pas s'emmêler les pieds, ne pas se retourner, regarder droit devant, ne pas écouter ses jambes qui tirent tirent, garder le rythme, Leno observait ces préceptes dans l'ordre, avec rigueur et ténacité. Le sportif en lui les lui dictait d'instinct : il était impensable que Luce le rattrapât.

Il était impensable que Luce pût encore le distinguer, l'apercevoir, impensable enfin qu'elle pût le doubler !

Ce qu'elle fit pourtant.

Luce le doubla, le vit, le rattrapa, dans cet ordre ou dans un autre, le petit Leno n'eut pas le temps de faire le tri : admettre l'impensable était déjà bien assez, oh oui ! Un flash rouge l'éblouit, il tourna la tête, perdit sa concentration, son équilibre, ses jambes se heurtèrent, ses yeux s'ouvrirent grand grand, et un faible hoquet lui échappa, doux doux comme une émotion incomplètement contenue ; à moins qu'il s'agît que de l'air qui fut brutalement expulsé de ses poumons lorsqu'il heurta le sol ?

Leno, tétanisé, attendit, plutôt patiemment si l'on y réfléchit, que la haine de la furie s'abatte sur lui. En petit garçon honnête, il ne cherchait pas à se défiler face aux tourments qu'il savait l'attendre. La notion de péché lui était inconnue : qu'aurait donc pu avoir à se faire pardonner un petit ourson, et auprès de qui, et avant quels autres mondes ? Leno n'était pas du genre à prier pour son salut, le philosophe en lui n'y voyait pas d'intérêt — si tant était qu'il existât un saint qui eût daigné se pencher sur son cas : existait-il un protecteur des oursons ?

Le héros en lui lui intimait de ne pas bouger un cil.

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Message Mar 28 Juil 2009 | 16:45  Répondre en citant

Luce faillit tomber à son tour. La chose brune s'était écroulée au beau milieu de sa course, et elle avait dû freiner de ses deux souliers pour ne pas la heurter de plein fouet. Sa ballerine rouge avait été arrachée, son orteil tordu, et il était évident depuis un petit moment que Raton était perdu. Mais Luce n'écartait pas d'emblée l'hypothèse d'une étrange métamorphose.

De fort méchante humeur, la fillette ramassa sa chaussure et clopina sans hâte jusqu'à la chose. Une bouche, un nez, un air impassible. Une petite bouche, un petit nez, un affreux petit air impassible. Luce plissa les yeux, les sourcils froncés.

— T'es quoi ? lança-t-elle dédaigneusement. T'es un ours ?

Le silence ne dura pas mais la fillette renchérit avec âpreté, se satisfaisant de son monologue méfiant.

— T'es pas un vrai ours !

La sentence était jetée et il était temps de passer au vif du sujet désormais. Luce s'approcha, posa un pied léger sur les reins molletonnés de l'ourson (elle avait vu ça, autrefois, sur un tableau), et demanda d'une affreuse petite voix aiguë :

— Où t'as mis Raton ?!

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Hystérique


Message Jeu 13 Aoû 2009 | 3:05  Répondre en citant

Leno attendait patiemment sa dernière heure.

Leno attendait silencieusement sa dernière heure.

Leno vivait son dernier instant, il le savait, et il le vivait dans une tension indicible.

Il voyait les insectes s'activer sous son nez, entendait l'herbe bruisser sous la brise imperceptible, sentait vibrer la terre sous lui au rythme des pas de sa poursuivante, était imprégné de l'odeur de l'herbe, de la terre, de sa sueur, de toutes les fragrances qui composaient le monde qui le portait et avec lequel, l'espace d'un instant, il ne fit plus qu'un.

La voix criarde de Luce le tira brutalement de son osmose pour le rappeler aux pénibles vicissitudes qui l'attendaient. Allons, un peu de courage, Leno, ça n'était que l'affaire d'un instant ! Mais au lieu de l'achever, telle une chatte cruelle, sa tortionnaire préférait jouer encore avec lui, l'épuiser, le rouer de sarcasmes avant de l'achever d'un coup de griffe. Tétanisé et docile, Leno encaissa bravement la première salve. Une courte pause durant laquelle il n'eut pas l'occasion de reprendre sa respiration, seconde salve. Qui le laissa transi d'effroi.

Et pour parachever sa déconfiture, la vilaine vint lui enfoncer son pied dans les côtes. Mais cependant qu'elle approchait, son discours était lentement monté jusqu'au cerveau de l'ourson mortifié. Car si, Leno était un ourson. Il s'agissait là non seulement d'une évidence incontestable, mais aussi et surtout d'une manifestation existentielle irréfutable.

Notre petit ourson tout petit tout doux tout rond et tout — mignon devint cramoisi de rage. Etre traqué par une fillette venimeuse, passait encore. S'affaler face contre terre, passait encore. Se retrouver dans la posture d'un catcheur déconfit sur mauvaise chaîne du câble, malaxage de diaphragme compris, passait plus difficilement, mais passait tout de même.

Mais nier l'ourson qu'il était, renier son oursonnerie, dénier sa toute petitesse toute douceur toute rondeur et toute — mignardise, en somme, lui reprendre son droit à être quelque chose, quelqu'un — car s'il n'était pas un ourson, qu'était-il ? que lui restait-il au-delà de sa petitesse, de sa douceur, de sa rondeur, de… enfin bref ? — c'était acculer l'ourson en lui à un néant morbide et intégralement inconcevable.

L'ourson qui était en lui hurlait de rage, de frustration, d'humiliation, Leno était outragé, ulcéré, révolté.

Les quelques secondes qui suffirent à l'afflux de sang provoqué par l'émotion, encore raccourcies par sa position horizontale, pour rejoindre ses joues rebondies (toutes rondes et toutes — mignonnes), ne lui permirent pas de prêter garde à la signification du couinement irritant qu'émit sa dompteuse. Les poings crispés par l'opprobre, le visage rond (tout rond et tout — mignon) crispé par le déshonneur, Leno, couché sur le ventre, se mit à trépigner comme l'enfant — pardon, l'ourson — qu'il était, les bras et les jambes décrivant de larges arcs de cercle qui imprimèrent bientôt de jolies traces vertes sur son beau costume brun. Il ressemblait à un épileptique. Du moins, à un ourson épileptique. Et la seule réponse qu'obtint Luce fut un sobre et efficace vefuizinourfonvefuizinourfonvefuizinourfonvefuizinourfonvefuizinourfonvefuizinourfon.

Ad libitum.

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Message Ven 28 Aoû 2009 | 16:48  Répondre en citant

Soudain, l'ourson fut pris de spasmes et de diarrhée verbale — gazouillant d'un ton ronchon des paroles inintelligibles. Surprise et déstabilisée, Luce ôta son pied du corps de sa victime et demeura là quelques secondes, immobile, se demandant quoi faire. Elle ne songea pas un instant que l'enfant tentait de se débattre ou d'exprimer une quelconque protestation. Elle le croyait déjà atteint de quelque maladie nerveuse. Peut-être un hanneton lui avait mordu le nez, injectant son venin destructeur dans les pauvres membres de la chose marron.

Circonspecte, Luce usa à nouveau de son pied pour retourner, non sans mal, le corps moelleux de l'ourson. Les yeux hors de la tête, elle observa sa face ronde et rougeaude, tachée d'herbe qu'il avait plutôt efficacement réduite en bouillie. Cela lui faisait comme des peintures de guerre, et Luce songea qu'il s'agissait peut-être là d'un de ces Indiens aux joues peintes et aux fourrures d'animaux dont quelque livre d'images lui avait vaguement parlé. Ainsi, il serait tout à fait normal qu'elle ne puisse comprendre un traitre mot de son baragouin. Tout à fait normal qu'il ne puisse lui indiquer où était Raton.

Elle fut prise soudain d'un mouvement de panique et recula d'un pas, le temps d'un cri d'horreur de d'indignation. Ces sauvages aux mœurs barbares ! Il devait être dans leurs coutumes lointaines, assurément, de dévorer les rats — et, tout particulièrement, les beaux rats bruns à la queue rose et aux yeux rouges ! L'évidence la frappa comme un roc : ce maudit Indien avait dévoré Raton !!

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Luce
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Message Mer 07 Oct 2009 | 23:04  Répondre en citant

La litanie de Leno ne s'était pas interrompue tandis que Luce le retournait diligemment — avait-il même remarqué que c'était elle qui, de son soulier, l'avait fait basculer sur le dos ? Ses gesticulations auraient tout aussi bien pu conduire au même résultat, comment savoir ? Il continuait méthodiquement son virelangue, laissant à Luce tout loisir d'étudier le cramoisissement croissant de sa pouponne boubouille.

Un piaulement l'arrêta, et il tourna des yeux ronds vers sa psychopompe, prenant une large et emphatique inspiration pour mieux ensuite recracher dans sa direction les quelques brins d'herbe qui en avaient profité pour se frayer un chemin vers ses voies aéro-digestives supérieures. Il vit la matadoresse reculer et ne s'embarrassa pas de salamalecs : il fallait profiter de l'ouverture tant qu'elle était disponible !

Leno se redressa tant bien que mal et entreprit, une fois de plus, de détaler aussi loin que possible de la Mort Rouge.

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