Samedi 15 novembre - 17h57

Le sujet vient de se réveiller et déambule dans la maison en robe de chambre. Il n'adresse que des regards lointains à ses congénères qui préparent fiévreusement leur soirée. Il jette un regard hautain à la télé, un regard tendre à la console puis s'assoit silencieusement au bureau du salon. Alors seulement, ses doigts semblent prendre vie et courent furieusement sur les touches du clavier…

Jeudi 5 février, 22h28

Céleste comateuse se traine de son lit à son lit, la mâchoire plus crispée encore qu'à l'accoutumée.
Raisons : une dent de sagesse naissante, accompagnée de nausées incessantes et de maux d'estomac; symptômes au demeurant sans lien les uns avec les autres.
Impossibilité désespérante de s'apaiser par la prise d'antalgiques.
Pour passer le temps, elle se fait les ongles. La douleur accentuerait donc à ce point sa folie…?

Jeudi 5 février 2008 à 22h55

Frustré apparemment pour cause de mâchoire douloureuse, l'interné fait les cent pas en répétant :

"Ne pas y voir une influence pernicieuse externe, ne pas y voir une…"

Vendredi 6 février, 11h26

Dans une pièce toujours aussi chichement meublé mais au décor plus clair que précédemment, le grand homme fait les cent pas autour d'un bureau encombré, dans le sens des aiguilles d'une montre dont le bruit de son parcours serait le tic-tac. De temps à autre, il saisit, sans ralentir, une feuille de papier couverte de griffonnages illisibles et la repose au tour suivant sans même lui avoir accordé un coup d'œil.

Mardi 17 février, 21h23

La folle est à nouveau malade. Trois fois rien. Trois fois, ça commence à faire beaucoup. On dirait qu'elle le fait exprès. Elle pleurniche, s'isole, se berce, fait vibrer la mesure de son impatience jusqu'aux tympans. Mais elle se fait violence, elle n'est plus une enfant… Tétant son mégot compulsivement.

Céleste fait semblant de savoir ce qu'elle veut ; c'est réconfortant.
Céleste convoite une biture en règle, une plaquette de médicaments, quelques degrés en plus dans la pièce, une autorisation à s'éclipser, souffler, s'envoyer en, momentanément. Tout va bien, pourtant. Alors quand donc apprendra-t-elle à se défoncer à l'affection humaine ? A bien y réfléchir, elle aimerait surtout poser sa tête quelque part, un petit moment… Une épaule par exemple, solide ou pas, juste assez pour porter trois fois rien de vide insensé.

Mercredi 18 février 2009, 9h21

Le sujet étudie avec les plus grand soin des feuilles entièrement blanches, semblant les parcourir avec ferveur, comme s'il y découvrait la clé de mystères insondables. Après les avoir parcourues des deux côtés, il les repose machinalement, formant une pile à la croissance lente, inexorable.

Tout ceci de la main gauche, tandis de de la droite, posée à plat sur le bureau, il répète inlassablement, dans des saccades nerveuses, un motif rythmique complexe à l'aide de son pouce.

Jeudi 19 février, 11h ou presque

Le sujet se ballade dans une jungle impénétrable, taillant avec vigueur des entremêlements de lianes, buissons, arbustes, fougères, etc… Il se sent épié de toute part et tente de dégager la vue pour dévoiler les créatures malfaisantes qui en veulent à son bien.

Enfin je suppose que c'est ce qu'il voit en se débattant avec force mouvements de bras dans sa cellule.

Jeudi 19 février, 11h53

A quatre pattes, le sujet dos tourné à nos dispositifs, semble étudier la moquette avec une minutie fervente. A vrai dire, de là où nous l'observons, il pourrait aussi bien se faire un rail de coke.

Lundi 23 février, 14h10

L'interné git comme une loque contre un mur son cou forme un angle pas forcément très confortable, un tuyau tordu lui rentre dans les côtes, mais pourtant il est heureux car il a enfin pu fermer les yeux.

Lundi 23 février, 20h43

L'internée a faim. Son ventre grogne.

Hissée sur la pointe de pieds couverts d'ampoules, elle guette par la lucarne.
Ses joues sont rouge vif, elle paraît fébrile et fiévreuse, gigotant d'une manière caractéristique.

Elle pense au printemps qui tarde. Aux filles qui se dénudent de plus en plus, aux lucioles des clopes dans le soir tardif, aux gosses, à leurs rires, leur vitalité incandescente.
Elle pense à ses muscles brûlants et fatigués. Au goût du café, du lait, du lait… Un grand verre de lait frais.

Son ventre vide se tord. L'internée a très faim, décidément.