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Jeu 04 Sep 2008 | 15:09 |
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Te voilà revenue à la case départ, Sophie : tu as semé ton protégé dans le dédale des caves, tu as laissé se noyer une autre internée, tu n'as pas retrouvé la sortie en quête de laquelle tu t'étais lancée, tu recommences une énième ébauche de carte.
Une journée bien remplie.
Mais tu n'as pas baissé les bras, Sophie, tu as retrouvé une entrée, presque sans t'en rendre compte d'ailleurs mais ça n'a pas d'importance, pas celle que tu cherchais non plus, mais un nouveau point de départ, et cette fois tu l'as soigneusement notée, même si tu n'en as pas saisi le fonctionnement — c'est qu'elles sont bien cachées les coquines ! Qui aurait cru en effet que cette innocente volée de marches, si proche de la chapelle, et dont on a l'impression, à moins de les emprunter, qu'elles ne mènent qu'à un plan d'herbe situé plus bas, qui aurait cru que ces quelques pierres comme posées là sans réelle nécessité seraient ton nouveau passeport pour le Purgatoire ?
La chapelle où tu n'as pas osé entrer soit dit en passant, incapable de regarder ta couardise en face. Et pourtant, tu y es retournée, à ta carte, il faut te le concéder ; tu as repris ton labeur, sans (trop) rechigner, tu t'es jetée dans la gueule (à demi-ouverte) du loup, tu t'acquittes de ton devoir (à ton rythme), tu remplis ton tonneau percé, tu tisses ta tapisserie sans cesse détricotée, en somme, tu vis, à ton échelle, ton lot de peine et d'injustice.
Mais cette fois tu ne te laisseras pas arrêter par les ombres farceuses ou par les échos railleurs. Plus de fuites précipitées, plus de demi-tours affolés, plus d'abandon ou de panique. Cette fois, tu viendras à bout de cette maudite carte, cette fois, tu réussiras, foi de Sophie, et sans laisser personne derrière toi. En somme, tu braveras ton destin, comme dans une tragédie grecque, avec des dieux, des monstres, des épreuves, des héros aussi, et cette fatalité gravée dans le béton de ta stèle. Tu changeras le cours de ton histoire. Tout légendaires qu'ils soient, ce ne sont que des tas de briques, et toi aussi tu as l'éternité devant toi pour leur faire cracher leurs secrets. _____________ La mort est le plus profond souvenir.
Ernst Jünger |
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Sophie Lefèbvre Mélancolique

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Ven 05 Sep 2008 | 9:59 |
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Passe cette porte, Siraya.
Venge-toi de l'affront fait à ton cœur innocent.
Traître…
Siraya était inconsciente.
Evanouie de douleur, le petit corps écorché était tapi dans un coin sombre aux tréfonds des caves de l'Asile.
Le fiancé est là, auprès de la promise.
Ils dorment tout deux d'un sommeil sans remords.
Traître…
Par un mécanisme inconnu, l'étroite ouverture au fond de l'étang l'avait menée ici.
Siraya extrait de sa robe le poignard.
Dors pauvre Siraya, apaise la fatigue, calme ton âme, soulage tes blessures…
Tue-le, Siraya, tue-le.
Eventre-le Siraya ! Que son sang jaillisse ! Que ses viscères menteuses dégoulinent !
Rien ne troublait le silence religieux des caves.
Tue-le ! Tue-le ! Tue-le !
TUE-LE ! _____________ Tout craint le temps, mais le temps craint les pyramides. (Proverbe) |
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Siraya Nébetit Hystérique

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Jeu 11 Sep 2008 | 9:46 |
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Consciencieuse, méticuleuse, tais-toi et creuse, Sophie notait, annotait, dénotait, tu te tais on t'a dit. Sa carte s'étoffait à vue d'œil, aucun carrefour ne lui échappait, aucun embranchement ne pouvait lui taire ses secrets. Sophie reprenait confiance, ne se laissait distraire par aucune des lueurs qui vacillaient dans son dos, aucun des bruissements de ce qu'elle préférait croire être des chauves-souris ou autres rongeurs, bandes dessinées romans-photos quelconques.
Et Sophie pila. Net. Ouvrit de grands yeux. Incroyable ! Impossible ! Elle s'approcha à pas mesurés. Ses yeux ne la trompaient pourtant pas… C'était là, c'était là, devant elle ! Elle n'osait pas y croire.
Des rails !
La légende était donc vraie… Mais où pouvaient-ils mener ? Dans une mine ? Hors de l'Asile ? Quel engin pouvait les emprunter ? Draisine ? Wagonnet ? Ou le légendaire Serpentrain ? Tant de mythes qui se trouveraient renforcés par sa découverte ! Quelle merveilleuse surprise elle ferait à sa Famille, en faisant le jour sur autant de fables ! Elle hésitait pourtant à s'aventurer sur la voie ferrée. Si elle se faisait renverser ? Si elle ne pouvait revenir en arrière ? Non, il fallait un groupe entier pour explorer ces mystères. Seule, c'était trop risqué. Elle se contenterait de compléter du mieux qu'elle pourrait la carte, afin de faciliter les recherches ultérieures.
Demi-tour, droite, Sophie ! On reprend là où on l'av… Stop stop stop. C'était quoi cette chose sombre au coin de la galerie ? Un amas de chiffons noirs entassés dans l'ombre qu'elle n'avait pas remarqué tout à l'heure. Qu'est-ce que ça faisait là ? Vaillante, Sophie braqua sa lampe de poche sur le tas de vêtements : rien. Un drap inoffensif, oublié là, roulé en boule. Méfie-toi, Sophie, ne baisse pas ta garde…
A pas mesurés, plus silencieuse qu'un chat sur un édredon, Sophie rejoignit les linges, s'accroupit, se pencha, retint un hurlement et, paralysée, ne put qu'aspirer plus d'air que ses poumons n'en pouvaient contenir, ouvrir des yeux plus larges que son visage, dresser ses cheveux plus haut que le plafond.
La sorcière était tapie dans les vêtements noirs comme la mort. Le visage couvert de sang. Les cheveux en désordre lui collant au visage, c'était elle, même les yeux fermés, elle pouvait reconnaître son odeur, son nez, son menton, gravés à jamais dans ses souvenirs durant l'assaut bestial qu'elle lui avait donné. Peut-être ne l'avait-elle pas vue, peut-être dormait-elle, peut-être ne l'avait-elle pas entendue, peut-être pourrait-elle s'enfuir tant qu'il était encore temps ? Sophie restait figée d'effroi, les muscles raidis dans une position de plus en plus inconfortable. Un éclair la frappa soudain. Et si elle n'était vraiment qu'une internée, blessée, rejetée là par quelque monstre de l'étang des griffes duquel elle, Sophie, n'avait pas eu le courage de la tirer, à moitié morte ? Ses traits semblaient si doux, si paisibles… Etait-ce un leurre de plus, la succube attendait-elle le bon moment pour l'égorger une bonne fois pour toutes ? Ou le destin lui envoyait-il une deuxième chance de se racheter ?
Sophie, comme dans un rêve, approcha la main du visage ensanglanté de la chose, de la fille, quelle qu'elle ait pu être, dans un geste d'une lenteur désespérante.
Et la chose, la fille, quelle qu'elle ait pu être, ouvrit les yeux. _____________ La mort est le plus profond souvenir.
Ernst Jünger |
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Sophie Lefèbvre Mélancolique

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Ven 26 Sep 2008 | 22:32 |
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Crève infidèle !
Sale fourbe évidé comme un porc !
Tes tripes sont à moi !
TU ES VENGÉE SIRAYA ! VENGÉE !
L'obscurité.
Les yeux entrouverts apprivoisent ce nouveau décor. Faiblement, les sens s'éveillent aux odeurs, aux sons de ce lieu secret,
puis à la douleur des chairs égratignées…
Une silhouette vaporeuse ;
Les yeux s'ouvrent et se referment afin de donner forme à cette image spectrale,
s'ouvrent… se ferment…, s'ouvrent… la douleur…, se ferment.
S'ouvrent enfin.
La divinité vengeresse était penchée sur son petit corps. Allait-elle perpétuer les tortures qu'elle avait fait subir à la pauvre jeune fille sur les bords du Nil ? L'avait-elle, dans sa colère immense, envoyée aux enfers ?
Siraya, de désespoir laissa couler des larmes. Qu'allait elle devenir ? Et Nénéksou, l'enfant sorti de ses entrailles encore chaudes ?
C'est alors qu'au loin un étrange sifflement se fit entendre en écho… _____________ Tout craint le temps, mais le temps craint les pyramides. (Proverbe) |
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Siraya Nébetit Hystérique

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Dim 28 Sep 2008 | 17:57 |
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Stupeur et tremblements : Sophie regarde, immobile, les yeux de la succube, ou l'internée, etc. papilloter dans sa direction, l'air si incrédule, si naïf, si innocent, ricochant, mais descends, de l'étang. L'étang dans lequel elle avait sombré puis survécu. Sa main restait suspendue entre elles, comme pour cueillir les larmes qui roulèrent bientôt sur les joues de la succube, ou l'internée, and so on.
Mais pourquoi pleurait-elle ?
Sophie ne savait plus à quel saint se vouer. S'agissait-il de larmes de crocodile destinées à abattre ses dernières défenses ? Elles avaient l'air si réelles, la terreur et la peine si authentiques dans les yeux de la jeune fille… Car derrière les marbrures de sang séché, derrière les cheveux poisseux, derrière le tissu lourd et opaque, c'était le visage paniqué d'une fillette qui implorait sa pitié. Mais comment, par quelle diablerie avait-elle pu la retrouver ici ? Le hasard était trop improbable.
Et Sophie, toujours aporétique, gardait la pose. Elle n'eut pas le temps de soupeser plus longtemps ses soupçons : un bruit inconnu résonna depuis les ténèbres au-delà du chemin de fer, du jamais-entendu, un bruit qu'elle n'aurait jamais imaginé de sa vie avoir l'occasion de croiser : le sifflement d'une locomotive.
Fuir.
Comme une évidence, ce seul mot s'imposa à elle, réflexe pusillanime et salvateur censé protéger la carte, à tout prix, même celui de sa bravoure. En un éclair elle fut sur ses pieds, prête à décamper, son sac bien calé au creux de son ventre. Mais au dernier moment, elle hésita, se pencha vers la succube et l'internée pour lui tendre cette fois franchement la main : Vite, viens ! Avant d'ajouter, en réponse à son regard toujours aussi perplexe (Bien sûr ! Elle ne la comprenait pas, avec son dialecte étrange qu'elle lui avait baragouiné sur les rives de l'étang ! Les syllabes s'empilèrent d'elles-mêmes, totalement au hasard, dans la souvenance des incantations que la succube, ou l'internée, whatsoever, avait lancées contre elle plus tôt) : Lâhkikou ! (Cachons-nous !) Puis, pointant un galerie : Chîp-chîp ! (Vite vite !) _____________ La mort est le plus profond souvenir.
Ernst Jünger |
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Sophie Lefèbvre Mélancolique

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Dim 26 Oct 2008 | 19:29 |
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Aâknha maliû Ninéksa Nefet mâatma sâfer…
Natiû, natiû, soulsoul.
L'enfer…
Les fumées infernales inondèrent les galeries étroites et précipitèrent la maudite dans le chaos. Siraya enserra de ses bras sa pauvre tête ; le sifflement hurleur du malin ne souffre aucune pitié envers les âmes des damnés. Il fera éclater ses chairs dans un feu jaillissant de sang. Il n'y a plus d'espoir.
Une main surgit alors de l'horreur.
Une main salvatrice…
La déesse avait compris sa douleur, sa dévotion, enfin…
Elle lui avait pardonné, enfin…
Enfin…
Siraya rassembla ses maigres forces et se traîna péniblement sur le sol. La langue sacrée des dieux transcenda ses sens affaiblis et lui donna l'énergie nécessaire pour se redresser et fuir. La peur brûlait dans son ventre et ravivait ses muscles. Elle marchait, courait de toutes ses forces vers…
Un monstre métallique roulant et cracheur de feu déboula dans une fureur folle. Il se mit alors à les pourchasser. Les deux fugitives n'avaient pas le choix et firent demi-tour dans la galerie qu'elles savaient cependant obstruée. Un vacarme tonitruant, une fumée de poussière asphyxiante : c'est dans ce décor que les dernières secondes de vie de Siraya et Sophie se consumèrent.
Au bout du tunnel, elles se blottirent au sol, l'une contre l'autre et…
Le train s'immobilisa. _____________ Tout craint le temps, mais le temps craint les pyramides. (Proverbe) |
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Siraya Nébetit Hystérique

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Lun 27 Oct 2008 | 0:50 |
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Sophie, comme dans un (mauvais) rêve, avait détalé comme un lapin devant les sifflements de la locomotive pour finir acculée dans les phares, s'attendant à tout instant à se voir pulvérisée contre la paroi qui de briques était devenue de roche, galerie creusée à même le ventre de l'Asile. Eh ben non ! Pas de compression de César, non plus que de near death experience, même pas de réveil en sursaut : Sophie, en chair et en os, rouvrit les yeux pour recevoir dans l'éblouissement intolérable des phares une preuve irréfutable qu'elle était toujours vivante.
Ceci lui permit de revenir rapidement sur le déroulement des événements — du moins, sur sa version à elle du déroulement des événements, basée sur sa perception à elle du peu auquel elle avait assisté ou à tout le moins prêté attention. Mais écoutons plutôt son témoignage, avant que de trancher en faveur ou non de sa pertinence ; car à Sophie, il nous faut concéder au moins une chose : la bonne foi.
C'était tout d'abord, comme il a été avancé précédemment par la partie sus-nommée Siraya, un sifflement qui avait annoncé l'arrivée du serpent de métal. Puis, tandis que Siraya sus-nommée tardait à trouver son équilibre, tandis également que le sus-cité sifflement enflait jusqu'à devenir grondement, menaçant à leur en percer les tympans, les naseaux du train auraient laissé échapper un nuage de vapeur bouillante qui, dans l'étroitesse du tunnel, les aurait rapidement plongées dans une poix où, désorientée, Sophie aurait perdu Siraya de vue, ne pouvant se fier qu'aux faibles lueurs des lampes à huile, diaprées par la vapeur comme les réverbères une nuit d'hiver. L'instant aurait presque pu être poétique. La brume s'était malgré tout rapidement dissipée pour laisser place aux phares jaunes du train, éblouissants et inquisiteurs, en contrejour desquels elle avait enfin distingué Siraya qui, courant en tous sens à une allure surnaturelle, avait pris pour finir la même direction que le train, le devançant de quelques mètres seulement. Sophie s'était alors lancée à sa poursuite : Non ! Pas par là ! avait-elle appelé, sans réussir à couvrir le hurlement des freins — car oui, il ralentissait, ce n'était pas une illusion. Galopant comme une dératée, Sophie avait in extremis rejoint Siraya pour ce qu'elle avait cru être leurs derniers instants. Quelle ironie, de finir en pâtée pour train avec celle qui avait quelques heures plus tôt tenté de la tuer de ses propres mains ! Dans un ultime réflexe, elle avait couvert l'internée de son corps afin de la protéger de l'impact, tremblant tout autant que sa protégée. Celle-ci en retour s'était blottie contre elle, l'agrippant à lui en couper le souffle. La lumière, paupières fermées, avait continué de l'éblouir, une bourrasque terrible s'était levée, emportant avec elle un nuage étouffant de poussière…
Noir.
Silence.
Seuls les toussotements irrépressibles des jeunes filles pour leur indiquer qu'elles n'étaient pas mortes. Cramponnée à Siraya, Sophie ne distinguait qu'une immense tache bleue. A tâtons, elle se défit de l'étreinte de Siraya et se releva, prenant appui sur la paroi rocailleuse qu'elle avait cru être leur planche à découper. Sous ses pieds, les rails étaient brûlants. Aucune lumière ne leur parvenait des galeries : le train, lové dans son terrier, en emplissait toute la hauteur. Elle fouilla dans son sac pour en sortir sa lampe de poche : le nez pointu du train lui faisait face, encore vibrant. Sophie tenta d'explorer l'anatomie de leur prédateur : au-dessus des phares désormais clos, deux fenêtres étroites aux sourcils mécaniques. Le faisceau de sa lampe tangua dans la boîte crânienne sans qu'elle pût en apercevoir autre chose que le plafond : le conducteur l'avait-il déjà quittée ? Les avait-il même vues ? La cabine était trop haute pour lui permettre de le savoir.
Elle se retourna : prisonnières. Les proies étaient emmurées dans une cage si étroite qu'en étendant les bras Sophie eût pu en toucher les deux parois. Seule la largeur du train leur permettait de circuler au sein de cette bande salvatrice. Le rayon de sa lampe heurta Siraya, toujours recroquevillée. Sophie la rejoignit et s'accroupit auprès d'elle : Ça va ? Puis, se rappelant qu'elles ne parlaient peut-être pas la même langue, improvisa une traduction tout aussi hasardeuse qu'un peu plus tôt : Khôman S'nâda ? _____________ La mort est le plus profond souvenir.
Ernst Jünger |
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Sophie Lefèbvre Mélancolique

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Dim 23 Nov 2008 | 17:11 |
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Le soleil décroit majestueusement sur les rives du fleuve sacré.
De sa lumière éternelle, il embrasse les cieux flamboyants et glorifie les hommes sur la terre.
Le dieu Rê te bénit Siraya.
Siraya lâcha peu à peu l'emprise si solide du corps de la déesse. Elle se recula et entra dans une béatitude contemplative.
Siraya caressait des yeux le visage qui s'offrait à elle en pleine clarté. Il pénétra tout son être de sa splendeur divine.
C'est alors qu'elle effleura à demi la sculpture des traits ; elle frôlait sa peau ; dessinait sa bouche, son nez, le contour de ses yeux… respirait son parfum.
Puis elle contempla son corps : elle palpait ses mains, ses bras, ses épaules… sa poitrine. Elle écoutait les bruits de son ventre. Elle approcha ses lèvres et baisa les pieds de l'icône, les genoux, les cuisses…
Siraya la salissait de son insolence : les plaies encore humides souillèrent de sang la merveilleuse peau. Siraya était émue ; émue de cette osmose de chair et de sang qui rendait l'esprit surhumain à la terre.
Elle lut alors dans son âme : la déesse Rê, qui commande à la lumière, lui offrait sa bénédiction.
La jeune enfant posa sa tête sur le sein consolateur. Le corps reprit peu à peu vie au contact de la poitrine : elle avait mal, elle avait peur, elle avait faim, si faim… elle avait soif… si soif…
Siraya chercha de sa bouche le téton nourricier qui pourrait la rassasier, enfin. Elle passa sa tête sous l'habit royal et commença la succion salvatrice… _____________ Tout craint le temps, mais le temps craint les pyramides. (Proverbe) |
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Siraya Nébetit Hystérique

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Mer 24 Déc 2008 | 3:02 |
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Dans le clair-obscur chichement dispensé par sa lampe-torche, Sophie ne comprit tout d'abord pas le rituel de Siraya : sans daigner lui répondre, celle-ci — semblait deviner Sophie — s'adonnait à un drôle de manège, entre ablutions et sanctifications, relique et factions, t'as pris tes cachetons, j'ai vérifié y'a le compte. Dans un bruit de froissements épais, elle semblait l'étreindre et la baiser avec passion, avec un respect nouveau, comme si c'était Sophie qui avait arrêté le train, la remerciait-elle ? Ou lui manifestait-elle sa soumission, comme la bête sauvage qu'elle s'était déjà montrée être ? Non, dans le fanatisme de ses caresses, Sophie réussissait à percevoir un amour, une dévotion toutes humaines, une fragilité sincère, une habileté sévère, une visibilité légère, une unicité entière.
Des caresses comme Sophie n'en avait que rarement reçues, des manifestations tendres comme elle en avait si souvent désiré, la fusion des corps, l'union charnelle chaste entre une mère et son enfant, un contact familier et chaleureux, rassurant, réconfortant, la pure et archétypale succion, le contact primitif et sincère des êtres de chair. Ne faisant qu'une avec son ombre au gré du halo vacillant de sa lampe, Sophie, impuissante, percevait le moindre crissement des étoffes rêches, le moindre effleurement des mains écorchées sur ses membres. Oublié le train, oubliées l'étroitesse et la noirceur du réduit dans lequel elles se trouvaient emprisonnées, oubliée la gamelle du train, oubliée leur fuite comme deux lapines crétines, oubliée l'odeur de crottin des haillons de sa protégée, Siraya n'était ni une catin ni une putain, c'était l'enfant qu'elle n'avait jamais eu, c'était l'amour qu'elle n'avait jamais reçu.
Sophie ne pensa pas à le noter, mais quelques minutes, quelques instants encore auparavant, elle aurait à coup sûr interprété le geste de Siraya comme une agression caractérisée, comme une tentative sournoise de l'atteindre en plein cœur. Au lieu de ça, assise le dos contre la paroi froide et bosselée, elle pleurait doucement en caressant les cheveux de son enfant. Sophie ne pensa pas à le noter non plus, mais comme tentative sournoise de l'atteindre en plein cœur, ça se posait là. _____________ La mort est le plus profond souvenir.
Ernst Jünger |
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Sophie Lefèbvre Mélancolique

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Lun 29 Déc 2008 | 16:15 |
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— NENEKSOU !!!
Une sirène d'alarme d'une intensité inouïe éclata. L'insoutenable vacarme résonnait sur les parois resserrées des caves obligeant les deux jeunes femmes à protéger leurs oreilles de leurs mains.
Au même instant, une lumière accusatrice les aveugla. L'étrange monstre métallique se manifestait à nouveau de sa toute puissance.
— Eh didon ! t'es ben ch'ti canaiillou d'gueuler com' ço didon ! t'vas m'faire faire une crise cardiac', s'tu continues com'ço !!!
Quelques secondes plus tard, la sirène infernale prit fin.
— Te v'là rev'nu ch'ti canaiillou ! Le vieux Jojo s'languissait d'toi didon…
La lumière s'éteignit.
— Benv'nue au bercail didon, j'vais t'ram'ner ch'toi au gorage didon !
Siraya et Sophie, blotties l'une contre l'autre, ne comprirent aucun mot de cette conversation singulière ; mais le train, comme par magie, les libéra enfin… et disparut au bout du tunnel dans un vrombissement tonnant.
Quelques longues minutes s'écoulèrent avant que les deux femmes reprennent leurs esprits.
Siraya la première se déplia douloureusement et parvint dans un effort incroyable à se mettre debout. Une résolution toute particulière avait pris possession de son jeune corps : Néneksou, elle l'avait presque oublié… La déesse Rê, dans sa bonté infinie, l'avait sauvée, l'avait bénie, l'avait aimée… Elle se devait maintenant de retrouver son enfant, le fils unique de Néfer le grand.
— Fâartu Néneksou nesûmi tâap.
Je dois retrouver mon fils, Nénéksou.
— Aâknu Siraya.
Aide Siraya. _____________ Tout craint le temps, mais le temps craint les pyramides. (Proverbe) |
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Siraya Nébetit Hystérique

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