Un chemin vaut l'autre
De l'autre côté du miroir
L'Asile
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Salut Boss !

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Message Lun 11 Juin 2007 | 23:42  Répondre en citant

Le Jardinier sortit tranquillement de sa cabane. Il leva haut les bras au ciel et s'étira bruyamment. Ses petits yeux mobiles, oscillant entre le jaune pisseux et le doré scintillant, observèrent la surface immobile de l'étang ; en ce jour bien éclairé, bien brillant, tout était parfaitement calme.

Mais le Jardinier ne put s'empêcher de laisser ses narines étrécies frétiller au gré des vents ; comme si subitement, quelque chose le chagrinait, ou plutôt le chatouillait. Avait-il de la visite ? Ou allait-il visiter quelqu'un ? Cela… cela !

Il se gratta la tête ; examina son long doigt crochu avec un air de contentement. Puis il croisa ses bras sur sa poitrine. Presque comiquement, il tapota nerveusement du pied.

— Ah ça ! Ça par exemple !

Sa petite bouche s'orna d'un pli mesquin.

— Enfin quand même !

Il lâcha un petit soupir agacé.

— Allez viens ! Je t'attends ! Viens te battre !

Là-dessus, il lissa sa belle toge noire et frotta ses mains l'une contre l'autre.
Le Jardinier



Message Lun 11 Juin 2007 | 23:50  Répondre en citant

Voilà trop longtemps qu'il était enfermé dans ses bureaux capitonnés. Une petite balade vespérale s'imposait. Dehors, on était au milieu de la journée : une lumière agréable tombait sur le domaine, et il voyait l'ombre fraîche sous les bosquets, les statues aux reflets aveuglants, sentait l'herbe inégale et souple sous ses pieds. Il avait presque chaud sous sa soutane, dont l'ombre du capuchon laissait difficilement entrevoir une paire de lèvres suaves, en équilibre sur un menton aristocratique.

Quelques internés étaient éparpillés aux quatre coins de l'enceinte circulaire aux limites indiscernables, le plus souvent seuls. En plissant les yeux, il crut distinguer le Chat, probablement encore en train de tourmenter quelqu'innocente victime, comme à son habitude. Vilaine bestiole.

Sans qu'il y prête attention, ses pas l'avaient porté à l'étang, tache blanche immaculée sur le vert de l'herbe. On aurait presque pu le croire en sable fin. Le Jardinier était pour une fois dans les parages, et semblait même l'attendre, comme s'il l'avait senti arriver et était sorti l'accueillir. Le Directeur vint à sa rencontre, sans empressement, à une allure d'éternité. Tandis qu'il approchait, le Jardinier montrait des signes d'impatience et rouspétait tout seul.

Les ténèbres imperturbables du capuchon rencontrèrent le couple d'yeux jaunes.

Eh bien, Jardinier, tu m'as l'air bien chafouin aujourd'hui. Que t'arrive-t'il donc ?

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Le Directeur



Message Lun 25 Juin 2007 | 17:12  Répondre en citant

Le Jardinier bondit sur place.

— Toi ! Vermine ! Scélérat ! Langoustine !

Il pointa un doigt crochu vers la bouche du Directeur.

— Tu crois me surprendre, hein, en venant me voir mais… HA ! HA ! HA ! Moi je savais que tu viendrais !

L'étrange personnage trembla de tous ses membres. Un rire furieux, croassant, semblait transpirer des moindres parcelles de son être.

— Je suis chafouin… parce que je suis chafouin par définition, déclara subitement le Jardinier d'un ton presque lugubre.

Quelques notes de violon criardes ponctuèrent étrangement cette brutale révélation.

— Toi tu es mou… parce que tu es mou par définition, ajouta-t-il avec un sourire narquois. Genre… avec tes yeux qu'on voit pas sous ta capuche… Moi je suis en toge voilà !

Il esquissa un geste d'une grâce inouïe pour rabattre un pan de sa toge sur son épaule.

— Allez, viens boire le thé. Et on se déchausse en entrant, conclut le maître de l'étang en ouvrant la porte de sa cabane.
Le Jardinier



Message Mar 26 Juin 2007 | 12:26  Répondre en citant

Il enleva ses sandales, pour s'apercevoir qu'il était venu pieds nus. Sans mot dire, il franchit le seuil de la cabane, dont le capharnaüm n'avait rien à envier aux bureaux qu'il avait laissés derrière lui. Il attendit donc, ainsi que l'exige la courtoisie, qu'on lui présente un siège digne de ce nom.

Tu savais donc que je viendrais… Je ne le savais pas moi-même. Ne deviendrais-tu pas un peu Paranoïaque ?

Maintenant à l'abri des regards, il pouvait se déshabiller. Il ôta sa soutane et la lissa méticuleusement, avant de la plier sur son bras. Le Jardinier n'aimait pas s'égarer dans des circonvolutions inutiles, subtilités dérisoires et autres manigances futiles. Même s'il savait parfaitement que ce n'était pas de lui que le Directeur cherchait à se cacher, il refusait obstinément de comprendre ce qu'impliquait son "gros tas de magouilles". Laissons courir.

Si tu as eu connaissance de ma visite avant moi, tu en devineras donc avant moi également le motif. Alors dis-moi, Jardinier, pourquoi suis-je ici ?

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Le Directeur



Message Sam 30 Juin 2007 | 16:45  Répondre en citant

Haussement d'épaules. Paranoïaque ou pas, il était sûr d'être sûr de lui. Il sortit une vieille chaise en osier d'un coin sombre et la planta devant le directeur. L'air morne, sa bouche se tordit en un rictus dubitatif.

— Pourquoi t'es venu là ?

Le Jardinier posa brutalement un samovar sur une table, et s'installa sur un tabouret noir. Il servit ensuite un thé d'un rouge translucide, à l'odeur fruitée et piquante, dans deux tasses de porcelaine de Chine, joliment décorées.

— C'est bien simple : tu veux savoir qui fayote, qui maraude, qui chipote, qui taraude, qui crachote, qui galvaude, qui dénote, qui fraude, qui parlote, qui rôde, qui gargote, qui s'échaude et qui complote…

Il aurait longtemps continué ainsi si une mouche ne l'avait pas subitement piqué.

— Ah ! Sale bête !

Après l'avoir attrapée entre ses doigts crochus et vilains, somme toute assez poilus à y regarder de plus près, il lança d'un ton caressant :

— Moi, je ne dis rien si je ne gagne rien.
Le Jardinier



Message Lun 02 Juil 2007 | 1:23  Répondre en citant

Le Directeur resta impavide, dégustant autant son thé brûlant à travers la tasse que les singeries de son hôte.

Il déplia lentement sa soutane, pour la replier encore plus lentement et la poser sur ses genoux. Au-dessus de son col usé, son cou gracile soutenait un visage sur lequel deux yeux pénétrants étaient comme fichés au hasard. Il toisa longuement le Jardinier, sans piper. But une gorgée de thé, amer et poivré. Comme son compagnon connaissait bien ses goûts… et ses intentions.

Je t'ai confié des responsabilités. Je t'ai accordé des pouvoirs. Je t'ai fait Grand Architecte. Je t'ai donné ma confiance. Avec pour seule mission, pour seul devoir, pour seule attente, de me servir. Tout travail mérite salaire, dis-tu, et je te l'accorde bien volontiers. Accorde-moi alors la réciproque.

Il poussa un soupir timide, comme s'il rejouait cette même scène depuis la nuit des temps.

Tout ceci t'appartient encore.

Ses yeux rougeoyèrent.

Tout comme ton allégeance m'est encore dûe.

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Le Directeur



Message Mer 11 Juil 2007 | 23:33  Répondre en citant

— Hé hé hé…

Une longue série de ricanements sournois s'échappa de sa gorge, avant que celle-ci ne fût entravée par une quinte de toux.

— HA HA HA ! conclut-il finalement d'un air triomphant, avant de croiser les bras sur sa poitrine.

Une moue dubitative et peu enthousiaste déforma sa petite bouche.

— Mouais.

Il termina sa tasse de thé et la lança par-dessus l'épaule, à la manière d'un Russe balançant son petit verre de vodka après l'avoir avalé d'un trait. Puis il se leva, l'air tout à fait affairé, partit dans un coin de sa cabane pour en sortir une table à repasser, un vieux fer rouillé, et une corbeille à linge.

— Bon, quoi de neuf sous le soleil de Mexico ? Qu'esss'tu m'veux ?

Tout en lançant ces interrogations sybillines, le Jardinier avait saisi une immense chaussette violette et commencé à la repasser méticuleusement. Après tout, c'était bientôt Noël… ou Pâques, il ne savait plus bien.
Le Jardinier



Message Jeu 12 Juil 2007 | 11:01  Répondre en citant

Le Directeur ne cilla ni lorsque le Jardinier lui rit au nez, ni lorsque la tasse se brisa. Il resta silencieux et immobile quelques secondes, les mains posées à plat sur la table. Murmura, avec regret : Une si jolie tasse…

Son index se souleva imperceptiblement, et la tasse fut de nouveau sur la table, intacte. Il se resservit du thé d'un geste indolent, le but avec majesté. Il se tourna enfin vers son hôte. Bien, émit-il sobrement. Il déplia une nouvelle fois sa soutane, la pendit à bout de bras, puis la replia, toujours avec application et gravité, pour la reposer sur ses genoux, comme un vieux chat sur une grand'mère.

Notre plan est compromis, Jardinier. Oh, je sais bien que tu n'en as cure, mais tu dois m'aider. Il n'est plus question de maraudages. Ceux qui cherchent à s'enfuir représentent autant de forces gaspillées que nous n'avons pas besoin de contenir.

De la main, il dessina avec un extrême raffinement un geste oublieux.

Le Psychiatre entretient leurs illusions en leur faisant miroiter des possibles. Mais les choses sont en train de prendre une nouvelle tournure.

Il marqua une pause pour rajuster un col impeccable.

Une vraie bataille se prépare. Et nous ne sommes plus que cinq. Malgré les efforts du Bibliothécaire, l'histoire cherche à se répéter. Souviens-toi, Jardinier. Souviens-toi du passé. Nous allons devoir faire mieux que nos prédécesseurs.

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Le Directeur



Message Lun 30 Juil 2007 | 18:06  Répondre en citant

Le Directeur fit quelques gestes amples et souples, parla avec gravité de causes étranges et énormes affectant l'Asile ; le Jardinier, pendant ce temps, attrapa une chaussette rose fuchsia ornée de carottes vertes, la plia en quatre, la déplia, la repassa, et garda une moue peu concernée sur son minois chafouin.

La dernière note solennelle s'échappa de la bouche de son supérieur ; à ce moment, le mouvement cadencé et répétitif se figea, une brume violette s'échappa de son fer, et une odeur de soufre gagna la cabane.

— HA HA HA HA HA HA HA HA…

Son corps, agité de spasmes incontrôlables, sembla faire vibrer la pièce toute entière ; son rire impossible, tonitruant, déchira le silence de l'étang et rompit net l'ambiance feutrée, mystérieuse, qui régnait jusque là. Le Maître du Chaos ricanait, ricanait à n'en plus finir, et rien ni personne n'aurait pu l'arrêter car le véritable chaos, n'était-ce pas le rire le plus soudain, le plus irrésistible et le plus effroyable ?

— Quoi, le soleil est rouge ce matin, du sang a coulé cette nuit ? vociféra brutalement le Jardinier, coupant brutalement son hystérie sismique en balançant sa chaussette fumante sur la table.

Une langue baveuse sortit de ses lèvres et transforma son visage en une grimace grotesque. Ses pupilles devinrent convergentes ; il balbutia enfin d'une voix affreusement exaspérante :

Aux armes, citoyens…
Le Jardinier



Message Ven 03 Aoû 2007 | 21:10  Répondre en citant

Ce fut au tour du Directeur de rire. Un rire discret et mesuré, qui raviva dans ses yeux cette lueur rougeâtre.

Un rire qui ne s'arrêtait pas.

Qui enflait, enflait à n'en plus finir, de plus en plus cristallin, jusqu'à en devenir perçant, suraigu, heurté, méca Et s'étrangla soudain.

Un filet de salive lui pendait au coin des lèvres.

Ce n'est pas drôle, haleta-t'il. Ce n'est pas drôle, Jardinier… Il s'essuya brutalement la bouche d'un revers de bras, tandis que ses yeux s'emplissaient d'un sang flamboyant.

CE N'EST PAS DROLE ! CE N'EST PAS DROLE DU TOUT ! s'époumona-t'il soudain. NOS POSITIONS SONT EN JEU ! TE DECIDERAS-TU UN JOUR A PRENDRE QUELQUE CHOSE AU SERIEUX ?

Les murs de la cabane tremblèrent si fort que certaines des étagères renversèrent leur contenu sur le sol. Un instant passa, pendant lequel la mouche de tout à l'heure, ou peut-être une nouvelle, zigzagua autour de sa tasse.

Il murmura, haletant :

Des nouveaux, toujours des nouveaux, encore et toujours, sans cesse, des nouveaux, ils surgissent de partout et reprennent là où leurs médiocres prédécesseurs se sont arrêtés, c'est-à-dire nulle part, nulle part, médiocres, nulle part, et pourtant… pourtant… nulle part… pourtant… pourtant ils progressent, ils gagnent du terrain, ils rongent leurs liens, les aliénés… Un gloussement hystérique lui échappa.

Nouvelle pause, plus longue. La lueur rougeâtre qui baignait son visage décrut subitement. La respiration ample, il acheva, sur le ton de la conversation qui lui était coutumier :

La tournure des événements requiert toute notre vigilance. Le temps nous est peut-être compté.

Il but une gorgée de thé dans sa tasse vide.

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Le Directeur



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