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Sam 05 Juil 2008 | 17:24 |
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[Pour celeste, mais si quelqu'un se sent inspiré pour intervenir, qu'il ne se gêne pas]
Une porte, au fond d'un couloir aux murs gris et ternes. L'atteindre avant que cette main qui serrait la sienne ne disparaisse. Avant qu'il ne recommence à douter. L'entrainer dans le dédale de couloirs au plus profond, là où personne ne les retrouverait. L'ouvrir et s'y precipiter avant que quelqu'un ne les arrête, qu'on ne le prive de cette impression de confiance, de se sentir apprécié. Pas trop vite toutefois, lui laisser le temps de le suivre. Emprunter des chemins plus sûrs lui permettant de s'habituer à cette présence, le temps de goûter les impressions qui s'y attachaient, de sentir les mouvements de son corps derrière lui. Il restait attentif à la moindre variation des légers frottements de leurs main, de la pression de cette paume contre la sienne, mais n'osait la regarder de peur de ne pas y retrouver l'expression qu'il avait lue sur son visage au moment de ce baiser qui lui brulait encore les levres.
Les couloirs aseptisés s'enchainaient. Silence. La clarté des lieux diminuait. Ils entraient de plus en plus profondément au coeur du batiment. Pas un mot dans ces lieux. Quelqu'un aurait pu les entendre. Ils avancaient, pour arriver dans le petit couloir gris et sa porte metallique. L'ouverture des profondeurs. Un long grincement alors que le panneau pivote. Il est temps de prendre le risque de rencontrer ses yeux. Garder cette pensée à l'esprit, tenter de la faire transparaitre dans son regard.
Me suivras-tu ? _____________
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Fallom Tenk Paranoïaque

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Dim 06 Juil 2008 | 19:39 |
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Une fraîcheur assourdissante, débarrassée de l'humidité qui clapote encore loin au dessus des deux têtes. La présence organique de la pierre, séculaire, compressive. Dans le silence des caves imbibées de la folie extérieure, Céleste pense à la musique de son sang à ses tempes puis s'astreint à fredonner intérieurement pour contrer l'instinct phobique.
Le Loup se prépare, il met ses bottes noires… Qui a peur du Loup ? Ce n'est pas nous, ce n'est pas nous.
Les manches du pyjama glissent sur les poignets emboîtés, elle ne les relève pas. Regard fixe sur le crâne échevelé qui s'agite dans l'obscurité, accélère la cadence, tendu, impatient peut-être. Sa paume tiède est un repère, elle s'y accroche, cherchant le contact, désireuse de retrouver la chaleur réconfortante des lèvres, du regard tendre sur sa peau. L'obscurité s'accroît. Ne pas faillir devant les peurs primaires, enfantines, réactivées par la pénombre asphyxiante. Ne pas laisser s'extraire de la mémoire les fantômes effroyables, pierre froide, isolement, goût métallique de la peau nue; mais pas un mot, non, fermer les portes à ceux qui voudraient empêcher sa confiance de croître… Confiance palpitante dans sa chair moite, chaque fois que le dos de sa main frôle la hanche maigre. Le coeur s'accélère, implacable sourdine.
Au fond du couloir, le Loup se prépare… Il prend son mouchoir. Qui a peur du Loup ? Ce n'est pas nous, ce n'est pas nous.
Céleste claque de la langue pour interrompre la chanson obsédante. Le couloir s'affine, l'étouffement devient palpable, un nœud coulissant qui bloque sa respiration. Porte métallique, au loin, plus proche à chaque pas, est-ce ici ? Qu'est-ce, ici ? Attendre un signal, un contact rassurant. L'homme s'arrête enfin. Continuité du regard qui invite à quelques pas de plus dans le lien étroit des mains serrées, closes sur l'extérieur, la folie des autres. Le nœud se relâche, le sang se réchauffe dans les veines dilatées. Elle voudrait le serrer contre son corps, sentir les muscles anxieux se relâcher; mais l'invitation n'est pas de cette trempe, il faut prolonger le cheminement souterrain, parcourir les entrailles désertées, inoffensives..?
Céleste penche le visage pour rapprocher les fronts. Un sourire inquiet se dessine, une interrogation, un encouragement.
Guide moi. _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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Jeu 10 Juil 2008 | 18:33 |
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Un sourire joyeux, un baiser rapide - comment ne pas resister - et voilà que la porte s'ouvre sur son étendue d'obscurité. Seules deux marches apparaissaient, la seconde se dissipant déjà devant la tangibilité des doigts noirs qui semblaient se précipiter vers l'extérieur pour happer quelques particules du halo gris et terne environnant. Sans une hésitation, le fragment d'homme s'y joignit, laissant d'autres mains parcourir son corps, le lécher de caresses bien plus habituelles. Aujourd'hui elles n'avaient plus de sens, il ne cherchait pas le confort rassurant de la disparition. Et elles le sentaient, frémissaient devant ce refus, ce rejet, se rétractaient lentement alors qu'il les repoussait, loin d'elle, les empechait de masquer sa présence aux yeux qui l'accompagnaient, de bloquer par la peur les paroles agréables qui pourraient se glisser jusqu'à lui, de lui faire perdre le contact d'une main dans la sienne, partie à la recherche de repères faces à l'aveuglement.
Suis-moi… n'ait pas peur, elles ne peuvent rien
N'est-ce pas ? Un léger doute, dangereux. Il pourrait en amener d'autres. Est-ce vraiment le bon endroit, celui où elle sera en sécurité ? Rhaaa, c'est pas fini non ! Avance, laisse-les se rendre compte de ta volonté. Elles ne peuvent rien contre toi. Contre elle ? Non !
Les marches se dévoilaient peu à peu, laissant apparaitre le paysage des caves. La pierre se faisait plus vivante, pas uniquement à cause des insectes qui pourraient y grouiller, de la verdure qui pourrait y pousser. Elle semblait capable de se mouvoir. Il le sentait, chaque fois qu'il déscendait là chercher un abri. Cela avait quelque chose de rassurant. L'excitation le gagnait, plus de raisons d'avoir peur ici.
Qu'en était-il d'elle. La confiance était-elle toujours présente ? Inquiétude. La pression de sa main n'avait-elle pas changé ? Le mouvement de ses jambes cessa de s'acheminer droit devant au même rythme. Ralentit doucement jusqu'à s'arrêter. A nouveau un doute, celui-ci aisément éliminable. Un demi tour dans l'élan de son dernier pas. Une question s'acheminait dans son esprit, mais il manquait quelque chose pour lui permettre de sortir.
Comment t'appelles-tu ?
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Fallom Tenk Paranoïaque

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Jeu 10 Juil 2008 | 22:29 |
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Contact des lèvres encore chaudes, fidèles au souvenir, et voilà que la porte pivote et découvre de nouvelles abîmes. Des souterrains plus sombres encore, imbibés d'obscurité fraîche, étrangement grouillants comme si les entrailles de l'Asile s'éveillaient à mesure que l'on s'y frayait un chemin. Un long frisson, comme un serpent humide sur sa colonne vertébrale. C'est plus fort qu'elle… Voilà qu'elle redevient une enfant, angoissée par les ombres qui rôdent et l'effleurent, dans un bruit furtif de soie que l'on déchire… Sur les traces de qui marchent-ils ? Quels fantômes atroces émergeront de son esprit, rappelés à la vie par des craintes enfantines ?
Elle s'efforce de le suivre, collée à son corps, buvant le son de ses pas sur la pierre, buvant son odeur apportées par vagues chaudes. Tétanisée lorsqu'il lui semble que la pénombre mouvante dévore, morceau par morceau, la silhouette ciselée de l'homme qui marche à ses côtés; mais il n'en est rien, rien qu'un fantasme obscur, une frayeur immature. Elle ferme les yeux. Pour s'isoler de l'ombre et des présences parasitaires qui s'y déplacent, elle tire le rideau sur le paysage moite des caves profondes, et se laisse guider par la main de l'homme contre sa peau, sa chaleur, un repère affectif dans sa cécité rassurante. Les mots apaisants du compagnon, sa voix déterminée, calme.
Céleste ouvre un œil prudent, le rythme de la marche la berce et la crainte primaire de l'obscurité s'estompe peu à peu. Les couloirs s'enchaînent, les murs incurvés semblent se courber d'avantage pour diriger leur marche, et l'atmosphère se fait étrangement apaisante, comme au fond d'un caveau où plus aucune peur ne pourrait subsister… Et cette douce morbidité ne parvient pas à l'effrayer, protégée par le souffle constant du compagnon, de l'ébauche masculine qui marche à ses côtés d'un pas régulier, sans accroc, maîtrisé; avec la volonté de la rassurer sans cesse, peut-être. Céleste est presque surprise lorsqu'ils s'arrêtent : toute notion du temps s'était dissipée au long de ce parcours silencieux. La question essentielle qui soudain lui paraît inutile, noyée dans la complicité du moment, dans ce mélange d'appréhension sereine et de confiance absolue.
- Céleste…
La voix est enrouée de ne pas avoir parlé depuis si longtemps. Elle tousse, frotte son menton contre son épaule, rafraîchie par l'humidité des caves; elle ne s'était pas aperçue qu'elle avait froid ni que ses jambes tremblaient un peu, fatiguées par l'émotion et le chemin parcouru.
- Et toi ? Comment dois-je t'appeler ? Je me sens… Je suis bien ici. J'ai envie de somnoler, je crois que je fatigue un peu. Est-ce que nous sommes bientôt arrivés ? Son ton est presque enfantin, réclamant une tendresse, une parole réconfortante après cette étrange plongée souterraine. _____________
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Céleste Schizophrène

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Sam 19 Juil 2008 | 17:30 |
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Il y avait parait-il des noms qui une fois prononcés se gravaient dans votre âme, des syllabes semblables à la plus douce des poésies, qui en disent même plus long. Inoubliables. Lorsque vous les entendiez, votre coeur tambourinait soudain violemment dans votre poitrine, prêt à s'envoller vers les cieux et les sommets d'extases qu'ils offraient là. Un avenir de rêve se dessinait devant vos yeux, chaque événement traçant une ligne lumineuse, droite et claire, vers un horizon radieux.
Pour Fallom non. Pourtant il espérait secrètement en éprouver la sensation en posant la question. Sinon, pourquoi cette déception, cet étaux qui lui comprimait la poitrine au lieu de la libérer soudainement. Un Nom. Celeste. Il aurait pu songer à un rapport aux anges, à l'éternité peut-être, chercher à le raccrocher à des images magnifiques, de douces rêveries ou quelque fol espoir d'une existence d'euphories. C'était bien là tout le problème, il ne croyait en rien de tout cela, ne se le permettait pas. Trop dangereux, trop risqué. Qu'y a-t-il de plus manipulable que la croyance et l'espoir, des idées ne reposant sur rien.
Il n'éprouva donc rien de particulier lorsque ces syllabes furent prononcées, et cela le blessait. En était-il incapable ? Cela était-il normal ? Toutes les histoires n'étaient-elles que des mensonges ? Oui, c'était certainement cela. Des manipulations créées par certains auteurs peu scrupuleux désirant affaiblir leurs lecteurs par des désirs qu'ils passeraient leur vie à rechercher se détournant par la même de toute possibilité d'entrer en conflit avec les désirs obscures de l'homme qui tirait les ficelles. Oui. La théorie se tenait. Après tout, il avait déjà ressenti quelque chose. Ce n'est pas la simple évocation d'un nom qui allait remettre ces sentiments en cause. Ah ! Qu'il regrettait de l'avoir posée, cette question, de ne pas avoir laissé le mystère peser un peu plus. La laiser le surprendre en lui en faisant don peut-être.
Mais voilà autre chose. Elle tremblait ! Quel imbécile ! Rester là à ressasser ses doutes et questionnements sans fin alors qu'elle demandait sans doute son aide. Il n'en avait saisi que quelques mots frappé surtout par l'intonation inconnue. La fatigue ? Mon dieu ! Que ferait-il si elle s'écroulait là parce qu'il l'aurait menée trop loin ? Une soudaine envie de la protéger s'éleva, douloureusement accompagnée d'une terrifiante certitude. Rien, il ne ferait rien, sinon la veiller dans l'obscurité. Il serait incapable de lui porter le moindre secours, et il ne faisait pas bon s'immobiliser trop longtemps dans ces couloirs humides et froids. Un sentiment d'inutilité si violent le submergea qu'il perdit tout contrôle, son esprit entrainé dans une course furieuse vers une solution, une idée. L'image d'une salle confortable parsemée de coussins confortables, de fauteuils de velours aux teintes chaudes et agréables, un lieu de repos bien agréable. Il était parti dans son délire, et les murs se mirent à bouger… _____________
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Fallom Tenk Paranoïaque

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Lun 11 Aoû 2008 | 22:07 |
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La question n'était pas là, indubitablement. Ni là, ni ailleurs. Et Céleste se trouva stupide de n'attendre aucune réponse à ses questions, dictées machinalement, par pur désir de réassurance; sentir encore une fois s'affermir le lien primaire, ombilical, tendu entre son guide et elle. Aucune interrogation n'aurait su resté en suspens au coeur des caves, trouvant écho dans la pierre vivante, dans l'organe vital de ce repère de fous; aucune interrogation tentatrice, pendue par les pieds comme une chauve-souris, ne pouvait résister à l'étrange limpidité des profondeurs souterraines. Céleste le savait bien : le loup aux aguets resterait une boule de suie. La porte avait été ouverte, et aucun danger ne s'était encore présenté à eux. Non, s'il devait y avoir un danger, c'était d'eux qu'il viendrait. Car l'obscurité ne faisait pas que protéger les vivants dans son tombeau; elle pouvait aussi, comme un tableau noir, laisser s'épancher les fantasmes de ceux-ci.
Les doigts de l'esquisse avaient vibrés entre les siens, brisant la continuité rigide à laquelle elle s'était acclimatée; pour quel doute, quel fugitif égarement ? Céleste resserra la pression avec la tendre brutalité qui lui était impartie. Blanchir les phalanges. Eclaircir la situation. Celui pour qui elle s'était inventée compagne fidèle, ombre à pas de louve dans les pas de son ombre, celui qui marchait en funambule sur des tessons d'appréhensions et de manigances indéchiffrables; celui-ci avait tremblé. La fatigue de Céleste, sa torpeur née de l'interminable descente souterraine… De mots qu'elle n'avait pas sondés, dans sa volonté indolente de se laisser porter par lui; voilà que sa nouvelle capacité à l'abandon lui jouait de mauvais tours. Et la résignait au silence, puisque non, indubitablement, ses questions n'avaient pas lieu d'être. Il n'y avait pas de questions.
Céleste voulait se faire pardonner, de quoi, elle ne se souvenait plus, peut-être d'un péché d'enfance ou d'une maladresse létale retranchée dans sa mémoire confuse, peut-être juste de ne plus avoir envie de lutter, de se faire violence, pour tout et pour rien, alors qu'elle n'était à présent plus seule à cheminer à tâtons dans la pénombre. Du bout des doigts, elle dirigea le visage du petit homme vers le sien. Il faisait aussi sombre au creux de ses larges orbites qu'autour des deux corps et Céleste se dit que, s'il n'y avait aucune question qui vaille d'être posée, de prendre le risque de faire douter son compagnon; c'était peut-être parce qu'il y avait là bien assez de réponses, tapies sous les cils humides, fébriles. Les doigts de la jeune femme traçaient malgré elle des courbes le long de la joue, de la nuque, du crâne maigre de l'homme qu'elle observait; comme si elle eut peur d'en perdre de vue les contours, de le confondre avec l'obscurité palpable dans laquelle il flottait. Peut-être qu'ils marchèrent encore longtemps, ou qu'ils ne firent pas un seul pas, accolés et muets, les doigts crispés à trop se vouloir; Céleste n'en savait rien, plongée dans la contemplation fixe et constante de l'homme qu'elle avait choisi, auquel elle s'accrochait des ongles et du regard, dans l'inquiétude sourde de le voir disparaître.
Il lui semblait soudain, comme par le jeu d'un effet d'optique, qu'à mesure qu'elle se concentrait plus intensément sur le visage aimé, ses pourtours émaciés, sa douceur cireuse; une lueur poudreuse et de plus en plus vive dévorait et colorait la pierre, le plafond incurvé et le sol pétrifié des souterrains silencieux. Sa respiration eut un sursaut rauque de stupeur. Les pupilles de l'internée se dilatèrent, elle fronça les sourcils et se résignant enfin à quitter des yeux l'homme qui l'accompagnait, tourna le regard vers les caves alentours. Hallucinées, peut-être, les deux pupilles noires de la jeune femme, comme de l'encre, s'élargirent à ne laisser plus qu'une légère trace verdâtre des iris glauques. _____________
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Céleste Schizophrène

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Ven 29 Aoû 2008 | 0:16 |
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Un pas, regard figé, les paupières écartées jusqu'aux larmes et les globules soudain privés de protection refusent tout message envoyé par les faibles halos de lumière. Il avancait cependant. Un pas. Le talon déposé avec mollesse sur le sol, privé de la volonté de relancer le mouvement, l'enchainant tant bien que mal par réflexe, parce qu'on se mouvait à côté de lui dans la même direction. Une main le guidait toujours. Un pas, puis un autre, pantelant sans doute, suivi de ses semblables et l'esprit restait loin derrière, perdu dans l'idée de l'impuissance, ne parvenant pas à en sortir, déployant toutes ses facultés pour trouver une solution, l'aider, la transporter dans un endroit à l'abri de tout, une place ou se nicher le plus longtemps possible sans se quitter, sans craindre tous ces étrangers qui lui voulaient du mal, qui leur voulaient du mal maintenant.
Il ne sentait plus cette main qui l'accompagnait, les doigts qui passaient sur son visage, ce corps collé au sien, ce regard posé sur ses yeux figés dans une transe gagnée par la peur. Il ne sentait plus rien. Il avancait, les murs passaient, de plus en plus rapidement; puis s'arrêtèrent.
Lorsqu'il émergea de son cauchemard, le moment qu'il aurait tant apprécié était passé. Que regardait-elle ? Où étaient-ils ? Elle tremblait ?
Devant eux, une nouvelle porte. Peut-être ce refuge qu'il avait tant espéré. Que s'était-il passé ?
Celeste ? Je… Comment on est arrivés là ? Tu connais cet endroit ?
Mais non, ce n'était pas elle le guide. Il devrait savoir ce qui se cachait derrière. Un autre couloir ? Il n'y avait qu'une seule manière de le savoir. Il s'avança, tourna la poignée, et se figea devant le spectacle que lui avait auparavant offert son imagination.
[Aucun problème pour le délai, bien entendu. L'important n'est pas le rythme auquel on avance, mais de prendre toujours autant de plaisir à poursuivre.]
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Fallom Tenk Paranoïaque

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Mar 16 Sep 2008 | 16:19 |
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Céleste s'enfonça davantage dans la pièce, abandonnant le contact rassurant. La température de l'endroit était réfrigérante comme partout dans les caves; et pourtant il lui sembla être submergée d'une vague de tiédeur moite, comme si la salle eut été désertée quelque instants à peine avant leur arrivée. Et cette présence fantomatique lui nouait la gorge comme un mauvais pressentiment. L'obscurité l'empêchait cependant de distinguer quoi que ce soit de précis : instinctivement, elle fit deux pas sur la gauche, atteignant le mur de pierre froide, et tâtonna un peu jusqu'à enclencher un interrupteur providentiel.
- On y voit rien ici. Tu ne bouges pas, d'accord ? Je ne veux pas te perdre de…
Mais non, il n'avait pas bougé, et la monstruosité était là en vérité : l'homme aimé, stable repère réconfortant planté droit au beau milieu d'un décor cauchemardesque. Une crampe tordit l'estomac de Céleste, nausée difficilement contenue; elle recula vers le mur dans un réflexe insensé. Et lui qui n'y comprenait rien, les yeux teintés d'innocence résistante, écarquillés par la surprise et peut-être même, la satisfaction. Comment s'étaient-ils retrouvés ici ? Comment de telles choses étaient-elles possibles, même en ces lieux de transe lucide collective ?
Une cheminée où quelques braises brûlaient encore. Un canapé de cuir râpé. Une bouteille de rouge débouchée sur une chemise froissée : la sienne, il y a longtemps. Elle se tourna à nouveau vers l'homme : son visage émacié semblait décrispé, bien que stupéfait, et elle aurait tout donné pour ne pas briser cet instant rare. Sans précipitation, elle se dirigea vers la porte. Elle était close, impossible à ouvrir de l'intérieur comme, probablement, de l'extérieur. Quelque part, cela était rassurant. Ainsi il ne viendrait pas la chercher ici… Ainsi, le scénario ne se reproduirait pas. Alors pourquoi tant de similitudes ? Ces odeurs, ces images qui en appelaient d'autres, ce lieu hermétique et faussement rassurant.
Le Loup se prépare, il met ses bottes noires… Qui a peur du Loup ?
Taire les souvenirs, les angoisses, les fantômes. Ne rien laisser filtrer. Ni l'horreur de se retrouver à nouveau prise au piège dans ce lieu-souvenir, lieu-clef, mais de quel tiroir obscur de sa mémoire tourmentée ? Ni la sourde inquiétude : ces machinations qu'il craint tant, n'était-elle pas à présent dans l'obligation de les partager ? Il y avait un marionnettiste, il se cachait dans l'ombre, se régalant par avance du spectacle. Une saloperie de manipulateur qui guettait la moindre de ses réactions et attendant avec délice l'explosion de ses peurs. Sinon comment cet endroit de malheur était-il apparu sur leur chemin ? Ou bien… Une idée lui vint soudain à l'esprit. Ce lieu avait-il un sens pour Fallom ? En connaissait-il une facette qui lui était inconnue ?
… Est-ce que tu te sens bien ici ?
La voix était nette, sans faille. L'habitude du mensonge, l'importance de ne laisser passer aucune inquiétude qui aurait pu nuire au bien-être fragile de celui qu'elle aimait, voilà ce qui inscrivait un sourire sur les lèvres de Céleste tandis que ses entrailles se tordaient de douleur. _____________
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Céleste Schizophrène

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Ven 03 Oct 2008 | 0:48 |
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Le regard ebahi se portait sur les éléments d'un décor rêvé. Un grand lit blanc, des draps dont la douceur se percoit sans qu'il soit necessaire d'y toucher. Il en était certain, du satin. Enfin qu'importe. s'ajoutaient à cela les voilures éthérées qui se balancaient sous une légère brise dont on ignore l'origine, aux teintes dégradées violines, mauves ou d'un orange sombre, quoique non, pas orangées, plutôt cette coloration qu'il avait découverte peu de temps auparavant dans l'un des manuels de la bibliothèque. Ah la bibliothèque ! Ses trésors enfoui, ses inexplicables connaissances incompréhensibles et sa facheuse tendance à vous faire croire en des choses que vous désiriez pleinement continuer à ignorer en toute innocence. Azurine ? Non, non… Alizarine, voilà ! Rouge d'alizarine.
On se déplacait à ses côté, en silence ou du moins ne pouvait-il entendre. Sans doute se trouvait-elle également conquise par les lieux. Le regard glissait, suivait les plis scintillants jusqu'à leur chute puis une chaise à quelques dizaines de centimètres du pied de la structure à baldaquin, sur laquelle reposait un vêtement aux couleurs chatoyantes. Il n'osait conjecturer la nature du dit vêtement, mais espérait sincèrement que ce soit un kimono de soie aux détails symbolisant la plenitude de l'instant. Pour couronner le tout, bien entendu, une flasque d'un vin sans doute des plus exquis. Comment pouvait-il en être autrement ? Il tremblerait tout de même en le versant, c'était certain, de peur de briser le verre de crystal qui accueillerait ce nectar et mettre un terme à l'existence d'un chef-d'oeuvre de cisellement si ce n'est pour ne pas tâcher le naperon de dentelle qui recouvrait la petite table d'acajou aux pieds savamment recourbés. Quel galbe !
Et au milieu de ce décors qu'il ne pouvait s'empêcher de trouver somptueux, lui, Fallom, drappé dans ses guenilles. On lui parlait, elle lui parlait. Que disait-elle ? Bien ? Pourquoi cette question ? Comment ne pouvait-il pas l'être ? Et le doute s'estompa aussitôt, ne trouvant sa place déchiré par la douceur entrevue souhaitée à portée de main là, là, tout près.
Bien ?! … Oui, c'est parfait
Ses pas le portèrent alors vers le vêtement suspendu qu'il souleva délicatement, puis déroula. Une inspiration bloquée par une hésitation soudaine. Oserait-il ?
Veux-tu que je t'aide à passer cela ? Tu seras certainement plus à l'aise.
Car oui, elle ne semblait pas apprécier les lieux autant qu'il l'aurait désiré. Elle ne semblait pas conquise, pas vulnérable. La vulnérabilité qui pouvait lui permettre de ne pas sombrer dans la suspicion. Tout n'était-il pourtant pas au mieux ? _____________
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Fallom Tenk Paranoïaque

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Lun 12 Jan 2009 | 19:29 |
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Les mains noueuses présentaient avec trop de délicatesse le bout de tissu devant son nez de brute effarouchée. Une petite veine sensible éclata dans le coeur putréfié, mais néanmoins rendu à une vie primitive par la naissance de sentiments imprévus, de Céleste. Un flux de panique et d'adrénaline embrasa le réseau sanguin de la jeune femme pétrifiée au beau milieu de l'alcôve fraîche, dans les entrailles trompeuses de la bête. La chemise que lui tendait Fallom était laide, tâchée de vin ou de sécrétions sèches, et elle dégageait une odeur familière et inacceptable : celle de Céleste elle-même. Vraisemblablement, il ne pouvait regarder avec autant d'émerveillement la guenille de bucheron qu'elle avait autrefois porté, sur ses incisives épaules de gamine butée. Et quelle force aurait dû avoir la petite violente pour rompre le charme, cette grâce qui baignait d'une douceur de cire le visage osseux soudain transformé…
Gare au loup, ma douce ! As-tu peur du noir ? Le loup…
Est dans la bergerie. Oui, plus aucun doute, ces petits chuintements cyniques dans les plus sombres recoins sombres de la pièce, cette chape de plomb sur sa tête. Tout en finesse, les sales traîtres, avec une minutie sirupeuse, les bâtards ! Un plan impeccablement tourné pour la rendre plus folle qu'elle ne l'était déjà, sans qu'il lui faille en plus être amoureuse et torturée par de vieux souvenirs. Comment lui faire saisir, sans qu'il ne prenne la fuite, sans que ne réapparaisse sur son visage ce linceul de méfiance et de crispation, que ce n'était pas elle la complice des abominations qui se déroulaient secrètement en ces lieux ?
Il met ses bottes noires… Au bout du couloir, Le Loup se prépare.
Comment lui faire comprendre qu'il n'était peut-être pas celui qu'il croyait être ? Elle aurait voulu se crever les pupilles de rage, ravager les barrières qui l'empêchaient d'accéder à la lucidité paisible auxquels tous deux aspiraient. Si seulement elle avait pu savoir où lui se trouvait… Mais il n'y avait plus de place à l'hésitation, il fallait en avoir le coeur net; ne pas mettre un terme au drame qui se tramait aurait été un manque de respect innommable.
Céleste grimaça un sourire à Fallom puis s'avança un peu. Le vieux pantalon de pyjama glissa au sol. Les cicatrices et les hématomes passés remontaient à fleur de peau, au passage du tissu sale. Pause, inspiration confuse. La laide culotte de garçon, maladroitement, les boutons manquants, sans empressement, la longue chemise de toile rêche. Sous les muscles figés des épaules, des éraflures interminables. Expiration longue. Nue, elle tendait les bras pour passer le vêtement douteux que lui tendait l'ombre tendre à ses côtés.
Comme par pudeur, elle détourna légèrement le regard du jeune homme. Étendit imperceptiblement les doigts vers la bouteille de vin, prête à l'empoigner au moment propice. _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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