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J'ai mangé une pomme

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Message Lun 21 Jan 2008 | 13:52  Répondre en citant

Seul, assis en tailleur au centre du verger, Fallom tient dans sa paume un fruit rouge, si rouge qu'il en est presque inquiétant. Rond, d'une taille promettant la présence d'un jus abondant et peut-être délicieux s'il n'est fatal. Une pomme. Une légère goutte de bave fait son apparition à la commissure des lèvres du petit être. Il ne peut y planter les dents. Trop de risques. Sûrement un piège. Qui sait quelles substances de test ont été déposées à l'intérieur ? Juste un petit trou, minuscule, invisible, à la surface, à la base de la tige peut-être afin de le transformer, de changer son esprit pour en faire un mouton docile.

Le temps passe, et le tableau ne bouge pas. Le regard fixe, il hésite, soupèse les différentes possibilités dont la seule à paraître positive concerne l'apaisement de cette faim qui le tiraille. Les crampes se font de plus en plus douloureuses, et sa discrétion s'en ressent, lorsque les monstrueux gargouillements résonnent dans son estomac vide.

Pourquoi pas après tout ? Quelle importance, ce qu'on lui fait, tant qu'il ne souffre plus ? Non, non, on pourrait le faire se diriger de son plein gré vers plus de souffrance encore.

Concentre-toi, concentre-toi !

Léger gémissement dans l'air. Il n'a plus de forces. Son regard se laisse happer par le fruit, concentré en effet. Une seule chose présente à son esprit. Il la caresse, la pèse, évalue le nombre d'heures d'apaisement à espérer en y plantant juste un croc. Sent d'avance le léger craquement de la peau, et la vibration de la chair alors que ses mâchoires s'y fraient un chemin. Il se voit déjà atteindre les pépins, jouer à les propulser contre les troncs environnants, moment de détente. Pourquoi pas en effet ?

Et sa main se rapproche de ses lèvres.

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Comment ne pas craindre ceux qui nous touchent le plus
Fallom Tenk
Paranoïaque


Message Dim 27 Jan 2008 | 13:14  Répondre en citant

Un verger, donc. Original.

Parmi les interminables couloirs de l'Asile, parmi ses incalculables escaliers et ses innombrables portes, il était difficile de savoir lesquelles étaient ouvertes ou non, difficile de se trouver au bon endroit au bon moment, impossible de prédire ce qui se trouverait de l'autre côté.

Un verger, donc. Surprenant.

Si l'apparition de nouvelles chambres était coutumière, leur conquête en revanche avait constitué une première. Une sensation étourdissante avait subitement envahi le Psychiatre, qui en avait compris la teneur sans pourtant oser y croire. Et pourtant. Inconcevable, mais indiscutable, ahurissant, mais certain : l'Asile était divisé. Il s'était précipité pour constater de ses propres yeux ce qu'il ne pouvait ni accepter ni nier, ce qu'il sentait au fond de lui, ce qu'il savait, car à lui, Psychiatre, il lui était donné de savoir : la chambre 101 s'était pliée à un vainqueur. S'était rangée du côté d'une Famille.

Le Directeur le savait-il également ? Pouvait-il le sentir, lui aussi ? Difficile d'imaginer que l'information ait pu lui échapper. Difficile d'imaginer qu'il puisse ignorer le moindre détail de ce qui se déroulait à chaque instant dans son domaine. A bien y réfléchir, son agitation des dernières semaines pouvait même laisser croire qu'il avait pressenti l'événement. A y réfléchir encore, son agitation était une constante.

Un verger, donc. Amusant.

Les pensées du Psychiatre rebondissaient de branche en branche, et il traversait sans vraiment le voir le verger (donc), heurtant de-ci de-là quelque fruit gâté, ne prenant pas garde au chuchotis hostile de vent dans sa tunique, lorsqu'il trébucha sur quelque chose de plus volumineux, de plus dur, d'anguleux, d'osseux même, se rattrapa de justesse au tronc de l'arbre au pied duquel se trouvait l'obstacle, se redressa, recula pour enfin voir… un pauvre hère, famélique, hirsute, misérable.

Le Psychiatre mit précipitamment un genou à terre, pétri de sollicitude :

— Veuillez me pardonner, je ne vous avais pas vu ; je vous ai fait mal ?

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Seul qui se perd entier est donné à lui-même
Stefan Zweig
Le Psychiatre



Message Dim 27 Jan 2008 | 23:57  Répondre en citant

Un choc, brutal. Une agression caractérisée. On cherchait à l'assomer, à le faire disparaitre. Au meurtre ! Sans se préoccuper plus avant du fruit qui de toute manière avait disparu de son champ de vision lors de la collision, s'envolant, roulant en direction de broussailles à proximité, il se retourna vivement en direction du nouveau venu dans une position de défense caractéristique. Accroupi au sol, les deux poings resserrés contre la poitrine, son seul souhait, durant un court instant, avait été de disparaître, de ne plus exister. Une courte fraction de seconde pendant laquelle, sans qu'il le sache, ce désir était devenu réalité. Un clignotement soudain, puis le calme, tout aussi véloce à se propager dans son être, sans raison, sans explication. Plus de peur, plus de doutes. Que c'était agréable ! Que c'était incohérent ! Pourquoi ne plus la ressentir au moment même ou tout être un tant soit peu sensé aurait justement eu quelques craintes à se voir martyriser de la sorte ? Involontairement soit, puisqu'il y avait excuse, mais tout de même, qui savait ce qui aurait pu se produire suite à cela ? Et la surprise, n'oublions pas la surprise !

Qu… qu… que faites-vous ici ?

Pas vraiment originale comme réponse. Peut mieux faire. Mais on ne devient pas expert en communication dans la seconde en se voyant soudain départi de son asociabilité patente. Déjà, une réponse. C'est un progrès bien plus important que tout autre obtenu durant son court séjour dans les lieux. Passons à l'explication, et qui sait, peut-être même serait-il possible d'engager un semblant de dialogue, tout en se massant l'épaule.

Mal ? Un peu oui. Qu'est ce qu'il s'est passé ?

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Fallom Tenk
Paranoïaque


Message Lun 28 Jan 2008 | 22:42  Répondre en citant

Dans ses yeux équarquillés, le Psychiatre avait lu la peur. Dans ses traits tourmentés, il avait lu la souffrance. Et par-dessus tout, dans sa psyché, dans son aura, son âme, dans quelque chose qu'il n'aurait su ni nommer ni définir, mais une chose à laquelle il avait accès, le Psychiatre avait lu la folie.

Paranoïaque.

L'espace d'un battement de cils, il avait effectivement disparu, confirmant sa sensation. Il ne maîtrisait donc pas son pouvoir. N'en connaissait probablement même pas l'existence.

Quel pouvait donc être son nom ? Le pauvre homme semblait nouveau, perdu. Personne ne pouvait ignorer l'identité du Psychiatre au sein de l'Asile : outre la renommée liée à son statut, ce dernier lui imposait d'aller au devant de chacun de ses patients.

Il décida d'ignorer la première question. Trop de réponses possibles. Trop de mensonges à tisser, trop d'informations à taire pour que le sujet reste digne d'intérêt.
Il s'assit en face du jeune homme. Etait-il vraiment jeune ? Ses traits tirés, son teint malade, tout évoquait le fugitif en lui, jusqu'à ses nippes élimées. Il devait probablement paraître beaucoup plus vieux qu'il ne l'était en réalité.

C'était donc la peur qui prédominait chez cet homme. Tableau délicat. Passionnant, touchant, fragile, si difficile à aider… Il convenait de l'approcher avec la plus grande délicatesse.

— Je suis confus, j'étais perdu dans mes pensées, je ne vous ai pas vu…

(Résumer en expliquant, dédramatiser)

— Je suis le Psychiatre de cet établissement. Comment vous appelez-vous ?

(Changer de sujet, lui faire oublier sa question dérangeante, se faire connaître, se rendre accessible, établir un contact personnel)

— Souhaitez-vous que je vous accompagne à l'infirmerie ?

(Montrer que l'on reste conscient de ses problèmes, concerné par son bien-être, que l'on ne veut que lui apporter de l'aide)

Serait-il prêt à la recevoir ?

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Stefan Zweig
Le Psychiatre



Message Mar 29 Jan 2008 | 0:04  Répondre en citant

Dommage. Un instant, très court, tout était possible, puis le mot fatidique fut prononcé. Psychiatre. Fallom ne savait ce dont il s'agissait exactement, ni quel était le rôle de cette personne, mais il semblait avoir un rôle important. Trop important pour qu'on puisse lui faire confiance. Le doute s'installe, pas totalement aussi fort qu'il n'aurait dû, mais tout de même. Méfiance.

Un regard aux alentours, à la recherche d'une raison de s'eclipser. Les yeux courent de droite à gauche, en haut alors qu'il tente de trouver une idée, de faire appel à son imagination. Impossible de fixer l'homme qui le regarde. Trouver une cible sans danger, en gardant un œil sur le comportement de l'intrus.

Hmph… Pas fait exprès, pas fait exprès… Rien fait exprès, jamais. Pourtant… toujours mal.

Et les questions, les propositions s'enchaînent, sans importance maintenant.

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Paranoïaque


Message Mar 29 Jan 2008 | 10:53  Répondre en citant

Quel mot, quelle phrase avait pu réveiller son inquiétude ?

L'avait-il trouvé intrusif ? S'était-il remémoré quelque mauvais souvenir ? Il ignorait peut-être son nom ? Avait-il vu quelque chose ? Il avait l'air paniqué, évitant, cherchait une issue. Toujours campé comme prêt à bondir, ses muscles étaient tendus comme des câbles, si tendus qu'on s'attendait à ce qu'ils brisent les os fragiles auxquels ils étaient rattachés.

Surtout, ne pas le brusquer.

Le Psychiatre s'était attendu à ce que le premier contact soit difficile, il l'était toujours, il était toujours particulièrement délicat d'aborder un Paranoïaque, plus délicat encore quand on l'abordait par un shoot du gauche !

Il fallait que le patient soit prêt, disponible, en sécurité. Libre de mouvement et de sentiment.

Alors, le Psychiatre recula un peu et attendit, immobile et muet, calme et souriant.

« Je ne vous veux aucun mal » semblait-il dire.

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Stefan Zweig
Le Psychiatre



Message Jeu 31 Jan 2008 | 23:47  Répondre en citant

Plus possible d'observer le terrain alors que l'ennemi fait mouvement. Fallom l'observe reculer, s'immobiliser. Attendre. Il le fixe, un long moment. Que faire d'autre ? Si cette personne reste si tranquille, c'est qu'elle doit avoir des acolytes à proximité, prêts à lui bondir dessus à la moindre tentative de fuite. On attend un faux pas de sa part, une raison de l'emmener. Mais il ne leur laissera pas ce plaisir.

Le temps passe, et rien d'autre. On peut dire que le Psychiatre a de la patience. Qu'est ce qu'il veut au juste ? Ça ne colle pas tout ça en fait. S'il avait voulu le capturer, il y avait des moyens plus simples ! Une petite pensée pour la pomme lui revint. Après tout, cet homme lui avait peut-être sauvé la vie. Pourquoi ce jeu, alors ? A nouveau, cette vague de curiosité vient recouvrir sa méfiance. Il se détend quelque peu. Traitresse !

Qu'avait dit cet homme avant déjà ? Ah oui ! L'infirmerie…

Je ne suis pas blessé, pas besoin d'aller là-bas, vous pouvez me laisser.

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Fallom Tenk
Paranoïaque


Message Ven 01 Fév 2008 | 11:14  Répondre en citant

Enfin.

L'interné avait parlé.

Le Paranoïaque avait daigné lever une partie de ses défenses. Un contact. Une approche. Un lien, si ténu soit-il, conflictuel et porteur de sentiments contradictoires, mais un lien, un commencement.

L'interné — il ne savait toujours pas son nom, mais ne pouvait se permettre de le lui demander sans risquer d'attiser son sentiment de persécution — avait, plutôt clairement, exprimé le souhait qu'il s'en aille. Le Psychiatre ne pouvait raisonnablement s'y opposer, sous peine de briser le lien si fragile mais si tangible qu'il avait réussi à nouer, de renverser un équlibre si délicat. Il avait déjà accompli là une avancée remarquable. Le Psychiatre ne pouvait demander à ses patients d'aller plus vite qu'ils n'en étaient capables. C'était à lui de s'ajuster sur leur rythme, sur leurs besoins, de s'adapter à leurs possibilités. De complier avec ce que leur folie voulait bien leur laisser de liberté.

Il se plierait donc au vœu de son patient — car qu'il le veuille ou non, il était son patient, il ne pouvait en être autrement — et partirait. Une dernière salve d'excuses, sincères mais pas trop appuyées pour qu'il n'y voie que le moins d'hypocrisie possible, ne s'imagine pas un intérêt trop marqué pour être honnête. Ne pas attendre que l'interné lui enjoigne de partir, le quitter presque précocément, afin qu'il ne ressente pas le départ du Psychiatre comme une défaite face à la résistance qu'il lui opposait, car défaite implique revanche, donc méfiance, donc résistance, un conflit basé sur du vide, sempiternellement entretenu avec du vent.

Le Psychiatre comprenait que les internés puissent se méfier de lui. Il était influent. Puissant. Il aimait se mêler des histoires des autres, et se débrouillait toujours pour en savoir plus que l'on aurait voulu. Parfois même, des choses qu'on avait tues à soi-même. Pouvait-il vraiment deviner tout ça ? Qu'il ait fouiné ou non pour savoir ce qu'il savait, il en savait quand même toujours un peu trop. C'était louche. C'était oppressant.

Quel art il devait déployer, pour simuler son ignorance ! Quels masques s'était-il sculptés, afin de ne pas laisser transparaître le désarroi et la souffrance qu'il ressentait face à la défiance de ses patients ! Lui qui ne se consacrait qu'à leur bien-être, leur sécurité…

Il s'égarait, il s'attardait. L'interné le fixait, à l'affût du moindre mouvement.

Il se leva lentement, avec une tranquillité désarmante tant elle contrastait avec ses rêveries. S'adressa à l'interné droit dans les yeux, avec un ton et un sourire qui ne laissaient rien savoir de sa lassitude.

— Très bien, à une prochaine fois sans doute, et dans de meilleures circonstances je l'espère, monsieur…?

Irait-il jusqu'à lui confier son nom ?

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Stefan Zweig
Le Psychiatre



Message Dim 03 Fév 2008 | 12:00  Répondre en citant

Ça avait fonctionné !

Etonnant comme de simples mots peuvent avoir ce pouvoir, plus qu'une posture fermée à l'environnement extérieur, plus que la fuite. Clairs et précis, sans fioritures, ils ne necessitent aucun effort d'interprétation, aucune sensibilité de la part des personnes qui nous font face. Seule inconnue : vont-ils être acceptés ? En l'occurence oui, du moins lui semblait-il…

Le petit être se targuait de pouvoir déceler la tromperie dans les paroles de tout interlocuteur, aussi peu nombreux qu'ils aient pu être par le passé. Orgueil pathétique basé sur une expérience inexistante ou presque, servi toutefois par une imagination débordante. Trop sans doute.

Bon, posons comme hypothèse qu'on ait voulu le mener sur des voies divergeant de celles menant à son propre bien être. Quels pourraient en être les moyens ? Quels chemins détournés lui feraient-ils emprunter ? La pomme avait-elle été placée là pour susciter une réaction à étudier, quelle qu'elle soit, voire même une réaction très précise, un trouble permettant de brouiller ses idées afin de le rendre plus malléable aux paroles qui viendraient par la suite ? La rencontre brutale et soi-disant fortuite aurait pu participer à ce schema. Procédait-il vraiment de si savants calculs ? On le pousserait à passer d'une emotion à l'autre, surprise, frayeur, curiosité, la faim même était sans doute stimulée d'une manière ou d'une autre. Tout se mêle. Il ne sait qu'en penser. Même une certaine forme de… non, pas d'affection, mais de reconnaissance envers cette personne, de respect s'y était mêlée. Un résidu de politesse qui l'avait poussé à divulguer son nom en réponse à la question posée. Tout était sorti comme par reflexe. Un relent de ce qu'on lui avait inculqué dans son existence passée, si telle existence avait un jour été tangible, si on ne l'avait tout simplement pas insérée dans son esprit par il ne savait quel moyen pour générer ces mots qui s'étaient envolés soudain, s'il ne s'était lui-même conditionné à créer cette histoire comme base bancale à sa conscience.

Fallom Tenk. Si je ne m'abuse, nous serons amenés à nous revoir en effet. A bientôt.

De simples mots également, regrettés aussitôt dans l'irritation de constater que la question pouvait en fait remettre en cause le départ. Celui-ci pourrait bien se faire moins immédiatement qu'il ne se l'était figuré. Il aurait souhaité ne jamais les avoir prononcés, et les rattraper au moment ou ils franchissaient ses lèvres. Mais impossible, le flot était lancé. Formulations automatiques, articulées pour hâter ce retrait qui n'en était pas un. Ne pas laisser un doute qui aurait pu déclencher à nouveau une phase d'observation gênante. Oui, oui, c'était cela. Y ajouter un petit sourire encourageant pour rester tranquille. Comment faisait-on déjà ?

Ses lèvres se plissent alors que les pensées de tout ce qu'il aurait à subir si l'on se jouait de lui se bousculent. La concentration y met un terme, provisoirement, toute portée à l'exercice complexe d'une apparence trompeuse.

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Fallom Tenk
Paranoïaque


Message Ven 08 Fév 2008 | 22:24  Répondre en citant

Il était temps de partir.

Si le Psychiatre n'avait écouté que son professionnalisme, il aurait quitté Fallom (Fallom, donc) sur ces mots. Partir alors que l'interné ne l'avait pas repoussé mais accepté, presque invité, c'était créer un manque, c'était susciter une émotion, c'était faire en sorte que l'interné désire le revoir ou, du moins, y trouve du plaisir. Que leur entretien ne prenne pas fin parce qu'il le chassait, le repoussait, se défendait d'une attitude ressentie comme trop intrusive était une soupape. S'il essayait de trop s'imposer, Fallom se protégerait, se renfermerait, resterait en conflit, en opposition, en attitude de rejet, perdant alors toute possibilité d'évolution. Le manque était un moteur.

Malgré tout, le Psychiatre était homme avant que d'être Psychiatre, et le contentement, la fierté qu'il ressentait, envers son succès autant qu'envers les progrès flagrants du Paranoïaque, le firent hésiter. La tentation était si grande de franchir la porte ouverte à laquelle il s'apprêtait à tourner le dos…

Mais que dire ? Que restait-il à dire, sinon au-revoir ? Lui poser des questions était prendre un risque, soulever ses soupçons, relever sa garde, raviver ses craintes, confirmer ses doutes. Perdre en crédit, en sincérité. Alors, quoi ?

Rien qu'un pas, rien qu'un petit pas dans sa direction, rien que pour voir, un pas de plus, un mot, une phrase, une tentative supplémentaire, pour essayer, pour ne pas être parfait… Il devait se caler sur le rythme de l'interné, mais l'interné s'en sortait bien, pourquoi ne pas…

S'en sortait-il vraiment si bien ? Ne se laissait-il pas aveugler par sa réussite ?

Un sourire, un pincement de lèvres, puis une expression décontractée, Fallom allait de grimace en grimace, des expressions contradictoires se succédant à une vitesse fulgurante sur son visage. Ses yeux surtout semblaient s'emplir de la panique qu'il avait pu entr'apercevoir un peu plus tôt. Il avait alors répondu par le silence et l'immobilité, mais sa promesse de départ lui empêchait d'y recourir une seconde fois.

Il était temps de partir. Partir aurait été l'idéal. Il lui sourit. Un sourire sincère cette fois, même s'il aurait été impossible de le distinguer des précédents.

— C'est ce que vous pensez, monsieur Tenk ?

Pourquoi donc n'était-il pas parti ?

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Stefan Zweig
Le Psychiatre



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