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Dim 09 Nov 2008 | 21:55 |
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Noir.
La scène de l'odéon, d'une platitude et d'une viditude sans vicissitudes se déployait placidement, presqu'avec turpitude. La pièce était plongée dans une noiritude que seules de minuscules étoiles réussissaient à nuancer. En fait, l'odéon aurait aussi bien pu être une cave ou un placard : dans la sombritude, il semblait tout riquiqui, tout moche et surtout très ennuyeux.
Mais ça n'allait pas du tout !
Reprenons : viditude, turpitude, solitude, sombritude. Mais c'est votre faute aussi ! Peut-être avez-vous jugé trop vite l'odéon, vous n'avez pas vu, dans les coins, ces sortes de constructions métalliques étranges, et sur la scène, est-ce un micro que l'on devine en plissant l'œil droit (le gauche, ça marchera moins bien, enfin vous pouvez toujours essayer, moi j'dis ça j'dis rien) ? Et vous n'entendez donc pas ces chuchotis, ces craquements qui viennent des travées ? Brouhaha, brouhaha, brouhaha… Mais si, vous l'entendez désormais ! Et cette petite lueur blanche, sur une des colonnes bordant la scène, est-elle là d'habitude ?
Pourtant, vous étiez convaincu que l'odéon était plafonné, rappelez-vous. Ça ne vous choque pas, vous, ces étoiles ? Hmmm, oui, tout ça c'est pas bien net, ma Ginette, ça ne me dit rien qui vaille cette sombritude, ma Gertrude. Crrrénom de nom, de mémoire d'interné, on y a toujours vu clair dans l'odéon ! Mais il ne tient qu'à vous d'aller y voir de plus près (Laissez-moi passer j'ai une inviteuh !) et, peut-être, de découvrir que vos inquiétudes n'étaient motivées que par un changement dans vos habitudes ?
Enfin, moi, j'dis ça, j'dis rien… |
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Le Chat

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Sam 06 Déc 2008 | 13:35 |
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Comment notre petit Leno était arrivé jusque-là, il aurait été bien en mal de se l'expliquer, oui, bien bien en mal ! Le lecteur ira peut-être imaginer que les facéties du Chat n'étaient pas étrangères à ses pérégrinations, pourtant, Leno n'errait-il pas depuis toujours dans l'enceinte de l'Asile ? Toujours est un bien grand mot, il faut l'admettre, et puis, au fond, qui n'erre donc pas entre ces grilles ?
Non, tout ce qu'avait fait le Chat, c'était porter Leno à la Pharmacienne, rien de plus, rien de moins, ça, Leno en était lui aussi sûr sûr. Et la prouesse était déjà bien assez grande d'avoir fait franchir à notre petit ourson les portes du bâtiment ! Non non non, on ne pouvait pas blâmer le Chat pour tout ce qu'on ne pouvait s'expliquer au sein de l'Asile, et Leno aurait été prêt à prendre sa défense, vrai de vrai. Mais si ce n'était ni son ami le Chat ni la gentille Pharmacienne qui l'avaient mené ici, si lui-même n'avait pas souvenance de s'y être rendu, comment avait-il pu échouer dans ce drôle d'endroit ? Leno n'était ni architecte ni même doté d'une visualisation dans l'espace digne de ce nom, mais il éprouvait un sentiment bizarre à propos de l'Asile, un coup on était dehors, un coup dedans, et maintenant encore dehors… Sauf qu'ici il faisait nuit, alors que tout à l'heure il faisait jour ! Leno avait bien raison de ne pas faire confiance à cette grande maison. Il commençait même à regretter d'en avoir passé le seuil : en ressortirait-il seulement un jour ?
Tandis que ces réflexions tournaient dans sa tête, Leno s'était instinctivement approché des gradins plutôt que de la scène, plus haute que lui, et dont il ne pouvait rien voir. A vrai dire, si Leno n'avait pas été convaincu d'être revenu dans le parc, il aurait déjà depuis longtemps décampé à toutes jambes. Mais au fur et à mesure qu'il s'avançait avec prudence, car il n'y voyait goutte, des chuchotis imperceptibles trouvaient le chemin jusqu'à ses oreilles, des voix inquiétantes psalmodiaient quelque maléfice à son encontre, les craquements et gémissements de bancs en bois lui hérissaient le poil. Ne disposant pas d'assez de lumière pour étayer ces suppositions par des observations positives, il ralentit puis fit carrément demi-tour et emprunta presque en courant un escalier qui lui faisait face : Leno était tombé dans le panneau, piégé, coincé, battu et rabattu, il était s'était jeté dans la gueule du loup, autrement dit, sur scène. _____________ Poor Leno
Where you'll be you'll go
Where you'll be I'll know
Where you'll be I'll find you |
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Leno Autiste

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Lun 08 Déc 2008 | 18:09 |
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Leno était sur scène, la scène était au centre de l'odéon…
…l'odéon était au centre de l'Asile. À moins que ce ne fût l'inverse, quoique ces possibilités ne sont peut-être pas incompatibles… Là-bas, la géométrie est une utopie.
S'il n'est pas le centre véritable de l'Asile, l'odéon en est du moins un carrefour incontournable. Par conséquent, en y errant au hasard, un interné quelconque a statistiquement toutes les chances de s'y trouver un jour (ou une nuit, en l'occurrence…), surtout s'il est Hystérique (sisi, c'est mathématiquement prouvé). D'un autre côté, les chances de s'y trouver ce jour-ci précisément… eh bien, sont plus faibles, forcément. Mais pour en donner la valeur exacte, il faudrait en toute rigueur disposer de la durée moyenne d'ensoleillement à laquelle ont droit les patients, ainsi que de l'espérance de vie moyenne de ces derniers ("aucune" semble être une approximation convenable pour les Mélancoliques les plus désespérés).
Données dont seul le Bibliothécaire pourrait possiblement disposer…
On peut toutefois estimer que les chances pour que cinq internés donnés se rendent à l'odéon donné un jour donné sont infinitésimales.
Mais voyez, Lise était là.
La notion de probabilités n'a pas de sens dans l'enceinte de l'Asile.
Une silhouette dégingandée en tenue de scène — elle n'en connaît pas d'autre — s'avançait entre d'obscures travées, d'un pas qui s'efforçait d'être naturel, ignorante des commentaires surexcités et incompréhensibles de ces dernières, qui le lui rendaient bien. Un élément de décor ne ressent rien, n'est-ce pas, s'il donne l'impression de babiller ce n'est sans doute qu'une illusion générée par on en sait quel artifice, impossible qu'il ait des pensées, impossible de l'impressionner… Lise était seule… peut-être… et c'était ce "peut-être" qui l'empêchait de s'enfuir vers des cieux plus humains.
Malgré tous ses efforts, les gradins ne restaient peuplés que d'ombres indistinctes. Invisibles, intangibles, bruyantes. Soit le public n'existait pas, soit ses expressions étaient indéchiffrables. Quel que soit le numéro que Lise escomptait jouer, ça s'annonçait plutôt mal.
Mais en toute logique il y aurait du avoir au moins une autre personne bon sang !!!
Attirée par la scène comme un papillon de nuit par un projecteur, Lise dirigea sa marche anxieuse vers l'estrade… et surprit dans les ténèbres un mouvement d'une indiscutable netteté.
Quelqu'un !
Lise se retint de héler l'inconnu, se décidant plutôt à tabler sur une approche furtive et rapide, destinée à le surprendre dans le dos ; et elle dévala les marches de l'odéon, sa course un peu trop rapide couverte par les murmures du… vide.
Ce n'est qu'à quelques mètres de l'estrade qu'elle put s'apercevoir de la taille de son futur-ex-auditeur. Un enfant…
Lise en fut quelque peu interloquée. Pensez-donc : d'abord une absence de public qui ne veut pas dire son nom (elle s'intéresse visiblement à autre chose…), puis un enfant ! Une créature consciente, sans défense, souvent disposée à la crédulité et… nullement à sa place.
Que faisait un enfant seul de nuit dans l'odéon ?
Voila bien ce que Lise se demandait sincèrement… qui sait, la réponse aurait pu être intéressante à exploiter.
Le pauvre ourson eut donc la surprise d'entendre derrière lui un bruit de course, avant qu'une grande fille à la peau blanche, au costume blanc et aux cheveux pâles ne s'invite à son tour sur la scène, sans avoir besoin de passer par l'escalier, elle.
LISE, avec sollicitude : Mais qu'est-ce que tu fais ici mon p'tit bonhomme ? Où sont tes parents ?
Une impression convaincante de naturel, due au fait que l'actrice était effectivement intriguée. Mais ça, elle-même ne s'en rendit pas compte.
Poussée par un réflexe égocentrique, Lise s'était placée au centre de la scène…
…la scène était au centre de l'odéon, l'odéon était…
…au centre de l'Asile. Si l'Asile n'en admet qu'un seul, et que celui-ci existe. La géométrie est une utopie au sein de l'Asile.
Non, vraiment, l'Asile est une terre invivable pour les Hommes à l'esprit scientifique.
Quoique… _____________ Si je suisCe que j'ai fait De ce que les autres ont fait
De ce que je suis Alors Je ne suis pas |
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Lise Errandi Hystérique

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Mar 09 Déc 2008 | 23:33 |
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Cela faisait déjà un moment que Noah errait dans l'Asile, il ne savait même plus depuis combien de temps précisément, mais cela n'avait pas d'importance. Il se demandait même si le temps, tel qu'il le connaissait, avait cours normalement ici ; après tout, il n'avait pas dormi, rien mangé et rien bu depuis son arrivée, et le cycle jour-nuit agissait étrangement : il pouvait faire jour pendant quelques heures puis nuit pendant une vingtaine d'heures. En l'occurrence, cela faisait effectivement bien longtemps qu'il faisait nuit, mais cela non plus importait peu.
Le moins qu'on puisse dire, c'était que cet endroit était extrêmement déstabilisant, aussi Noah avait-il décidé de ne plus s'occuper de ce genre de "détails" pour se concentrer d'abord sur le plus simple : demander aux gens où il était. Mais, par définition, il n'y avait que des fous dans cet endroit, aussi ne pouvaient-il pas se mettre d'accord sur une définition, et tous avaient une vision bien différente et souvent très étrange de ce lieu. L'explorateur commençait à désespérer ; il avait désiré pendant si longtemps pouvoir explorer de nouvelles contrées qu'il ne s'était même pas demandé s'il était assez intelligent pour appréhender la complexité d'un monde véritablement nouveau.
Puis ses pas l'avaient conduits dans l'odéon. Il avait d'abord été surpris d'être assez étourdi pour ne pas s'en rendre compte avant d'être juste devant les gradins, mais ensuite réalisa la chance qu'il avait eu de se retrouver ici. En effet, pour connaître une société, il n'y avait rien de mieux que d'observer une de ses pièces de théâtre : celles-ci pouvaient montrer ce qui plaisait, comment vivaient les gens ou encore les critiques que certains artistes pouvaient formuler.
A première vue, l'Asile était une terre invivable pour les hommes à l'esprit scientifique ; quoique, même dans des conditions exécrables, il était toujours possible de trouver matière à réfléchir. Peu importe qui l'avait placé dans ici, le scientifique ferait tout son possible pour comprendre et expliquer ce monde aussi bien que le précédent ; il était dommage qu'il n'ait pas de souvenirs de son existence passée mais, finalement, l'endroit était si différent qu'il valait mieux que son esprit ne soit pas pollué par des préjugés, ni qu'il soit tenté de tout rapporter à quelque chose qu'il avait appris et qui n'était plus valable.
Quelque chose frappa Noah alors qu'il passait l'entrée de l'odéon : il n'y avait personne sur les gradins, et l'endroit n'était que très faiblement éclairé par la lueur des étoiles. Pourtant, il aurait juré des gens chuchoter, et il avait même l'impression de toujours entendre ces murmures, venant peut-être des plus hauts étages, qu'il ne parvenait pas à voir dans l'obscurité. Peut-être que ces voix venaient de son imagination, d'une très vieille peur du noir, et qu'en fait l'odéon était fermé, ce qui était fort probable au beau milieu de la nuit.
Il allait tout de même monter les gradins lorsqu'il vit quelque chose les dévaler en courant, quelques rangées plus loin. L'entité passa à une dizaine de mètres de lui sans le voir, pour se précipiter sur la scène, espace éclairé par un procédé inconnu, peut être des lampes installées sur le sol et très bien cachées. Il put voir alors l'enfant, vêtu d'un étrange costume d'ourson qui lui donnait une allure de peluche. A en juger par ses mouvements brusques, il n'était pas très à l'aise, il avait dû voir quelque chose qui l'avait effrayé dans l'obscurité.
Noah était déjà assez éloigné pour ne pas être aperçu de l'enfant, mais il monta davantage, jusqu'à être à peu près au dixième niveau, plongé dans les ténèbres et à l'abri de tout regards. Là, il pouvait observer l'enfant : que faisait-il là ? L'hypothèse la plus évidente était qu'il s'était perdu, Noah ressentit de la pitié pour lui, de le voir seul sur la scène, terrorisé et à la merci de l'obscurité qui l'entourait. Il y avait une autre hypothèse, apparemment moins probable mais qui pouvait se révéler véridique dans l'Asile : peut-être était-il un acteur, et il attendait juste qu'il y ait enfin un spectateur pour commencer. Ou alors il était venu juste à temps pour voir le début du spectacle, qui avait été préparé pour les personnes derrière lui, qui continuaient de chuchoter.
Ces voix semblaient se faire plus fortes mais, surtout, omniprésentes ; Noah entendait des murmures tout autour de lui, ce qui entraînait inévitablement l'impression très désagréable d'être observé. Mais c'est en voyant qu'il n'y avait personne devant lui, alors que certaines voix venaient de devant, qu'il comprit que ces voix venaient de micros cachés, sans doute des effets spéciaux ayant pour but de poser une ambiance stressante dès le départ. Entre ça, l'enfant effrayé et la nuit noire, c'était très réussi.
Une femme, plutôt grande et vêtue comme un clown, se précipita vers la scène, et plus précisément vers l'enfant. S'il y avait bien une chose que Noah ne pouvait pas expliquer, c'était le besoin qu'avaient les acteurs de se vêtir de façon toujours plus ridicule ; mais il fallait croire que l'esprit humain retenait plus facilement les images fortes. En revanche, ses paroles laissaient croire que ça ne faisait pas partie du spectacle, et l'inconnue en était arrivée à la même première conclusion que lui.
Noah ne bougea pas : il était à l'abri des regards là-haut, et il comptait bien le rester tant que la situation n'exigerait pas une action particulière de sa part. Il était venu en spectateur, et il resterait spectateur : il ne voulait pas risquer de fausser le cours des évènements, il comptait observer précisément ce qui se déroulait devant ses yeux car, après tout, depuis qu'il était là c'était ce qui ressemblait le plus à une "discussion" classique. Restait à savoir comment les choses allaient évoluer. _____________ N'est que divertissement tout ce qui ne contribue pas à la recherche de la vérité |
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Noah Mélancolique

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Lun 26 Jan 2009 | 2:12 |
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De tous les endroits où aurait pu échouer Edward, l'odéon était peut-être un de ceux qui lui seyait le moins. Pourquoi ? Petit un, parce qu'Edward ignorait bien ce que pouvait être un odéon. Certes, ce n'est pas parce qu'une chose est inconnue qu'elle est dissemblable, et Edward, bien qu'incapable de s'y reconnaître de lui-même, aurait peut-être tout à fait pu y trouver son compte. Mais voilà, il y a un petit deux : ciel ouvert sur une nuit sans éclat, scène vide, spectacle, divertissement, autant de choses qui n'étaient certainement pas Edward.
Bon. Et pourquoi donc ?
Tout d'abord, Edward aimait les choses claires, les choses nettes, Edward aimait pouvoir asseoir sa réflexion sur du solide, la poser sur des bases transparentes et définies. Autrement dit, Edward était plus jour que nuit, plus lumière qu'obscurité, lumière crue d'un scialytique de laboratoire certes, mais lumière quand même. Ensuite, Edward, quitte à donner dans le spectacle, n'était certainement pas du genre à se donner en spectacle, ni à chercher le regard ou l'aval des autres, public ou autorité ; Edward n'obéissait qu'à sa propre loi. Qu'il n'ait pas encore pris le temps de la définir rationnellement ne signifiait pas que cette loi n'existait pas. Bon. Enfin, Edward, quitte à se représenter une scène, ne voyait nul intérêt de se la représenter vide, dénuée de sa fonction, morte. Pour le côté divertissement, inutile d'épiloguer, Edward était un type austère, voilà tout, ça ne se discute pas.
Bon. Tout y est ? On passe à la suite ?
Edward était donc apparu sur la scène de l'odéon, paf, directement, sans autre forme de procès. Ça, déjà, c'était plus son genre, à Edward. Droit au but. Sans aller jusqu'à dire qu'Edward était efficace, le propos était à nuancer, il était déterminé, mais ça aussi c'était à nuancer. En tout cas, Edward était sur la scène, comme ça, bon, pas tout à fait sur la scène, sur le bord gauche de la scène, celui par lequel Leno n'était pas arrivé et par lequel Lise ne l'avait pas rejoint, le bord opposé où un paravent faisait office de backstage, paravent derrière lequel, relativement efficace et plutôt déterminé mais néanmoins pudique, Edward avait fait son entrée, ou plutôt allait faire son entrée. Une chemise blanche froissée et légèrement ouverte sur un torse glabre, un jean délavé et sans forme, deux chaussures en cuir marron dans un style classique saupoudré de vintage, n'oublions pas les chaussettes et le caleçon, voilà Edward prêt à faire son entrée.
Bon. Mais on parle on parle, et cette entrée qui ne se fait toujours pas…
Alors Edward, plutôt efficace et relativement déterminé, fit ce qu'il fallait faire, hop, allez, il s'avança sur la scène. Non pas qu'il ait eu l'once d'une idée en tête, pas du tout, pour tout dire, Edward n'avait pas encore pris conscience d'être sur le coin d'une scène, ni même de se trouver dans un endroit qu'il n'aurait su appeler par son nom, une sorte d'amphithéâtre hybride et de dimensions réduites ; aucun calcul donc dans l'attitude d'Edward, aucune préméditation, juste un réflexe : s'avancer vers la lumière, quitter les lieux — pour où, il ne s'était pas non plus posé la question, une scène vide ne l'inspirait pas, voilà tout, l'endroit ne méritait pas qu'on s'y éternise. Bien que parler de scène serait prendre de l'avance sur les connaissances d'Edward au moment qui nous occupe, mais faut bien causer…
Bon. Donc Edward fait trois pas, tac tac tac, ça nous avance bien tout ça. C'est dire d'ailleurs (pardon, on revient un peu en arrière) si Edward agit sans but, sans préméditation, sans recul et sans intention : il n'a pas encore détecté la présence de Lise ni de Leno !
Ce qui le frappa en revanche, ce fut, comme ses trois prédécesseurs, les chuchotis étranges dont il ne devina d'abord pas la provenance. Des milliers d'échos résonnèrent en lui (ne me mange pas ne me mange pas, chou genou hibou joujou caillou pou bijou, un peu plus à gauche un peu plus à gauche vas-y vas-y vas-y tu y es encore un peu plus à gauche, Mesdames messieurs, bonsoir ; ce soir, une tragédie sans précédent a secoué l'Asile entier, un whisky ? juste un doigt), ceux d'autant de voix qu'il portait déjà, d'autant de phrases qui se superposaient, s'entremêlaient pour ne former qu'un magma inextricable. Ces voix, ils les connaissait bien. Il était habitué à les entendre. Edward crut donc dans un premier temps, en toute naïveté, que tout ceci se passait dans sa tête. Ce ne fut que lorsque ses propres voix s'adjoignirent enfin au bruissement ambiant (zyva comment j'y crois ap's, ouskonélô, pourquoi des poires, on peut tromper une fois une personne) qu'Edward comprit qu'il y avait un problème. Edward était les oreilles bourdonnantes de Jack. L'intérieur et l'extérieur se mélangeaient, se répondaient, et Edward ne réussissait plus à faire ressortir un tout cohérent de ces interactions inopinées, ne réussissait plus à comprendre qui parlait à qui ni de quoi. En somme, Edward était dans le noir — pardonnez la facilité de la métaphore, c'était pour la rime.
La suite fut beaucoup plus rapide : il zigzagua à grandes enjambées sur la scène avant d'enfin apercevoir ses deux occupants et de se diriger vers eux, toujours à vive allure, pour leur demander sans ambages, d'une voix à qui on devait reconnaître le mérite d'être restée assurée, policée, lissée, comme s'il ne s'agissait que d'une vérification technique.
EDWARD, comme s'il ne s'agissait que d'une vérification technique : Vous les entendez, vous aussi ? _____________
Avec l'insomnie, plus rien n'est réel.
Tout devient lointain, tout est une copie d'une copie d'une copie. |
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Edward Antivirus Schizophrène

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