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Lun 02 Juin 2008 | 14:54 |
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Valéria en avait marre. Plus que marre. Elle était saine, bordel, faudrait le dire combien de fois ? Des semaines qu'on l'avait emprisonnée dans ce merdier contre sa volonté, un merdier plein de trucs bizarres pour l'empêcher de partir, sans doute une quelconque arnaque du Gouvernement, voire des extra-terrestres. En tous cas, elle était prête, maintenant. Ses reconnaissances régulières dans toutes les parties de l'Asile lui en avaient appris assez sur celui-ci pour qu'elle agisse. Ca allait chier. Enfin, elle allait savoir.
Un trou s'ouvrit dans l'un des murs, et, venant des tréfonds de l'intérieur de ceux-ci, un bruit de pierre se fit entendre… Avant que la jeune femme n'apparaisse à l'étage voulu, les deux pieds posés sur un sol qui s'était surélevé à l'intérieur même du mur, venant sans aucun doute des caves dont elle avait appris à maîtriser le pouvoir douteux. Pratique.
Valéria sortit du mur, discrètement. A sa main gauche, un cutter ouvert. A son côté, toujours sa petite sacoche en bandouillère. Elle observa d'un côté puis de l'autre, se collant dos à la paroi.
Silencieuse et bien décidée à en découdre, elle s'avança le long du couloir parsemé de portes…
…
S'arrêta.
Quelque chose n'allait pas.
Comme si quelque chose pouvait aller, ici…
Son ombre avait disparu. Passant devant l'un des panneaux gravés du lapidaire "DIRECTION", le coin de son oeil n'avait pas repéré de reflet. D'abord, bien sûr, elle n'avait pas réagi. Puis, quelque chose en elle l'avait remarqué, inconsciemment, insidieusement. C'était quoi, ces conneries ? Encore un foutu piège ! Mais cette fois, elle était prête, armée, et ça n'allait pas se passer comme ça.
…
Une méfiance indicible se lisait dans ses yeux lorsqu'elle les tourna vers la plaquette, sentant déjà que c'était une mauvaise idée.
… Rien.
Il n'y avait rien. Que dalle. Niet. Nada. La plaquette ne la réfléchissait pas. Elle leva sa main gauche, et ne la vit pas. Baissa les yeux vers le reste de son corps, et il lui resta invisible. C'était pas normal. Vraiment pas normal. Sa respiration s'accéléra, ses nerfs se tendirent, elle serra son arme rudimentaire. Bordel. Le truc que l'autre pouffiasse avait montré, près de l'étang. Une capacité d'être invisible… Qui tombait à pic, juste au moment où elle avait décidé d'être discrète. C'était trop beau pour être vrai. Y'avait forcément une contrepartie quelconque. Elle allait le payer, à un moment où l'autre, c'était certain.
Pour le moment, elle ferma les yeux et respira un grand coup. Ça tombait au bon moment, il fallait en profiter. Alors, sans un bruit, elle se pencha sur la porte pour regarder dans la serrure… En espérant que ce soit déjà le bon bureau de la direction, et qu'elle pourrait y trouver les réponses qu'elle cherchait. Mais peut-être, au fond, préférerait-elle les ignorer ? _____________ Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain |
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Valéria Rowntree Paranoïaque

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Mer 09 Juil 2008 | 0:18 |
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Toujours se demander pourquoi, tel était le crédo du Psychiatre. Bien. Alors, pourquoi était-il revenu au dernier étage ? Pourquoi croyait-il pouvoir encore y trouver des réponses, quel miracle espérait-il, comment imaginait-il pouvoir satisfaire sa curiosité, comment concevait-il de pouvoir dissiper ses doutes, pourquoi ici, pourquoi maintenant, qui, quoi, comment ?
Il ne savait pas.
N'était-il pas évident, lorsque l'on avait affaire à des interrogations insolubles, de les soumettre à leur origine et cible ? A cela, il aurait pu répondre qu'il n'en était pas à sa première tentative. Pourtant, même si le Directeur répondait rarement à ses questions, il lui fournissait néanmoins de précieuses informations. Etait-ce au moins volontaire ? Délibéré ou inconscient ? Inclus dans une stratégie ? Le Psychiatre était-il manipulé ?
Comment savoir ?
Le Psychiatre voulait savoir ce que le Directeur pensait des bouleversements récents de l'Asile. Les avait-il pressentis ? Ressentis ? Etaient-ils calculés ? Un leurre ? Ou une vraie faille ? A tout le moins, il était du devoir du Psychiatre de l'informer qu'une Famille avait réussi à prendre l'emprise sur une chambre. Mais, comme chaque fois, il ne savait pas où se rendre. Le hasard l'ayant toujours guidé avec une étrange exactitude (Ou préférait-il s'en persuader ? Quels possibles avait-il laissé échapper les fois précédentes, en empruntant un chemin plutôt qu'un autre ? Cela aurait-il changé quoi que ce soit ? Etait-il attendu ?), il emprunta un couloir sans réfléchir ; au bout de quelques mètres, l'un de ses sens, celui qui n'avait pas de nom, l'avertit. Quelqu'un s'était rendu invisible. Un Paranoïaque, donc. Un fait assez courant, il fallait l'avouer. Le Psychiatre lista mentalement les Paranoïaques utilisant la dissimulation : une quinzaine. Il hésita. N'était-il pas plus sage de respecter l'intimité de l'interné et de faire comme s'il ne l'avait pas remarqué ?
Il était venu pour rencontrer le Directeur : il continua donc son chemin sans ralentir. A chaque jour suffit sa question. _____________ Seul qui se perd entier est donné à lui-mêmeStefan Zweig |
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Le Psychiatre

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Lun 29 Déc 2008 | 23:53 |
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Valéria se redressa brusquement. Elle avait perçu un bruit. Un bruit de pas. Quelqu'un arrivait, et elle chercha instinctivement un endroit où se planquer avant de se souvenir qu'elle était invisible.
Ses yeux se posèrent sur le Psychiatre, qu'elle reconnut bien entendu tout de suite. Les psys, tous les mêmes, tous des salopards. Ils disaient vouloir soigner les gens, phrase bien jolie pour dire leur laver le cerveau, et ces imbéciles marchaient dans leur petit jeu sans se douter qu'ils n'étaient que des pantins, des pantins au service du pouvoir établi, du Gouvernement, des lobbies médico-capitalo-naziso-illuminato-pharmaceutiques ! Mais la jeune fille n'était pas dupe, clairement pas. Elle savait bien que que ces connards tramaient, elle savait bien que leur seul but était de l'endormir, d'endormir sa méfiance, de lui faire oublier tout ce qu'elle savait en y collant l'étiquette si pratique de paranoïa. En fait, elle était sans doute la seule personne saine d'esprit, ici comme ailleurs.
Ses sourcils se froncèrent, ses lèvres firent une moue agressive et dédaigneuse. On avait assez joué. Elle était proche du but, elle ne s'arrêterait pas. Lui devait savoir où [se planquait] le marionnettiste cinglé qui tirait les ficelles de cette prison. Il lui fallait saisir cette occasion rêvée.
Sa main se serra encore plus sur son couteau et elle se recula, méfiante, lorsqu'elle vit un changement d'attitude minime chez sa cible. L'avait-il sentie ? Pour autant, prise dans son projet actuel, elle décida de ne pas tergiverser sur la question qui allait très bientôt avoir une importance minime.
Lorsque le Psychiatre passa devant elle, Valéria fit un pas vers lui, plaçant sa lame sur sa gorge sans se soucier de dire bonjour d'abord.
— Le Directeur… Tu me conduis à lui tout de suite et tout ira bien, lui murmura-t-elle à l'oreille sur le ton de la menace.
Cette fois, ce serait la bonne. Elle était prête. Prête à tout pour découvrir ce qui se passait ici et, peut-être, sortir enfin de cet enfer… _____________ Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain |
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Valéria Rowntree Paranoïaque

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Mar 30 Déc 2008 | 2:50 |
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Déjà retourné à ses réflexions, le Psychiatre n'avait rien entendu, rien senti venir. Un frôlement, un genou contre son tibia, un radius contre son épaule, enfin, une lame froide contre son cou. Un dixième de seconde, tout au plus. Même pas le temps de sursauter. On avait là affaire à une crise de panique en règle : il était devenu l'otage de la paranoïa. On l'avait choisi comme émissaire de l'Autorité, comme représentant du Mal à combattre.
Soit. Le Psychiatre n'en était pas à sa première agression. Première erreur à ne pas faire : se débattre. Ajouter de la tension là où il s'en trouvait déjà suffisamment ne ferait qu'emmêler encore un peu l'esprit de l'agresseur. Seconde erreur à ne pas faire : garder son calme. Il s'agissait de prendre le geste au sérieux, car avec, c'était aussi toutes les angoisses qui le motivaient qu'on reconnaissait ce-faisant. Il resta immobile, un peu raide.
A qui avait-on affaire au juste ? Un Paranoïaque. Ou plutôt, une, au son de sa voix. Jeune. Frêle. Plus grand qu'elle, il aurait pu la maîtriser sans trop d'efforts en théorie. C'eût évidemment été sans compter sur la force inouïe que la folie peut déverser dans nos artères. Il n'était de toute façon pas question d'établir un rapport de force. Une jeune Paranoïaque, donc, qu'il n'avait pas encore rencontrée personnellement. Peut-être avait-elle déjà fait parler d'elle ? Il avait eu vent d'une certaine Valéria Brown… Brownie ?… — il faillit rire devant le burlesque de l'association d'idées mais se contint — enfin, quelque chose comme ça, peu importait, dont l'arrivée s'était voulue bruyante. Bien évidemment, il ne lui ferait pas part de ses suppositions, de peur de tomber juste : si l'internée en était venue à croire qu'elle était attendue, elle aurait pour le coup eu de bonnes raisons d'avoir recours à ce genre de procédés.
Son esprit divaguait, il cherchait à s'évader, à fuir la situation, il cédait à la peur. Il prit une grande inspiration abdominale, expira lentement par la bouche. Respiration circulaire. Une deuxième fois.
— Très bien, nous allons jouer franc jeu.
Ses paroles avaient pressé sa gorge contre la lame, et il sentit un très fin filet horizontal d'air froid. Il s'était probablement coupé. L'internée le tenait avec une poigne comme seul en fournit le désespoir. Il ne s'agissait pas d'un couteau de cantine, l'internée avait préparé son coup, elle savait ce qu'elle faisait, elle voulait être prise au sérieux. Jusqu'où était-elle prête à aller ?
— A votre voix, vous êtes une jeune femme. A votre invisibilité, vous avez été rangée parmi les Paranoïaques.
Ne jamais leur dire qu'ils étaient paranoïaques, évidemment… Sinon, on était de l'autre côté. Le Psychiatre fit une pause : devait-il tout dire ? Etait-il en position de cacher quoi que ce soit ? Mais s'il se montrait sincère, serait-il cru ? S'il donnait l'impression de cacher quelque chose, on le soupçonnerait d'emblée de trahison. S'il donnait l'impression de dévoiler ce qu'il savait trop facilement, on croirait à la duperie. Si on jugeait qu'il parlait trop, on imaginerait qu'il cherchait à tisser un piège.
— Je suis le Psychiatre de cet établissement. Je travaille pour le Directeur. Je ne chercherai pas à vous nuire, mon rôle m'impose plutôt l'exact opposé.
Pour elle, tout ceci ne serait que du baratin.
— Si vous tentez quoi que ce soit envers la personne du Directeur, vous devrez me passer sur le corps.
Peut-être cette dernière réplique le rendrait-elle un peu plus crédible. Il sentit une bourrade dans son dos, et la lame entamer un peu plus sa chair. Il se mit en route à pas mesurés.
Il n'avait aucune idée d'où il allait. _____________ Seul qui se perd entier est donné à lui-mêmeStefan Zweig |
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Le Psychiatre

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