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Sam 14 Juin 2008 | 16:57 |
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Valéria envoya à la salle de casino le regard le plus mauvais, le plus méfiant, le plus hostile qu'elle ait sans doute jamais eu de sa vie. Comment était-elle arrivée ici ? Mieux : qu'est-ce que ce truc foutait là ? Depuis son arrivée, elle en avait vu, des trucs par normaux, mais ceci gagnait clairement la palme. C'était complètement surréaliste, bordel ! Un casino dans un asile ! Et puis, elle n'avait pas voulu y aller ! Comment …? Nan. Y'avait un cheveu dans la soupe. Une couille dans le pâté. Quelque chose de pourri au royaume de Danemark. Son cerveau torturé, machinalement, réexamina les différentes étapes de son arrivée ici, en établissant un listing dont il vérifia automatiquement au moins trois fois chaque élément.
- Entrée dans les toilettes du hall de l'asile à 21:04.
- Entrée dans la dernière toilette, qu'elle utilisait tout le temps et qu'elle bloquait chaque fois de l'intérieur avant de ressortir par le haut et de rerentrer chaque fois depuis la toilette contigüe. De la sorte, Valéria était la seule à utiliser cette chiotte précise et ça permettait d'éviter la contamination par les autres pensionnaires.
- Sortie dix minutes plus tard par dessus, donc, après avoir fait ce qu'elle avait à y faire.
- Ouverture finale de la porte globale des toilettes, pour tomber sur…
- …Un casino !
C'était pas crédible. Ils avaient fait mieux, déjà, comme conspiration. Là, c'était presque tiré par les cheveux. N'empêche… Ne trouvant aucune solution à ce problème, son esprit continua à le tourner dans tous les sens alors qu'elle se mettait à avancer dans la salle, jetant des regards d'une méfiance maximale à gauche et à droite et évitant savamment le contact avec toute personne qui aurait pu lui foncer dessus. Avec ces cinglés, sait-on jamais… _____________ Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain |
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Valéria Rowntree Paranoïaque

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Lun 16 Juin 2008 | 13:17 |
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Une harpie bouscula Céleste avec autant d'égards que si elle eut été l'un des arbustes en pot qui fleurissaient dans la pullulante salle de casino. Céleste en pyjama, la trace des draps sur les joues, recula vivement afin d'éviter un autre accrochage. Un fauteuil capitonné heurta sa jambe : elle s'y laissa mollement chuter.
Quelque chose ne tournait pas rond, et cette chose lui donnait le vertige. Au milieu du vacarme elle essaya de se souvenir des minutes qui avaient précédé son arrivée dans la salle de casino. Elle se rappelait s'être endormie en début de soirée, puis avoir ouvert les yeux au milieu de l'un des interminables couloirs de l'Asile. Pas particulièrement interpelée par ce réveil dépaysant — le somnambulisme étant monnaie courante de ses nuits — elle avait entrepris de regagner son lit.
L'Asile commençant à lui être familier, elle avait déjà constaté sa capacité à modifier les distances et lieux et ainsi, à rendre impossible toute tentative de libre arbitre concernant le choix des destinations… Rien de surprenant, donc à s'éveiller dans un couloir désertique sans lien aucun avec la tiédeur de son lit. Sans doute ces black-out faisaient-ils partie des symptômes qu'on prêtait à sa psyché dérangée.
Elle ne fut donc pas particulièrement surprise, après avoir traversé l'Asile dans un état de somnolence avancé et croyant enfin ouvrir la porte de sa chambre, de tomber sous les éclairages malsains d'une salle de casino. Pas surprise, non, mais submergée et brusquée par la suintante surexcitation de l'endroit. Elle frotta ses yeux coagulés de sommeil et observa autour d'elle : il était curieux de constater qu'elle ne connaissait aucun des jeux qui remplissaient la salle, ou peut-être était-ce à cause des masses de joueurs qui s'agglutinaient autour et l'empêchaient d'en discerner le fonctionnement. Un malaise diffus s'empara soudain de Céleste, tandis que s'éveillait sa conscience à la voix suave…
— J'ai rien à faire ici, marmonna la jeune femme en faisant mine de partir, mais déjà la porte de sortie semblait avoir changé d'emplacement.
Mais c'est exactement ce qu'il nous faut ! Tu m'emmerdes avec tes petits plans de rédemption foireuse, chérie. J'ai besoin d'action. Des imbéciles à plumer. Des jetons à manipuler. Tu me feras pas avaler que tu n'aimes pas ça, jouer… ?!
Mais Céleste ne répondit pas aux avances de sa jumelle immatérielle. Déjà, son regard virant dangereusement au vert se fixait sur l'attroupement bariolé muni de fléchettes qui attendait le second round d'un jeu étrange, à quelques mètres de là… _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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Dim 12 Oct 2008 | 22:54 |
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Valéria se recula brutalement, ayant heurté l'autre molle. Elle la regarda d'un oeil indescriptible tant il était méfiant et hostile. On aurait dit qu'elle venait de voir un reptilien humanoïde changer de forme devant elle afin de lui montrer que la Conspiration existait bel et bien et qu'ils étaient après elle, comme pour s'en moquer, la harceler encore. Quand Céleste se dirigea vers la porte et que celle-ci disparut, elle n'eut plus aucun doute : c'était encore un coup des forces occultes indicibles qui dirigeaient cet endroit.
Puis, l'autre parla. Etait-elle dans le coup, ou elle aussi une victime impuissante de leurs machinations ? Impossible de le dire, bien que Valéria avait sérieusement tendance à pencher vers la deuxième solution. Après tout, ils contrôlaient cet endroit. Ils les contrôlaient tous. Céleste n'était sans doute qu'un pantin comme les autres. Néanmoins, elle décida de faire comme si elle ne voyait pas clair dans leur jeu. Peut-être pourrait-elle ainsi s'en tirer sans problème… Sans qu'on ait fait des expériences bizarres une fois de plus sur son corps, sans implant, sans possession démoniaque ou autres horreurs. Qui savait de quoi ils étaient capables.
…
Valéria le savait.
— Je sais, ma grande. Moi non plus. Et j'ai pas plus de solution que toi pour sortir… Alors balance : comment t'es arrivée là ?
Ca aiderait peut-être à comprendre l'endroit pour trouver un moyen de s'en sortir. Même si ce serait sûrement un piège si Céleste était dans le coup. Tant pis. Elle prendrait le risque. _____________ Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain |
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Valéria Rowntree Paranoïaque

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Jeu 16 Oct 2008 | 20:18 |
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Une petite giclée d'acide sur sa joue striée par le sommeil. D'un revers de la manche, Céleste essuya le regard que Valéria venait de lui jeter. Elle était fascinée par ce qui se déroulait devant elle. Les joueurs hystériques, l'atmosphère oppressante, grisante du lieu. En dépit d'une nausée que causait la fébrilité dans laquelle elle avait été plongée, les fléchettes l'attiraient, l'excitaient. Rester imperméable à cette furie collective lui était frustratoire au possible.
Regarde les trembler de plaisir avec leurs jetons en main. Sentir cette poussée entre tes doigts, ce doit être très excitant. Toute cette pression, et la certitude d'être au dessus de ces imbéciles, rafler la mise, percer la cible…
Quelques mots vinrent interrompre sa montée d'adrénaline. Mais pourquoi tant de familiarités ? Qui osait la déranger en pleine nuit dans une salle de casino cauchemardesque et délirante, pour lui demander des comptes par dessus le marché ? Céleste frotta sa joue où l'empreinte des draps l'irritait. Ebroua ses boucles coagulées par la crasse pour s'extraire de sa transe puis, d'un œil vaseux, toisa la jeune femme.
Une internée : pas une surexcitée comme les autres. Jolie, quoi qu'un peu rigidifiée par une hostilité palpable, mais ce n'était pas le propos. Qu'est ce qu'elle lui voulait au juste ? Qu'est ce qu'elle… a la pouffiasse, elle veut faire amie-amie, une partie de fléchettes bien placées ça la tente ?
Céleste renifla bruyamment, ravalant ses pensées. Elle ne pouvait s'empêcher de scruter avec avidité les joueurs autour d'elle. Elle était encore assez lucide pour concevoir vaguement que la nouvelle venue pourrait lui être d'une certaine utilité, au moins dans le cas où, par hasard, elle se devrait de remplacer ses jetons par un paiement en nature.
— Une envie de pisser, un rêve de piscine, et puis… Au beau milieu de l'asile. Complètement paumée. Alors bon, dans le coaltar, j'essaie de retrouver ma chambre; mais j'ai du prendre la mauvaise porte.
Quoi que. L'internée s'interrompit. Concentrant son attention, elle leva enfin les yeux vers son interlocutrice. _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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Ven 17 Oct 2008 | 0:24 |
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Bien ! C'était logique. Valéria eut une sorte d'acquiescement cynique de la tête, comme si elle admettait une évidence : toutes deux s'étaient retrouvées ici à la suite des mêmes circonstances. Bien que ce soit du genre foireux, la logique qui se dégageait de ce début de conversation avait un côté lisse, un côté sécuritaire qui sembla presque l'apaiser, l'espace d'un instant.
— Je vois. On est toutes les deux passées par les chiottes avant de se retrouver ici. Avec un peu de chance, c'est pas une coïncidence., rationalisa-t-elle.
Mais n'était jamais une coïncidence. Les coïncidences n'existaient pas. Selon Valéria, ce que les humains appellaient "hasard" n'était qu'un ensemble de causes menant à un résultat déterminé. Des causes trop nombreuses, trop complexes ou trop cachées pour être identifiées : alors, pour simplifier la chose, les esprits endormis de ses concitoyens donnaient le nom "hasard" au phénomène. Ainsi, ils vaquaient tranquillement à leurs occupations, aliénés par une soumission à un système hostile qui les enserrait peu à peu, mais inexorablement, de sa main oppressante. Elle n'était pas dupe : il n'y avait pas de hasard pour ses yeux à elle. Il n'y en avait jamais eu. Il ne pouvait pas y en avoir. Tout était voulu, contrôlé, préparé. Elles n'étaient que deux pantins, instruments du jeu de ceux qui les retenaient, pour des raisons aussi inavouables que mystérieuses, les retenaient ici comme des prisonnières, violant ainsi tous leurs droits. Ha ! Une fois n'est pas coutume, elle allait aussi les violer, leur faire mal, le plus mal possible. Chacun son tour.
Valéria ouvrit la sacoche toujours portée en bandouillère pour en sortir une clope et un briquet. Comme par une sympathie qu'il était rare de voir chez elle, elle sembla revenir en arrière pour en tendre une seconde à la folle dingue qui lui faisait face.
— Tiens, intoxique-toi. On va foutre un peu le bordel, c'est un minimum. J'en ai marre d'être prise pour une conne.
Tournant le visage vers un croupier, puis vers le groupe qu'il dirigeait, tout en tirant un coup pour envoyer la fumée voler au loin, elle chercha tranquillement une cible. Ils contrôlaient cet endroit au mètre près. Elle allait changer la donne et renverser la situation.
Après avoir tiré une deuxième, puis une troisième bouffée, Valéria balanca d'une pitchenette presque grâcieuse la cigarette vers une tenture décorative couleur rouge qui lui avait l'air bien inflammable, le tout d'un air parfaitement dédaigneux.
On allait voir comment ces enfoirés réagiraient à ça. Burn, motherfucker, burn ! _____________ Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain |
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Valéria Rowntree Paranoïaque

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Ven 17 Oct 2008 | 11:30 |
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Et le mégot eût fort probablement mis le feu à la tenture, à la moquette, aux machines bientôt, aux cendriers, aux cartes, aux lustres, aux napperons, au papier peint, aux poignées de portes, aux vêtements de joueurs, sans que ceux-ci ne s'en souciassent un seul instant.
Si le feu eût pris, les forcenés l'eussent évité, contourné, s'il se fût propagé aux machines, leurs usagers les eussent quittées pour d'autres, s'il eût empli la pièce, ils se fussent dispersés dans les voisines, s'il eût gagné leurs habits, ils s'en fussent débarrassés, bref, aucun d'entre eux n'eût daigné se détourner de ses ahanantes activités pour de si triviales vétilles.
L'on eût pu imaginer le même scenario en cas d'inondation intempestive de soda light gazeux version mousse-party, de tremblement de terre (midor), de grippe aviaire (H5N1 inside) ou même de serial killer débridé étrennant sa sulfateuse toute neuve.
Oui, Valéria aurait pu les poignarder à mort, ces salauds d'abrutis comme ces abrutis de salauds, ils n'auraient fait aucun geste pour se défendre et auraient trébuché sur les cadavres de feu-leurs partenaires. Eh quoi ! On était dans un casino, on n'avait pas payé pour être tristes !
Fort heureusement, rien de tout cela ne se produisit, ni mass-murder, ni submersion, ni même incendie… le mégot de Valéria s'éteignit paisiblement à 22h22, sans douleur, dans son sommeil, paix à son âme. Fort heureusement également pour Valéria, la cohue couvrit le ricanement flûté qui fit office d'oraison funèbre à Mégot. Céleste eût pu tenter sa chance elle aussi, elle n'eût pas obtenu de meilleur résultat. |
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Le Chat

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Lun 10 Nov 2008 | 1:29 |
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Mue par un réflexe affligeant, Céleste avait tendu les lèvres vers la cigarette offerte de deux doigts fébriles sous l'effet d'une baisse sanguine du taux de nicotine, et l'excitation de la potentialité d'un exorcisme futile de sa frustration pathologique. Car il n'y avait aucun doute pour la boule de crasse en pyjama qui toisait son interlocutrice d'un œil amorphe et vicelard : crispée d'agressivité latente, méfiante à en risquer la rupture d'anévrisme, la Paranoïaque ne pouvait être que frustrée par ses propres élucubrations stériles.
Crissement du briquet, sécheresse buccale nocturne vite apaisée par un flux de fumée âcre, savoureuse. Cette pauvre imbécile en pleine rébellion régressive ne pouvait pas être si mauvaise finalement ; elle avait le mérite de cette clope que la gorge de Céleste réclamait depuis son arrivée. Elle recracha lentement la fumée par les narines. Valéria, jetant avec ostentation son mégot dans les plis d'une tenture où ce dernier grésilla pudiquement avant de rendre son dernier souffle, provoqua un ricanement dédaigneux chez le double de la jeune femme qui n'était pas dupe des intentions foireuses de la paranoïaque. Céleste soupira en la regardant s'éloigner d'un pas victorieux, un poil agressif, et ses jambes étaient d'une finesse curieusement profitable ; mais ce n'était pas le propos, non, non.
— T'es sérieusement atteinte, ma grande ! pouffa Céleste.
Mais à peine Valéria avait disparu dans la foule compacte, que les yeux verts virevoletaient à nouveau sur les jeux alentours. Un puits de lumière au néon venait de se former autour du stand de fléchettes où l'attroupement s'était légèrement dissipé.
Je peux savoir à qui tu parles ? rétorqua le for intérieur, faussement offusqué. Réveille-toi un peu ! On va pas végéter ici ! Elle a raison l'autre, faut profiter de l'endroit, personne ne te regarde, on va bien s'amuser…
La clope au bec, Céleste fit volte-face, résolue à se plier aux désirs de sa conscience. Elle tira une bouffée puis s'engouffra dans la foule, jouant des coudes sans indulgence, et se frayant un chemin jusqu'au jeu tant désiré ; n'hésitant pas à bousculer au passage quelques joueurs furibonds, mais néanmoins trop délirants pour protester, elle vint se placer en tête de file. Sur une tablette de marbre étaient disposées de longues fléchettes luisantes, au métal chaud, malmenées par des centaines de mains qui se pressaient maladroitement pour en saisir une et entamer la nouvelle partie qui s'annonçait. Céleste s'en empara d'un geste vif. Pointant la petite lame de cuivre devant elle, avec un plaisir impossible à dissimuler, elle se mordit les lèvres.
Une goutte de sang vint entacher le goût de tabac sec. Le bras en suspens, la jeune somnambule ne pouvait se résoudre à tirer. Les spots qui éclairaient le stand venaient de bouger, désignant Valéria, inconsciente du danger, comme cible par un rond de lumière crue. _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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Sam 27 Déc 2008 | 0:42 |
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…!
Valéria était sûre que ça devait marcher ! Ce truc était inflammable, c'était marqué dessus en toutes lettres, "crame-moi", un message impossible à louper, l'évidence même. La tenture aurait du brûler, et tout le reste de cet endroit pourri, dans les flammes purificatrices dont la vision lui aurait été si douce et si défouloir. Mais non, non, bien sûr. Cette saleté décida d'éteindre son mégot, la regardant de ses plis tissulaires d'un air moqueur et provocateur, le même air que toutes ces saloperies d'Instances et que tous les zombies présents ici avaient, d'une façon ou d'une autre, gravé sur leur visage.
Ils étaient tous dans le coup ! Un mégot ne s'éteint pas comme ça !
Lorsque Céleste décida de se jouer d'elle à son tour, mettant un pied supplémentaire dans la Conspiration, ce fut trop pour Valéria. Rageuse, elle accéléra le pas pour passer son énervement en un pas rapide et décidé, bousculant ces connards au passage. Les yeux sur les lustres, les murs, les plafonds, elle se mit alors à gueuler, car la situation le valait bien : ils avaient fait rater son bel effet.
— Montrez-vous, bande d'enculés ! Je sais que vous êtes là ! Vous voulez vous battre ? Vous voulez la merde ? Vous allez l'avoir, vous m'entendez ? J'vous emmeeeeeeeeeeeeerde !!!
Elle attrapa un vase décoratif, l'abattit sur la gueule d'un connard qui avait eu la malchance d'être devant elle, puis commença à renverser les plantes en pot, à foutre le bordel dans les cartes, elle donna un coup de pied sur une machine à sou et ravala sa douleur qui manqua de la faire ridiculement sautiller sur place — elle s'était presque pété un orteil —, puis…
Un truc siffla à ses oreilles.
Une fléchette se planta sur le jackpot sur lequel elle s'était appuyée pour oublier qu'elle avait mal, deux centimètres devant ses yeux. Yeux qui se tournèrent dans la direction en question, exprimant un mauvais pressentiment avec un talent d'actrice digne des films d'horreur de série Z, sauf qu'il était vraiment sincère.
Ces salauds avaient décidé de l'assassiner. Ils avaient braqué le spot sur elle, la transformant en cible vivante pour leurs jeux de fléchettes à la con. C'était la guerre et son sang ne fit qu'un tour, elle plongea comme s'il n'y avait pas de lendemain derrière la rangée de machines, poussant un cri de douleur à l'impact lorsque ses coudes heurtèrent le sol.
Sa respiration se fit rapide, elle eut une moue mauvaise, son regard lança des éclairs, une fléchette se planta au sol devant elle après un lobe harmonieux au-dessus de son couvert et son esprit décida pleinement de péter un câble. Ils allaient payer. Ils allaient payer cher. Se sachant poursuivie, elle se leva d'un bond, saisit l'une des chaises qui faisaient face à une machine à sous et la balança de toutes ses forces sur le premier enfoiré qui passait pour les contourner, après un tournoiement approximatif mais bien décidé. La chaise étant dotée d'un pied rond et plat en métal, c'est évidemment celui-ci qui trouva à entrer en collision avec le visage du concerné, dans le sens de la tranche, mais elle ne prit pas le temps de vérifier les dégâts occasionnés.
La chaise tomba, l'homme aussi, et les autres finirent leur course dans un étonnement témoigné par quelques exclamations expressives.
Valéria s'était volatilisée. _____________ Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain |
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Valéria Rowntree Paranoïaque

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Jeu 22 Jan 2009 | 21:58 |
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Et puis, finalement, si. Après tout, pourquoi pas.
Qu'est ce qui aurait bien pu la détourner de son objectif ? Le minois bilieux de la paranoïaque qui passait ses nerfs sur tout ce qui menaçait de bouger - dans une salle inondée par des joueurs aussi remuants qu'insubmersibles, était-il utile de le rappeler ? Elle avait le tempérament joueur, la petite crasseuse, et pire que ça : compétitif. Doublé d'une enfantine incapacité à résister aux tentations les plus anodines de la vie, comme la satisfaction de planter une chieuse récalcitrante sur une cible fluo. Tout au plus, les tentatives contestataires de l'autre hallucinée l'avaient encouragée à viser le plus consciencieusement possible la cible humaine entourée du halo lumineux.
OK, elle est vachement souple, et vigilante, je lui concède, mais comment tu as pu la rater aussi bêtement ?!
— Ferme-la ! Si je trouve un miroir c'est toi qui y passes.
Après tout, c'était son rêve, non ? Son trip incompréhensible de somnambule. Et la squatteuse qui venait tout foutre en l'air avec ses manifestations de mégalomanie régressive… Et qui ne se laissait même pas faire comme tout bon archétype onirique, fuyant habilement sa fléchette. Un homme poussa brusquement Céleste hors du stand où elle se trouvait ; le spot avait déjà désigné une nouvelle cible, inanimée cette fois-ci, et la jeune femme gênait la progression de la file. Réflexe insensé : pressant ses doigts boudinés sur la carotide du joueur avec un besoin implacable de venger sa fierté troublée par cette brève bousculade, elle constata avec curiosité qu'après être passé au bleu, puis au carmin de façon commune, il retrouva sa carnation habituelle et se détacha sans difficulté de son emprise.
Mais tout ceci n'avait duré qu'un court instant, et elle ne se sentait pas préoccupée plus que cela d'être en présence d'une horde de piliers de casino increvables. S'il l'étaient, c'est qu'elle l'était aussi, et cela n'avait rien de surprenant puisqu'elle nageait en plein délire. Et puis, c'est qu'elle guettait secrètement Valéria évanouie dans la nature, sa nouvelle fixette à elle ; et que l'avidité la rendait déjà drôlement speed, bouillonnante de plaisir à l'idée d'avoir enfin trouvé un jeu qui vaille la peine. Au moins, cette fois, elle serait seule à participer.
Une giclée d'un rouge vif vint entacher son pantalon miteux tandis qu'elle partait en quête de la révolutionnaire planquée. Levant deux yeux vitreux, elle haussa un sourcil amusé et un poil admiratif vers Valéria s'enfuyant loin de sa victime ; victime que Céleste enjamba affablement pour ne pas perdre de vue celle qui gâchait sa nuit. Passant près d'un stand aux néons clignotants et à la bande-son reggae appréciable, elle empoigna l'une des carabines destinées à massacrer de frêles peluches en rang d'oignons. Un sourire de bienheureuse dépravée colora sa bouille ingrate : au jeu du chat et de la souris elle avait toujours fait montre d'un talent indéniable, étant aussi vicieuse et acharnée que peut l'être une créature de sa trempe, dépourvue en sa cervelle aliénée de toute obligation d'ordre moral. Enfin, existait-il quelque chose de plus amusant que de se fondre dans les divagations d'une charmante cinglée aux jambes longues et au coup de chaise facile ?
Elle cracha le mégot d'offrande de Valéria dans un coin de la salle, et d'une main, farfouilla en des recoins peu chastes de son pyjama pour dénicher une autre clope qu'elle s'empressa d'allumer. Se délestant de la fumée par les narines, elle laissait par la même occasion le temps à Valéria de se trouver une cachette convenable ; ou un plan machiavélique pour la faire devenir chèvre, comme seuls les paranoïaques savent en concevoir.
Bon, alors ça y est, on va enfin s'amuser… ? _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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