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L'origine du monde

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Message Mar 11 Sep 2007 | 0:29  Répondre en citant

Cybéle était au bord de l'étang. Les rives de l'étang étaient un endroit qu'elle aimait beaucoup. Aux yeux de Cybèle, c'était une de ses créations les plus inspirées. Cette herbe sauvage et inégale, sans fleurs, ces arbres torturés et violents, cette eau impénétrable et imperturbable, ces statues éparses, mais surtout cette petite bicoque au bout du ponton, ravissante et désuète, et cette chapelle qu'elle apercevait de l'autre côté, aux lignes épurées et si élégantes… L'étang, les berges de l'étang, cette berge de l'étang, ce carré d'herbe de cette berge de l'étang était admirablement ouvragé. Peut-être même que ce carré était l'endroit favori de Cybèle. Cybèle en était très fière. Cybèle était fière des talents dont cet endroit était la preuve. Et Cybèle se trouvait au bord de l'étang. A cet endroit précis, eau et terre, herbe et ciel, carrefour des éléments, point culminant, complet, nombril du monde. Cybèle était au bord de l'étang.

Et Cybèle était pensive.

Non pas que la requête de la créature l'ait prise de court, qu'on se détrompe ! Les miracles, c'était son rayon. Bien qu'elle évitât autant que possible d'interférer dans la laborieuse existence de ses sujets, de troubler leur pénible acquisition du libre arbitre, Cybèle, dans son infinie miséricorde, était toujours prête à gagner la rédemption de ses créatures, toujours prête à faire étalage de ses infinis pouvoirs, toujours prête à accorder son pardon car, avec le temps, tout s'oublie et se pardonne, et Cybèle, éternelle, pardonnerait tôt ou tard, avec le temps, dont elle disposait à loisir. Pourquoi gâcher ? Pourquoi attendre, quand on a l'éternité devant soi ? Cybèle s'exécuterait, cela ne ferait aucun doute. Mais Cybèle était pensive.

Elle se demandait quel miracle conviendrait le mieux à la petite chose, quel événement serait le plus susceptible de la convertir.

Comment tout ceci pouvait donc ne pas être suffisant ? La perfection de tout ce qui était n'était-elle pas une preuve en soi du divin ? Ou peut-être était-ce la forme que Cybèle avait empruntée pour s'adresser à elle qui faisait douter la créature ? Mais comment s'adresser à elle autrement qu'en se rabaissant à son niveau d'existence ? Autant de subtilités que l'humanité mettrait encore des siècles à appréhender. La liberté avait son prix. Oui, Cybèle regrettait parfois d'avoir inventé ses sujets libres. Mais Cybèle n'était pas une despote, elle éprouvait simplement de la peine devant les tourments que ses créatures enduraient au nom de cette liberté pourtant si fondamentale.

Comment rendre les choses accessibles à cette conscience amputée de sa foi ? Comment dépeindre l'aurore à un aveugle ? Avec un calme irréel, Cybèle lui répondit :

Ta vie, ta conscience, ta liberté, ton intelligence, sont autant de miracles de ma part. Cela ne suffit-il donc pas à t'ouvrir les yeux ? Les choses ne sont pas aussi simples, les équilibres sont subtils et délicats. Créer signifie détruire, détruire les autres possibles. Comprends-tu ? La perfection de ce monde est dûe à la mort des autres mondes possibles, à leur abandon, à leur oubli. Créer n'est pas gratuit. Mais tu veux ton miracle, et tu seras exaucée.

Cybèle était au bord de l'étang, sur une des berges de l'étang, sur un carré d'herbe précis d'une des berges de l'étang, son endroit préféré, celui qu'elle avait voulu. Elle étendit les bras d'un mouvement particulièrement théâtral, et une libellule aux reflets saphir choisit cet instant pour voleter jusqu'à sa paume ouverte. Cybèle avait désiré un miracle, et un miracle s'était produit. Elle contempla Valéria d'un air entendu, silencieuse, souriante. Voilà ce qu'était le pouvoir de Cybèle.

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You have to give up. You have to give up. You have to realize that some day you will die. Until you know that, you are useless.Tyler Durden
Cybèle
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Message Lun 02 Juin 2008 | 12:13  Répondre en citant

Valéria estimait que sa vie, son intelligence, sa liberté étaient siennes, pas celle d'une quelconque tarée qui se prenait pour une déesse. Elle n'avait déjà jamais cru en Dieu, alors c'est pas la première blondinette venue qui allait la convaincre de ressentir une quelconque vénération. De toute façon, même si Dieu il y avait, il était clairement contre elle. Elle l'avait toujours su. S'il existait, à sa mort, elle lui botterait le cul elle-même…

Ses yeux empreints d'un scepticisme qui aurait fait pâlir les gens les plus terre à terre de toute la galaxie observèrent le petit manège de Cybèle. Les élucubrations de celle-ci avaient assez duré. La jeune femme voulait du clair, du concret, du net. Sans ça, elle concluerait à une arnaque. De toute façon, c'en était forcément une.



Et voilà que le pire se produit. Alors que l'autre conne tendait la main en surjouant comme une guignole, une libellule choisit précisément ce moment pour s'y poser. Saloperie. Même les insectes s'y mettaient, maintenant. Elle l'avait fait exprès, cette même libellule, avait fait exprès de s'y poser pour la narguer, comme pour donner raison à la cinglée. Pourquoi ? Pourquoi fallait-il que ça arrive ? Valéria fixa la libellule d'un air haineux, voyant dans ses gros yeux globuleux la lueur de moquerie qu'elle savait y trouver. Connerie. Mais non ! Non, elle ne cèderait pas ! Non, elle ne se soumettrait pas. Alors, feignant de se foutre de la gueule de l'autre, elle eut un rire un peu forcé :

Et tu crois que ça me suffit, pauvre tarée ? Tu crois que je marche dans ces conneries ? Elle s'est posée là, et alors ? J'en ai quoi à foutre ? C'est… Un putain de hasard, hein, fous-le toi devant les yeux. Ou alors… Ouais, elle a choisi ça. Elle se fout de ma gueule. Mais c'est pas toi, c'est pas toi qui l'as faite venir. J'le sais bien, c'est pas toi, ça peut pas être toi. C'est pour me narguer qu'elle fait ça !

Elle avait reculé d'un pas, et serrait son bâton à s'en faire rougir les doigts. Ses nerfs s'étaient tendus. Ça allait pas. Vraiment pas.

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Just because you're paranoid doesn't mean they aren't after you.
Kurt Cobain
Valéria Rowntree
Paranoïaque


Message Mer 04 Juin 2008 | 10:25  Répondre en citant

Cybèle se réjouissait. Son choix de faire apparaître une libellule avait déjà ébranlé violemment la faible créature, qu'en aurait-il été si elle avait décidé de faire tomber la nuit, d'assécher l'étang, de faire pousser une forêt, de transformer l'endroit en désert ? Tout cela n'était pourtant que pacotille, Cybèle aurait tout aussi bien pu modifier l'agencement de l'univers-même, décréter qu'un atome n'était plus fait de quarks mais d'autres merveilles. Seulement, à l'échelle de la petite chose, cette espèce de miracles passait totalement inaperçue. Le monde tel qu'il était était un acquis pour elle. Elle ne pouvait pas attendre de gratitude pour quelque chose dont ses sujets n'avaient même pas conscience.

Mais une minuscule libellule, ça oui, ça pouvait les impressionner ! Cybèle s'étonna : comme la vie de ces petits êtres était pleine de symboles ! Ils n'avaient qu'une si maigre conscience de ce qui les entourait, qu'ils ne pouvaient exister qu'à travers leurs croyances, bien loin de la réalité la plus simple, la plus matérielle. Cybèle eut un éclair de génie :

Quel est ton nom, petite chose ? Je ferai de toi ma prophète. Tu iras rappeler tes congénères à la raison, tu iras leur rappeler qui je suis, tu leur feras se souvenir de ma grandeur et de ma bonté. Tu leur apprendras à prier pour moi et à croire en ce qui est plutôt qu'en leurs rêves. Je vous bénirai chaque jour dans ma grâce infinie et vous retrouverez le chemin de la connaissance. Comme ce Jésus si amusant que j'ai imaginé en un autre temps, tu seras mon apôtre, et j'aurai la libellule comme emblême au lieu du poisson. Tu as déjà ton bâton, va, répands la vérité, éveille leurs mémoires, tu as été témoin d'un miracle, tu n'as plus besoin de croire, tu sais !

Vraiment, quelle merveilleuse rencontre ! Cybèle allait reprendre ses droits sur cette Terre qui était sienne. Cybèle avait abandonné ses créations à leur triste sort, elle allait reprendre les rênes, elle les sortirait de l'égarement, les guiderait, racheterait sa faute. A l'opposé de ce Dieu ridicule inventé par les poltrons, Cybèle avait un nom, car Cybèle existait. Cybèle était réelle car Cybèle était la vie, Cybèle aimait la vie et ne reviendrait ni punir, ni venger, ni détruire. L'Apocalypse ne pouvait être l'œuvre d'un dieu, car un dieu a pour tâche de créer. C'est ce qu'elle apprendrait bientôt à cette espèce ignare.

Elle s'apprêtait déjà à tourner le dos à la petite chose mais se contint : ce n'était pas là sortie digne d'une déesse.

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Cybèle
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Message Mer 04 Juin 2008 | 10:39  Répondre en citant

Valéria serrait les poings. La mâchoire. Les muscles de ses bras étaient tendus, presque au point d'en trembler. Pour qui elle se prenait, bordel ? Elle n'obéirait jamais à ça ! Prophète, mon cul ! Qu'elle aille crever… Elle voulait la mainmise sur elle, elle voulait la contrôler, tout comme les autres. Mais tout comme pour eux, la jeune femme n'allait pas se laisser faire. Pas question. Jamais. Plutôt crever. Ou la crever, elle, qui se foutait de sa gueule allègrement, qui tentait de s'insinuer dans sa personnalité, d'en faire son esclave sous le terme débile de "prophète". La libellule, elle allait la lui faire bouffer, et par tous les trous encore ! Elle fit un pas en avant, serrant son arme improvisée à s'en péter les doigts.

Ta prophète, pauvre dingue ? Tu me crois assez conne pour ça ? (elle se mit à crier, après avoir fait un pas clairement menaçant vers elle) Tu crois que je vais marcher dans ton putain de jeu ? Vous êtes tous de mèche, bande de connards, mais vous m'aurez pas ! Je sais très bien ce que t'essaies de faire, je le vois ! Tu crois que je vais me soumettre comme ça ? Putain, mais va te faire foutre !

Elle frappa de son bâton, avec violence, sur la main qui portait l'insecte, de façon à faire très mal à Cybèle et à en tous cas exploser la libellule. Les nerfs à fleur de peau, la jeune femme avait quasiment brisé son bâton sur le coup, mais c'était pas fini… Valéria le leva encore, prête à frapper à nouveau avec frénésie, cette fois au niveau du visage, pour se défendre de cette salope. Elle resterait libre, elle resterait elle-même, quitte à frapper, encore, et encore, et encore !

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Kurt Cobain
Valéria Rowntree
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Message Mer 04 Juin 2008 | 12:09  Répondre en citant

Une larme avait roulé sur la joue de Cybèle. Elle était étreinte par tant de pitié envers la créature qui lui faisait face ! Sauvage, ignorante, et si dépassée par la vérité qui sous-tendait chaque chose… Voilà qu'elle ne connaissait plus que la violence, la crainte. Cybèle s'en voulait d'avoir négligé les sentiments de sa créature. Elle avait préféré comprendre son appréhension comme une marque d'admiration, de respect, plutôt que comme la manifestation d'une angoisse plus profonde. Elle devait maintenant faire face à la panique de la petite chose, parce qu'elle l'avait trop brusquée. Cybèle payait pour cette faute avec le sourire.

Frappe, je ne me défendrai pas. Lorsque tu abats un arbre, cesse-t-il d'être un arbre ?

Oh non, sa main ne lui faisait pas mal du tout ! Ses doigts brisés se couvrirent progressivement d'une inquiétante teinte bleue tandis qu'un filet de sang sombre perlait d'un de ses ongles, mais la douleur était délicieuse. Car elle était porteuse d'un message si important, si fondamental : Cybèle s'était trop éloignée de sa création. Elle se voyait punie par l'impossibilité de renouer contact. Parce que Cybèle ne l'avait guidée assez précautionneusement sur les sentiers de la révélation, sa créature avait préféré détruire ce qu'elle ne parvenait à appréhender. Blesser, frapper, pour se convaincre qu'elle pouvait l'atteindre d'une quelconque manière, qu'elle existaient, qu'elles étaient toutes deux égales.

Elle avait cru se mettre à son niveau en apparaissant sur le même plan d'existence qu'elle, mais ce n'était pas suffisant, elle n'avait su s'empreindre d'humilité, se départir de son statut divin. Elle avait refusé d'être l'égal de ses sujets. Cybèle réalisa qu'elle haïssait devoir se rabaisser. Une journée si pleine d'enseignements pour Cybèle ! Il fallait pourtant faire connaissance avec la créature, l'apprivoiser, se la réapproprier, non pas pour en prendre le contrôle comme celle-ci semblait le craindre mais simplement l'imprégner, à travers la confiance qu'elle lui manifesterait, la révéler, lui montrer, lui apprendre enfin.

Tu ne m'as pas répondu, petite chose… Quel est ton nom ?

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Cybèle
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Message Mer 04 Juin 2008 | 13:28  Répondre en citant

Valéria allait abattre une nouvelle fois son bâton. Elle le serrait fermement des deux mains, comme s'y agrippant, prête à défoncer la gueule de Cybèle sans aucune pitié de sorte qu'elle se serait jamais reconnue dans un miroir par la suite. Tendue jusqu'à l'os. Son énervement était total. Sa crise, violente. Pourtant, quelque chose l'avait arrêté.

Elle ne se défendait pas.

Putain, mais quoi ? Elle n'avait même pas eu l'air d'avoir mal, alors que ses doigts étaient clairement pétés. C'était pas normal. Encore une arnaque. Encore un coup monté. On se foutait encore de sa gueule, à elle, Valéria, parce que visiblement tout le monde avait décidé de la persécuter. Et celle-ci cristallisait tout ce qu'elle avait pu subir, regroupait tout en une seule personne comme Monsieur l'avait fait… Mais même lui, toute lopette qu'il soit, réagissait aux coups ! Même lui savait en donner ! Cybèle se foutait de sa gueule de la pire des manières qui soit. Elle continuait son manège, inlassablement. Sa mâchoire se serra à s'en faire mal aux molaires. Ca n'allait pas se passer comme ça. Pourtant, pendant un instant, elle ne sut plus trop quoi faire.

Tu te défendras pas, hein ? Tu veux savoir mon nom ? Ouais, évidemment. Comme si tu le savais pas. Pourquoi tu m'as choisie, moi, hein ? Pourquoi ? Y'a des dizaines d'autres péquenauds à emmerder ici, et ça tombe sur moi ! Tu fais chier ! Vous faites tous chier ! J'en ai marre ! Défends-toi !

Valéria envoya un coup de pied violent au niveau de l'épaule de l'autre, pour la faire se retrouver au sol. Qu'elle se défende la rassurerait… La ferait se sentir vivre presque normalement. Les choses rentreraient dans l'ordre. Le monde tournerait rond, juste le temps de se mettre sur la gueule. C'était comme ça que ça devait marcher ! Elle devait avoir mal, se battre, riposter ! Se laisser faire cachait forcément quelque chose de pire, d'inimaginable qui échappait totalement à la jeune femme… Evidemment, elle réitéra l'ordre impérieux qui devrait remettre ses idées en place, frappant une fois de son bâton, pas aussi fort qu'elle l'aurait voulu, au niveau des côtes.

Bats-toi, bordel ! Bats-toi !

Ca l'empêchait de s'y mettre à fond… Bien qu'elle fasse partie des autres, ceux qui lui voulaient du mal, qui la persécutaient sans cesse, comment tabasser quelqu'un qui se laissait faire ?

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Message Lun 09 Juin 2008 | 15:50  Répondre en citant

Cybèle était heureuse.

A quatre pattes, renversée par les coups de Valéria, une douleur fulgurante pulsait dans son flanc droit, éclipsant presque les protestations lancinantes de son épaule. Cybèle, bienheureuse, recevait les coups dans un état proche de l'extase. Car enfin, elle allait pouvoir mourir en martyr, puis ressusciter ! Laisser une trace indélébile dans la mémoire des congénères de la petite chose. Ils se souviendraient alors, et son culte connaîtrait un nouvel avènement. Frappe, Valéria, dépèche-toi, achève-la, cette folle !

Tu refuses d'accepter l'évidence. Je suis l'herbe, les arbres et l'étang. Je suis le ciel, la vie, je suis toi tout autant. A moins que tu ne détruises toute vie en ce monde, je ne cesserai pas d'exister. Ce corps n'est qu'une de mes formes. Supprime-le si cela peut t'aider. Je suis ma Mère et je suis ma Fille.

Elle cracha quelques gouttes de sang clair.

Tu es en train de faire se répéter une vieille histoire que l'on raconte de par chez toi. Dans la mort, je te bénirai. Achève-moi, si tu as le courage d'aller jusqu'au bout de tes convictions. Peu importe ce en quoi tu crois, petite chose, seule la force avec laquelle tu y crois est importante. Frappe, si le spectacle de ma souffrance doit te faire croire en Moi. Je ne t'en empêcherai pas, car je suis la Mère nourricière.

Cybèle releva enfin la tête vers Valéria :

Je t'offre ma vie.

Sans cette légère crispation au coin de ses lèvres, le sourire de Cybèle eût été d'une grande beauté.

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Cybèle
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Message Ven 13 Juin 2008 | 14:17  Répondre en citant

Tu crois que je vais marcher dans ton putain de jeu ? Vous êtes tous de mèche, bande de connards, mais vous m'aurez pas ! Je sais très bien ce que t'essaies de faire, je le vois ! Tu crois que je vais me soumettre comme ça ? Putain, mais va te faire foutre !

Dans le fouillis clairsemé des arbres qui dissimulaient à moitié le lac, Annet s'immobilisa. Immobile, l'oreille tendue, l'œil aux aguets, elle gratta une allumette sur l'écorce de l'un d'eux et alluma sa minable cigarette, dans une nonchalence alerte qui lui était quotidienne. Les cris se poursuivaient. La même voix, toujours, agressive, hystérique, victime et bourreau la fois. Et puis des bruits de lutte, des bruits de coups.

Annet tira une bouffée jaune et modifia sa trajectoire. Sans se presser, elle zigzagait entre les arbres, d'un pas léger, presque élégant, bien décidée à ne se faire voir que si elle le décidait vraiment.

A l'orée du lac, elle aperçut les deux corps. Deux femmes, bien sûr — l'une debout, jeune, le pied meutrier en suspens, l'autre recroquevillée sur le sol, si bien qu'elle perçut distinctement ses paroles seulement.
La situation était claire: deux femmes, une folle, l'autre saine d'esprit, du moins lucide, mais à bout de nerfs. Donc bien plus dangereuse.

Adossée à un arbre, l'esprit serein et le corps tendu, Annet attendait la suite, comme l'on regarde un spectacle distrayant. Elle n'aurait pas parié sur la jeune : elle n'était pas nette, c'était clair, sinon elle aurait déjà frappé à nouveau. C'était elle des deux, peut-être, qui était la moins fiable — malgré la folie de l'autre, qui ne se défendait même pas, chose la plus méprisable aux yeux d'Ann.

Mais enfin elle éprouvait mépris et fascination à la fois pour les paroles de Cybèle. Sa conviction malade était si profonde qu'elle en serait devenue touchante. Densifiant un peu plus le nuage jaune qui nappait ses cheveux comme une auréole vaseuse, Annet se manifesta.

Ne la tue pas. Que cela t'apporterait-il ?

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Il suffit d'Une étincelle... pour que Tout s'embrase.
Ann Strokes
Paranoïaque


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