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Ven 04 Avr 2008 | 21:57 |
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Les interminables et silencieuses allées du cloître étaient baignées d'une lumière translucide, légèrement bleutée, qu'un ciel accablant de nuages laissait cotonneusement filtrer. Quelques ronds de fumée s'élevaient dans l'air tiède, entre deux colonnades de pierre, présageant de la présence de Céleste… La jeune femme était affalée sur la rambarde. Cheveux emmêlés, antique pyjama usé laissant transparaître sa peau nue ; grillant fébrilement une cigarette. Sous les boucles poisseuses s'agitaient fiévreusement les yeux d'un vert glauque : elle tricotait à une vitesse effrayante, et la longue écharpe s'enroulait en un gros tas jaune pâle au bas du muret. Les longues aiguilles de cuivre s'agitaient furieusement entre les mailles de laine, ne quittant même pas ses doigts lorsqu'elle retirait la clope de ses lèvres suitantes d'un peu de fumée odorante.
Elle venait ici dès qu'elle en avait l'occasion; parfois pour quelques heures, parfois toute une journée. Le cloître la rassurait par son silence bourdonnant, agité du chant léger des oiseaux et des feuilles dans le vent. L'intérieur de l'Asile n'était pas favorable à provoquer chez elle le calme relatif qui l'habitait actuellement, au contraire, il l'angoissait sans qu'elle sache pourquoi ; l'intérieur… Rien qu'à ce mot, elle sentait le sang brûlant affluer à ses tempes et son coeur obèse, prêt à exploser, battre à tout rompre entre ses seins tandis qu'une nausée impérieuse lui tordait les intestins. Ses ongles alors venaient remuer les cicatrices fines de ses avant-bras, et le tourment indistinct qui s'emparait d'elle et contre lequel elle ne savait lutter. L'intérieur… Sans doute comprenait-elle, confusément, que le silence légèrement morbide du cloître dans lequel elle se fondait corps et âme durant ses longues scéances de couture la préservait de son bruit intérieur, des battements de son coeur, du feulement léger et constant du sang à ses oreilles ; de sa propre vie, en somme.
Soudain, comme interpellée par un bruit quelconque qu'elle aurait été seule à entendre, Céleste cessa d'agiter ses aiguilles. Elle avait sursautté de surprise. Relevant son visage inquiet vers le ciel lourd, comme obstrué par de nombreux voiles de soie grise, elle le scruta un long moment… Ses yeux doucement viraient au gris, toujours dans ces mêmes teintes sales, délavées qui donnaient à son regard un quelque chose de vitreux, de délicieusement malsain. Revenant à elle-même, elle détourna le regard des cieux pour observer les longues et impeccables allées du cloître désert. Quelques oiseaux parcouraient les pelouses dans le plus grand silence, tâches d'encre noire sur l'océan des herbes que le vent faisait ondoyer délicatement ; comme soucieux de ne pas déranger la jeune femme dans sa contemplation soucieuse du paysage. Mais Céleste secoua la tête pour se forcer à quitter son agoisse, écrasa son mégot de cigarette sur la colonne de marbre, en sortit une autre de la poche de son pantalon de pyjama à carreaux et l'alluma. Elle sifflait la fumée en croissants de Lune bleutés, comme une petite berceuse, envoûtante et triste.
— Il y a des silences qui sont de dangeureux explosifs, chuchota Céleste d'une voix profonde et rauque, enrouée de si rarement se faire entendre ; citant un auteur de son enfance qu'elle avait apprécié en d'autres temps, un certain Pennac au prénom d'ange… Comme indépendantes de sa volonté, ses petites mains sillonnées d'épaisses cicatrices nacrées par les années avaient repris leur frénétique activité, et la laine jaune paille continuait de couler à terre dans un flot continu et épais de pensées emmêlées… _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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Mer 09 Avr 2008 | 20:34 |
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Il est des lieux qui nous attirent, se trouvent représenter à un moment précis toutes les espérances que l'on peut éprouver. Le silence, l'isolement. Fallom les recherchait alors. Une place où il ne serait pas inquiété, suffisamment empreinte de solennité pour écarter les émotions et paroles perturbatrices des autres habitants des environs. Ses refuges habituels ne convenaient pas, ils étaient trop envahis de craintes anciennes, de nouvelles théories menaçantes et des petites peurs du quotidien ; toutes ces perturbations qui l'empêcheraient de se concentrer sur la dernière problématique en date.
D'un pas souple, discret, furtif, il naviguait donc dans les couloirs, longeant les murs, se fondant dans les ombres autant qu'il le pouvait au moindre petit son inhabituel, particulier, au plus petit doute quand à l'éventualité d'une présence humaine. Son regard se faufilait avec le même degré de précaution maladive dans les interstices des portes entrebâillées déposées de manière très clairsemée sur le chemin de sa lente progression, guettant un signe de paix, de contemplation méditative ; même s'il ne savait pas exactement ce que pouvaient être les indices qui le guideraient, il était certain de les reconnaitre le moment venu. Pas une révélation mystique, juste la constatation de l'adéquation entre les signaux reçus par ses sens et les désirs de son esprit. Il saurait.
Et en effet, il sut. Il sut à un tel point que les deux parties de son être en résonnance dans ce processus l'avaient mené dans un coin de ces murs blancs respirant la sérénité avant même de lui en transmettre les signaux, et surtout sans laisser la moindre chance au léger, très léger élément perturbateur, la moindre possibilité de troubler la certitude de cette trouvaille. Pourtant, la constatation immédiate aurait permis d'éviter l'irritation croissante face à ce cliquetis rompant progressivement les barrières de sa béatitude admirative. Qui osait se montrer aussi inconvenant ?!
Se laissant guider par la juste colère d'un homme trompé dans ses espérances suivant le volume croissant de ces sonorités parasites, il parvint finalement jusqu'à elle. Car forcément, il fallait que ce soit "elle". Perturbatrice, maintenant tentatrice. Un bon moyen de mettre en pratique ce don qui devait lui avoir été offert et en vérifier le fonctionnement approprié. Juste un murmure au côté, après quelques pas, toujours discrets bien sûr. Juste un murmure au coin de l'oreille, après quelques pas, et il saurait s'il était réellement invisible. Il le saurait en croisant son regard. Un simple murmure.
— Quelle dextérité… _____________
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Fallom Tenk Paranoïaque

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Sam 12 Avr 2008 | 22:04 |
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Si Céleste avait autant d'affection pour le silence du cloître, c'était probablement parce qu'il lui permettait d'exprimer le trouble contrasté et narcissique qui l'envahissait. Par la palpitation permanente du tricot elle rythmait le temps et l'atmosphère du lieu, l'envahissant du même coup de son existence bruyante ; mais par ce même jeu d'aiguilles entrechoquées, elle anéantissait également toute preuve sonore de sa vie corporelle, s'offrant une disparition momentanée du monde, une petite mort sans conséquence. Ses hantises inavouées, ses pulsions et idées fixes s'évanouissaient littéralement derrière la barrière de ses innombrables petites manies ; c'est pourquoi elle n'aurait pu se passer de cette activité fébrile, du jeu constant de ses doigts striés de cicatrices, entre la clope et l'aiguille, le sang des griffures et l'onctuosité de la laine. Barrières sonore, physique, rythmique, qui obstruaient les courants fertiles et malsains de son esprit…
Ainsi, peu de reflexions venaient perturber l'activité de la jeune femme automate, embourbée dans ses compulsives activités, et cette absence de pensées génératrices d'angoisse lui permettait de se constituer un relatif havre de paix, ici, dans le claquement des aiguilles et la luminosité sereine du paysage désertique. Si bien que lorsque la petite voix étrangère, sirupeuse et grave de sa pensée, venait tenter une intrusion en force dans cette imperméable volonté de silence intérieur, Céleste s'empressait de la repousser, craignait que celle-ci ne la pousse à commettre quelque acte impulsif et regrettable comme elle en avait la désastreuse habitude…
Un souffle, frais et furtif, contre la chair humide de sa nuque courbée. Un long frisson parcourut les membres minces de la jeune femme qui stoppa brusquement tout mouvement, aiguilles en l'air, yeux en agitation fiévreuse tout autour d'elle, comme indépendants du corps plus immobile que les colonnes de marbre qui l'encadraient. Un compliment ? Drôle de tactique, la petite voix de sa conscience emploierait-elle des moyens plus vicieux encore que Céleste elle-même pour parvenir à ses fins ? Et quelles fins ? L'autre jour encore, corrompue par quelque élan de fureur que lui avait soufflé son invisible compagne, elle n'avait pas hésité à fondre tête la première dans un interné qui, par son inertie silencieuse, se refusait à ses désirs d'approche. Ne pouvait-elle donc cesser d'être interrompue dans sa toute relative, mais néanmoins spectaculaire pour une si tourmentée jeune femme, sérenité ? Et sous le poids de quelle idée nouvelle et infiniment menaçante allait-elle encore devoir plier, puis se rompre, scindant sa volonté malgré elle ?
— Je sais de quoi tu es capable. Tu n'auras pas le dessus, pas aujourd'hui.
Il sembla à Céleste que quelque chose de doux et de frais, un courant d'air semblable à celui que produit un linge léger lorsqu'il claque, tourbillona contre sa joue et derrière son dos ; mais elle n'avait pas la force d'y prêter attention, accaparée par l'idée monstrueuse qui sans aucun doute germait dejà en elle, portée par ces quelques mots faussement interessés : "Quelle dextérité…" Un frémissement électrique, aussi sensuel que terrifiant, vint serpenter le long de sa colonne vertébrale et hérisser le duvet de sa chair recroquevillée ; et en prévision de ce qu'elle pourrait bien accomplir si elle cédait aux avances qu'allait sans doute lui faire sa conscience, elle rapprocha la pointe incandescente de sa cigarette au plus près de sa peau. _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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Jeu 17 Avr 2008 | 20:30 |
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Point de contention névralgique atteint pédalometre au plancher dans la bouillie écrasée carambolage meurtrier au seuil d'un échec digne des plus grandes merveilles-rêves d'un laborantin bourré d'abnégation, enthousiasme malaxant de merde pourrissante triturée, propulsée, centrifugée et finit par se fracasser sur le seuil de l'incompréhension de masse sous les regards des adorateurs meurtriers. Aperçu… Peut-être. Illusion ou pas. Une seconde de croyance, puis les mots et la certitude enrobage de clarté sombre dans une phrase aux implications des ténèbres indiscernables.
La connaissance de Fallom s'était répandue. Maintenant inférieur effrayé au centre d'une cour de Dieux omnipotents, inférieur effrayé jouet tournicotant invisible sans danger, griffes frottant contre une barrière de composants auto-régénérants, négligeable sujet d'indifférence sans surprise. Invisible oui, finalement, pas uniquement aux sens oculaires, pas forcément traversé sans accroc par la lumière. En face, regard vide presque absent tourbillon de non vue, non intérêt plongeant dans la non vie désinfluençabilisée de sa conscience petite bête perdue ou masque de concentration, observation intérieure excluante qui laisse croire, trompe ou non.
Invisible, non vu, perméable à l'attention humaine en recherche perpétuelle, plaisir de les voir fouiller fouiner à la pincette au centre d'un tas de poussières microscopiques. Immobiles aux yeux globuleux n'osant plus troubler l'air, bouchon d'aspiration mental, guettant méthodiquement perquisition maniaque la surface du cloaque terminal de luxe, espace de liberté. Le forcent à courir, s'exclamer, se précipiter conscient dans la boite aux murs blancs avec le sourire.
Ils l'avaient eu. Tous le savaient. Piège, trappe invisible menée par le même concept et il se débat, court court court dans les coins de son cerveau. Trouver la petite porte au milieu de toutes les grandes qui tournent en rond. Et le corps est parti pendant ce temps dans un coin d'observation face à la grande tisseuse et sa vague rouge qui courait aussi vers lui au rythme du tic tic tic entêtant mais s'est arrêtée. Regard vide, attentif. Et le petit bout rouge ternissant en grésillant se rapproche de la conclusion incompréhensible.
— Non je ne me ferai pas avoir, pas cette fois.
Chuchotement, mais même les murs écoutent et renvoient le son dans ses oreilles. Si fort, trop fort. Courant d'air étrange se réverbérant sur le blanc, salissant le calme soudain de la mort de l'irritation cliquetante. _____________
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Fallom Tenk Paranoïaque

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Jeu 17 Avr 2008 | 22:04 |
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Cataclysme cataleptique : la douleur, en impérieuses giclées d'acide glacé, vient inonder les moindres fibres de sa conscience chaotique. Un hurlement retenu déchire le silence membraneux du cloître aux fantômes, le corps s'arque brutalement dans un élan synchrone : martyre préventif de l'incandescence toxique contre le poison méphitique de ses propres pensées. Dans la plaie suintante s'enfoncent avec une puissance lancinante des nuées de pulsions confinées, pathétiquement réprimées, de caillots sanguinolents d'embryons de violences mortes-nées ; seule se soustrait aux chroniques punitions de Céleste un filet de souffrance amniotique, perlant du coin de l'œil vitreux, roulant avec discrétion sur la joue pâle creusée de souffrance et jusqu'à la main de nacre fendillée, d'où la clope se détache enfin avec une répugnante difficulté. Bourdonnement intense des lumières feutrées et des voix, inconnues peut-être absentes de ses virulentes équations ; et cette infinie douceur d'une âme errante et anonyme vaguement agitée dans son monde parallèle, adjacent à sa conscience bien plus qu'à sa chair faible en souffrance, ce flux de courants d'air nerveux et tout proche, si proche…
Céleste se dédouble, dans un cri silencieux de douleur inavouable, alors que les substances lascivement analgésiques se déversent à flot dans ses veines bouillonnantes. Peut-être est-ce juste pour ce instant. Elle oublie, la brûlure, ses doigts immobilisés, cette chaleur liquide sur ses cils. Peut-être est-ce juste pour cet auto-érotisme irradiant, pour ce masochisme guérisseur qui la prive de toute attitude préjudiciable : le calvaire de son permanent combat interne justifie ces instants de violence jouissive, d'expulsion psychique massive. Myosis soudain des pupilles sidérées dans leur indifférence chronique à tout être extérieur : adossée à la colonnade blanche, effluves de tabac blond et de sueur féminine, Céleste contemple Céleste. Dans cet instant vague où les endorphines troublent sereinement l'esprit et les sens, la conscience, au lieu de s'évanouir, a décidé de s'extraire du corps endolori pour quelque secondes de face à face.
Qu'il arrête de te fixer comme ça. Il te prend pour un animal de foire ? Il te croit dépourvue de toute conscience, ou alors il n'ose pas regarder celle-ci dans les yeux ?
Céleste envahie de bouffées morphiniques fronce les sourcils, stupéfaite, déboussolée au plus haut point. Incompréhension visible face à son reflet qui, nudité maigre et griffée enroulée dans la laine d'une immense écharpe rouge, fixe obstinément un point irrémédiablement vide pour l'aveugle Céleste, juste derrière sa tempe, tout près de son oreille. Le reflet de ses yeux dans ceux de son reflet, le rétrécissement infini des pupilles noires sur le gris délavé, si pâle, insignifiant : la voix de sa terreur prend corps et la tétanise de ses hurlements.
— Va te faire voir ailleurs ! On a pas besoin de toi !
Un vertige, une soustraction discrète et vive dans les battements frénétiques de ce coeur dont la petite musique devient insupportable, insoutenable ; et Céleste s'évanouit, agglomérant précocement son double enragé à sa chair vidée, anesthésiée. _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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Jeu 17 Avr 2008 | 23:43 |
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D'autres pouvoirs, possibilités insoupçonnées ; plongée dans les mystères du croire ou ne pas croire l'homme en blanc, du que cache-t-il d'autre sur fond de…
— Cruel…
Nœud inextricable au coeur d'une déferlante de sentiments, passions contraires malsaines ou non. Sauver, détester, se venger, emprisonner, comprendre, soigner, profiter de la situation de faiblesse d'un autre pour faire comprendre comme il est douloureux de se sentir oppressé. Les autres devaient communiquer entre eux, ils sauraient ce qu'il pouvait faire. Envie soudaine, peur de vengeance après la vengeance. Chaines, tortures, brûlures partout, chairs boursoufflées déformées suintantes de pus sur tout le corps. Non, non, pas de déchirement, pas de remugles de porc grillé dans une cave humide, pas de hurlement dans la lumière rouge.
Les tympans encore vibrants de ce cri, il se risque à un pas de curiosité, observer le corps immobile et comprendre, un second de courage, braver la peur qui détruit tout, un troisième de franche témérité sans retour en arrière. La volonté de n'être vu disparaît, personne pour l'apercevoir, d'autres pensées en couches nombreuses par dessus la peur d'avoir peur. Une plus forte. Savoir pourquoi, pourquoi ces paroles sans sens perdues dans l'air. Les rattraper à la source tarie dans le noir. Pas d'estimation de risque dans ce cas précis. Fallom n'a peur que de ce qu'il peut comprendre comme un acte de malveillance. Pas de piège dans la douleur solitaire. Et son oeil entraîné aurait détecté un simulacre, un jeu d'acteur, une mascarade. Bien trop entraîné à ne pas se laisser prendre. Tout était réel, tout. Les paroles aussi. Mirage d'invisibilité par l'homme en blanc honni traitre vicieux. On l'avait vu, on avait parlé de lui à soi-même, mais on en avait parlé, on l'avait fixé regard vide. Invisible dévisagé, scruté, repoussé avant la chute mais il s'approche. D'autres idées-folies en duel durant le déplacement. Pas de discrétion absolue, mais de nouvelles manières de se protéger ?
Une supposition de puissance, probablement surfaite, le pousse en avant. Une fois l'invisibilité envisagée, pourquoi pas plus, différemment. L'homme en blanc semblait crédible et il ne pouvait se tromper dans ses impressions. Il devait y avoir quelque chose, mais pas l'absence de visibilité. Rendre sa présence insupportable aux autres quand il le désirait, mais l'avait-il désiré plus que les fois précédentes ? Il ne savait plus. Trop d'émotions dans le mouvement, pas assez d'observation. La précipitation d'une vérification censée être simple l'avait plongé dans la perplexité.
Maintenant accroupi à côté des formes allongées, il tend une main tremblante. Toucher un être humain, puis le pousser, évaluer à quel point le noir est présent. D'autres raisons d'enfermer commencent à émerger. Garder quelqu'un avec lui. Partager ses secrets, ses doutes, parler, parler, parler. Puis… pensées de douceur, de chaleur.
— Si loin…
Non, non, ils sauraient. Rester là et attendre, ne rien faire d'autre qu'attendre et fuir si un autre être apparait. Attendre pour poser la question, distinguer le vrai du faux. _____________
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Fallom Tenk Paranoïaque

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Ven 18 Avr 2008 | 12:29 |
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Fluidité savonneuse de l'inconscience en infinies bulles de pensées, incompréhensibles et pénétrantes, enveloppantes comme un cocon balloté au gré des images sans fil d'Ariane qui se succèdent sous les paupières closes de Céleste. Plongée accidentelle aux tréfonds de l'âme, là où s'adoucissent les photos en patchwork de ses violences réminiscentes ; mais l'air soudain lui manque… Le souffle est lointain, effrayant, pourtant elle s'englue à la mélodie tant détestée de son propre corps, trouvant dans l'instinct de survie un remède inespéré contre sa hantise somatique. Griffant les parois glissantes de son rêve antalgique, cherchant du bout des lèvres un souffle de vie à aspirer, elle s'extrait peu à peu des noires eaux profondes…
Une fraîcheur légère, presque liquide, en contraste avec la fièvre chronique qui règne sur sa chair. A peine une caresse de la pulpe des doigts maigres, la moiteur d'une peau tremblante sur la sienne. Des ailes d'un insecte dont elle ne perçoit ni la respiration, ni l'aura odorante : le contact infirme d'un fantôme. Un courant d'air qui tremble et palpite, tout près et pourtant indistinct, impalpable, irréel. Des ondes douloureuses se métamorphosent doucement vers un flux d'énergie étrange, inconnu, une douceur inquiète. Un doigt sur son front appuie, tâte, tente d'éveiller son attention, puis roule sur les paupières, le cou et qui descend, encore, léger, tourmenté, inconstant, empreint de tremblements furtifs ; il y a si longtemps, sa chair de fièvre et de sang qui effraie plus qu'elle n'attire, son corps crispé de douleurs auquel on refuse la tendresse, il y a si longtemps, cette main froide et sèche qui s'ouvre, s'étend, difficilement, un peu au dessus de sa propre peau. Frisson électrique. Le pouls si rapide qui cogne au même rythme que le sien achève de la sortir de sa transe.
Les ongles de Céleste s'enfoncent brutalement dans le poignet inconnu, elle plaque l'être indistinct contre une colonnade, les yeux encore flous exorbités par la surprise et le trouble, la crainte et la pulsion violente qui inonde la sève de ses veines, prenant le contrôle à une vitesse effroyable ; cette intense colère qui s'éveille au moment le plus inattendu, alors qu'enfin, peut-être pour la première fois, quelqu'un qui n'éprouve rien, un fantôme distant et livide, terrorisant terrorisé, ose un contact doux avec sa chair meurtrie. Etait-elle encore trop embourbée dans ses vapeurs de choc, sous l'effet bouleversant d'une première rencontre avec elle-même ? Etait-ce vraiment une peau contre la sienne, peut-être juste une attente, un espoir, un regard trop chargé d'émotions fébriles ?
Ses doigts crispés desserrent légèrement leur étreinte sur le poignet maigre, ses pupilles minuscules font la mise au point cruciale. Visage émacié, hématome survivant, obsédant obsédé, inconnu privilégié de son attention versatile. Voilà donc le menteur, le diabolique marionnettiste qui, tirant les ficelles de ses craintes pulsionnelles, a brusqué la révélation de son dédoublement et bouleversé ses sens. Voilà donc le fantôme, semblable étranger, réduisant Céleste au silence stupéfait. _____________
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Céleste Schizophrène

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Sam 26 Avr 2008 | 1:31 |
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Plongée dans un univers étrange et fascinant. Deux hublots s'ouvrant soudain, happant les siens dans leur danse d'émotions. Hébétement d'un éveil brusque, questionnement, doute, colère puis apaisement. Tout cela sans lui laisser le temps d'une réaction, minuscule pantin fragile soulevé par la déferlante d'événements et de sentiments, malmené, brutalisé et pourtant inconscient de la douleur que cela devrait provoquer. Le mystère l'obnubile, toutes ces choses cachées au fond d'une pupille, d'un instrument récepteur d'images, espionnant, enregistrant. Jamais il n'avait été assez proche pour être fasciné par les impressions émises dans le même organe. Jamais il n'avait permis à un regard de le fixer aussi longtemps sans se réfugier à l'abri d'une cache quelconque, petit animal craintif, piégé maintenant dans une cage sans barreaux, sans limites qu'il puisse sentir encore.
Une danse brutale, animale, soudaine, une explosion physique dont les sensations s'éveillent doucement. Un léger picotement au poignet qui devient une démangeaison, une brûlure tout juste calmée par la tiédeur d'une autre peau, une main qui desserre son étreinte mais reste au contact, comme l'autre, celle qui le maintient contre le pilier, le contact froid de la pierre dans son dos, contrastant étonnamment avec ce trouble, cette gêne qui prenait son éveil. Est-ce cela qu'on appelle la chaleur humaine ? Ce n'était pas totalement désagréable. Laisser cette sensation s'élever, peser sur sa poitrine presque douloureusement, se bloquer au fond de sa gorge, monter encore, puis se répandre dans tout son être, le réduisant à ses seuls instincts.
Toujours hypnotisé, il se laisse aller, repousse la voix craintive au fond de son esprit, où elle pourra s'égosiller autant qu'elle le voudra, hurler qu'il ne faut pas, fixer cette main tremblante qu'elle ne peut contrôler, qui se dépose finalement sur une hanche. Il la fixe toujours, presque absent, et pourtant plus présent que jamais _____________
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Fallom Tenk Paranoïaque

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Sam 03 Mai 2008 | 21:14 |
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Un voile de soie rouge devant ses yeux, d'une humidité brûlante, irritante et jouissive. Une vague à peine assez opaque pour adoucir un instant les traits du spectre ébouriffé, du sensible hématome qu'elle tient fermement sous ses ordres et qui distille par le regard une fièvre latente, insensée et comme étonnée d'elle-même, d'émerger ainsi dans la boue profonde des hantises d'un esprit tourmenté et de s'en défaire, avec une facilité déconcertante, filament par filament, au rythme saccadé du désir. Céleste voit rouge. L'emprise fragile sur sa hanche, sur cette chair oubliée qui soudain reprend vie, par l'inattendue bénédiction d'une caresse instinctive, survivante à l'ogre frigide de la folie ; la brûlure inhumaine qui ébouillante sa peau tandis que les doigts s'affirment dans leur décision incompréhensible, enserrent la plénitude confortable d'une féminité inavouée, retranchée dans ses élans de violence. Une douleur plus analgésique encore que la brûlure de cigarette. Une souffrance chaude et divine qui s'élance, après la peau superficielle, lui rend la conscience de ses cicatrices profondes, de ses entrailles palpitantes, désireuses, affamées d'enfin se confronter à la puissance contenue d'un autre instinct.
Les paupières se plissent sur les yeux absinthe, le voile rouge du désir se tend, difforme et brûlant, se déroule sur ses joues et jusqu'à ses lèvres entrouvertes sur un souffle court, continue son chemin jusqu'à l'organe tant redouté, en redouble la musique puissante et qui cette fois de l'inquiète plus, au contraire, son pouls qui s'accélère l'enchaîne brutalement à cette envie qu'elle voudrait, pourrait fuir, s'il était encore temps. Il ne l'est plus. De grâce, il faut mettre fin à ce contact brûlant, que ces doigts frémissants au travers de la chemise pénètrent la chair, qu'ils caressent les entrailles brûlantes et lisses, et lui arrachent le ventre dans un soupir de plénitude. Mais le fantôme ne bouge pas, les yeux crachats d'encre, intrigués, inquiets peut-être, ou juste absents, en proie tout comme les siens à une fascination subite.
Mais l'enfant, épanchant une immense douleur, cria soudain…
Et tandis que montaient, indistincts comme de maladroites réminiscences enfantines, des vers aux oreilles bourdonnantes de la jeune femme, silencieuse et tendue, arquée sans tremblements tout contre l'aura chaude de son voisin ; ses paupières achevèrent de plier sous le voile écarlate, laissant part belle à d'autres liens que l'effrayant jeu de regards qui tétanisait les deux êtres. Et puis. Brutalité soudaine impossible à contenir, tendre et aride, terrorisée et si sûre d'elle, prenant sans culpabilité le dessus sur ce corps si frêle, retenant de justesse les dents dans un baiser qui veut mordre, posséder; et puis finalement lui laissant la liberté des gestes, par oubli, indifférence, emportée dans son élan. Les mains serrées comme pour combattre, rudesse maladroite, trop peu habituées à l'exercice de tendresse ; les doigts brusques agités, alternant la rugosité du vieux tissu trituré et la tiède faiblesse de la peau étrangère, inconstante, tendue et immobile, accaparée par surprise. Symphonie enivrante du sang à toute allure, dans les réseaux souterrains de l'instinct.
Je sens s'élargir dans mon être un abîme béant… Profond comme le vide, rien ne rassasiera ce monstre gémissant. Cet abîme est mon coeur… _____________
La violence sucrée de l'imaginaire console tant bien que mal de la violence amère du réel. |
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Céleste Schizophrène

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Dim 04 Mai 2008 | 19:22 |
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Non, laissez -moi ! Laissez-moi ! Pas de doute, d'interrogations, de mefiance, de peur. Laissez-moi goûter ces frissons. Il est trop tard pour se cacher, rechercher un trou où elle ne pourrait suivre.
Pas de force, pas de volonté. Juste sentir ces contacts maladroits, le tissu rêche qui frotte douloureusement les côtes saillantes et cette penetration ardente de ses sens. Une autre peau qui glisse sur le bout des doigts, la salive encore chargée du goût, de l'odeur de tabac, le contact de ses lèvres fines qui l'agressent maintenant, le glissement de sa langue entre les dents, la crainte d'une morsure que l'on sent proche. Une vague de nouveautés, de vagues souvenirs presque totalement oubliés. Elle submerge tout, roule le pauvre esprit dans les profondeurs, l'assome, le broie. Et lui l'embrasse complètement, l'accueille à bras ouverts, se dissout dans les flots, s'y noie. Il accepte finalement cette intrusion, cedant devant l'urgence soudaine qui s'eleve dans sa poitrine. Il a attendu si longtemps sans le savoir.
— Merci
Chuchotement, une pensée trop forte pour être contenue, dans un gemissement plaintif. La moindre parcelle de son corps se tend maintenant vers les caresses, les recherche, les fuit pour mieux les retrouver, emplir le vide, le froid soudain qui s'est infiltré en une autre place, dirige instinctivement les balbutiements de caresses, les encourage. Se detacher de cette colonne de pierre gelée également, se presser contre la chaleur croissante, s'y agripper de toute ses faibles forces, delaisser quelques temps l'antre chaude et humide de sa gorge, déposer quelques baisers le long de son cou, de ses épaules fragiles, lové contre elle, l'étreignant, remontant une jambe contre la sienne.
Quelle importance de connaitre cette personne. Un peu de chaleur, juste de quoi tenir, sans penser à la suite. _____________
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Fallom Tenk Paranoïaque

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