Instances

Décrites dans la seconde topique Freudienne en 1920, il s'agit de systèmes, de parties de l'appareil psychique. On distingue le Ça, pôle pulsionnel, le Surmoi, support des interdits, et le Moi, partie de la personnalité la plus en contact avec l'extérieur, au rôle de régulateur et de médiateur entre les deux autres instances. Cette représentation reste à l'heure actuelle l'une des plus connues et les plus communément admises de la psyché humaine. Plusieurs psychanalystes formulèrent suite à Freud leur propre métapsychologie, ou lui ajoutèrent simplement leur concept : Mélanie Klein élabora le concept de positions, Jacques Lacan insista notamment sur l'importance du langage (et du signifiant) et distingua imaginaire, symbolique et réel ; l'Egopsychology fit du Moi son centre d'intérêt ; Fairbairn et Kohut encore formulèrent deux nouvelles métapsychologies.

Première topique freudienne Deux mains

Travaillée dès 1896, elle fut mise en place en 1900, dans L'interprétation des rêves. Découlant de la théorie de l'inconscient, elle définit trois pôles concentriques : le conscient, perceptions, et l'inconscient, pulsions, sont séparés par le préconscient, mémoire. Ainsi, le système inconscient, destination du refoulé, s'oppose au système préconscient/conscient, où le préconscient est défini comme ce qui est susceptible de retourner à la conscience — le refoulé ne l'étant pas1.

Chaque système a sa fonction, son type de processus, son énergie d'investissement et ses contours représentatifs. Entre chacun de ces trois systèmes existent des censures, des sas dont l'ordre de passage est toujours identique, de direction soit progrédiante (inconscient/préconscient/conscient) soit régressive (conscient/préconscient/inconscient). La prise de conscience d'un souvenir inconscient se fait donc selon un défilé qui doit franchir deux censures, une représentation ne pouvant passer directement de l'inconscient au conscient — ni du conscient à l'inconscient. Freud donna de cette topique tardivement un schéma plus détaillé, dans une lettre adressée à Wilhelm Fliess, dans lequel il distingue plusieurs niveaux de perception et d'enregistrement.

Inconscient

Déjà perçu par Leibniz au XVIIe sicèle, puis par d'autres philosophes tels que Nietzsche, Hartamann et surtout Spinoza, l'inconscient (Unbewußte) est un maillage d'idées, de perceptions, d'émotions constituant le psychisme : il ne s'agit pas simplement de l'opposition à la notion de conscience mais d'une structure réactive et dynamique. Partie la plus archaïque de l'appareil psychique, l'inconscient est régi par le seul principe de plaisir : il ne connaît ni logique, ni espace, ni temps. Ainsi, son contenu suit le principe de fixation : les représentations investies le demeurent, et peuvent être en contradiction les unes avec les autres. L'inconscient ne se développe pas comme le reste de la personnalité, il reste figé et n'évolue pas : les pulsions n'y sont soumises à aucun travail et l'énergie libidinale s'écoule librement. Réservoir de la libido et de l'énergie psychique, ses contenus sont héréditaires autant qu'acquis, par le biais du refoulement. L'inconscient n'est donc pas constitué que de contenus refoulés : certains, innés, ne sont jamais passés à la conscience.

Bien que controversé, l'apport de Lacan est incontournable. « L'inconscient est structuré comme un langage2 » : c'est un système de signifiants et de signifiés. Mais, alors que dans le langage, le signifiant est un son et le signifié une image, tous deux raccordés par le mot, dans l'inconscient, le signifiant peut être un son, une odeur, une image… Incapable de verbaliser son contenu, l'inconscient est un lieu de symboles, de réprésentations issues de pulsions, de souvenirs et de désirs refoulés. Ces représentations, investies par l'énergie pulsionnelle, ne connaissent ni contradiction ni doute et sont toujours sensorielles, adhérentes au réel. Mobiles, elles essaient de s'extérioriser par des mécanismes obéissant au principe de plaisir : déplacement et condensation. La condition humaine

Déplacement

« Fait que l'accent, l'intérêt, l'intensité d'une représentation est susceptible de se détacher d'elle pour passer à d'autres représentations originellement peu intenses, reliées à la première par une chaîne associative.3 » C'est le procédé par lequel, suivant une série d'associations, l'investissement pulsionnel se déplace de son objet initial vers un détail moins "sujet à controverse". Il n'y a pas de correspondance entre l'intensité psychique d'un élément donné du contenu manifeste et celle des éléments du contenu latent auquel il est associé. Par exemple, après un accident de voiture, une personne ayant refoulé les sentiments violents du traumatisme n'aura aucune difficulté à monter à nouveau dans une voiture mais pourra faire face à une angoisse dès qu'elle sera confrontée à l'odeur de vanille du petit diffuseur qui pendait au rétroviseur le jour de l'accident… On observe particulièrement aisément ce mécanisme dans le rêve, où ce sont les détails qui révèlent les enjeux des situations maquillées.

Selon une approche structuraliste, Lacan présente le déplacement comme métonymie : ce mécanisme s'y saisit comme définissant le tout par l'acessoire, déplaçant la valeur des représentations, le sens sur le détail sans importance.

Condensation

« Cela consiste à représenter par un seul élément du contenu manifeste une multiplicité d'éléments (image, représentation…) du contenu latent. Inversement, un seul élément du contenu latent peut être représenté par plusieurs éléments du contenu manifeste.3 » Il s'agit d'un travail de "compression" différent d'un simple résumé : par exemple, le personnage d'un rêve personne peut revêtir l'apparence d'un autre et prendre le caractère d'une troisième. On voit la condensation à l'œuvre dans le symptôme et d'une façon générale dans les diverses formes de productions de l'inconscient (lapsus, mots d'esprit…) mais c'est dans le rêve qu'elle est le mieux mise en évidence.

Conscient Ombres de lumière

A la surface de l'appareil psychique, le conscient (Bewußtsein) reçoit à la fois les informations de l'extérieur et de l'intérieur. A la fois lieu de nos sensations et de nos perceptions ainsi que de la réalité subjective de celles-ci, il constitue la matière-même de notre vie psychique. Il organise les données de nos sens et de notre mémoire et nous situe dans le temps et l'espace. Le conscient communique avec l'inconscient par le préconscient grâce au langage et respecte des règles (logique, temporalité…) pour se protéger et garantir sa survie en refoulant ce qui pourrait menacer l'adaptation du sujet.

Préconscient

Système de l'appareil psychique nettement distinct du système inconscient dont il est séparé par la censure, qui ne permet pas aux contenus et aux processus inconscients de passer dans le préconscient (Vorbewußt) sans subir de transformations. Les opérations et les contenus du préconscient ne sont pas présents dans le champ de la conscience mais ils se différencient des contenus de l'inconscient en ce qu'ils restent accessibles à la conscience. Le préconscient est le plus souvent rattaché au conscient, on parle alors de système perception-conscience, traduction littérale de l'allemand freudien Wahrnehmungsbewußtsein, plus correctement traduit par "la conscience dans sa fonction perceptive". Seconde topique freudienne manuscrite

Seconde topique freudienne

Formulée en 1920, elle ne se substitue pas à la première topique mais s'y superpose. Freud introduit dans la seconde topique une nouvelle interprétation du fonctionnement psychique basée sur trois instances et complémentaire de la précédente. L'instance première est le Ça, en sont issus dans un premier temps le Moi, formé grâce au contact avec la réalité extérieure, puis le Surmoi, introjecté par le Moi qui fait se retourner l'énergie pulsionnelle contre lui-même. Le Moi se trouve donc à la rencontre du Ça et du Surmoi, puis également de l'idéal du Moi.

γ
Ça Andromeda

Introduit initialement par Georg Groddeck, le concept du Ça (das Es) fut modifié et développé par la suite en 1920 dans la seconde topique, puis en 1923 dans Le Moi et le Ça de Freud. Totalement inconscient, le Ça, marquant l'indifférenciation, est le centre des pulsions et donc de l'énergie psychique de l'individu.4 Régi par le principe de plaisir et soustrait au principe de réalité, il ne connaît ni temps, ni espace, ni normes (interdits ou exigences), ni relations causales, ni logique : il intime une satisfaction immédiate et inconditionnelle des pulsions qui le composent, fussent-elles contradictoires.

Forme première de l'appareil psychique, c'est l'instance dominante chez un nourrisson dont la vie mentale et somatique est régie exclusivement par des besoins archaïques et donc très proche du pulsionnel. Le nourrisson ne fait pas la part entre réel et imaginaire et a un sentiment de toute-puissance : tout ce qu'il croit et ressent existe, du monde qui l'entoure et le domine n'existe que ce dont il a besoin.

Résultante d'une part d'un capital inné et héréditaire, somme des caractères de l'espèce (sexualité, agressivité), d'autre part de l'acquis de l'individu, fruit de son expérience et du refoulement des pulsions qui n'ont pu s'exprimer (et qui réapparaissent sous une autre forme), le Ça se heurte le plus souvent, et le plus violemment, au Surmoi, centre des normes imposées par l'extérieur, la société, la déontologie… qui interdit la satisfaction des pulsions du Ça et les refoule.

Φ
Moi

« Le Moi n'est pas maître dans sa propre maison5 » (1917) The nadis and the major and minor chakras

Le Moi (Ich) est l'instance qui distingue réalité interne et réalité externe. C'est la partie de la personnalité la plus consciente, la plus en contact avec l'extérieur, et qui s'efforce de faire régner l'influence du dehors sur le Ça. Seule instance soumise au principe de réalité (pensée objective, socialisée et verbale), le Moi a un rôle de régulateur et de médiateur et s'aide de mécanismes de défense inconscients — refoulement notamment — lorsque les pulsions ne peuvent être acceptées et doivent être déviées de leur objet. Porteur de multiples fonctions, il présente la personnalité comme unifiée, cohérente — les représentations inconciliables avec cette affirmation seront cause de déplaisir. Le Moi occupe une position ambiguë : il s'affirme comme l'ensemble du sujet, alors que lui échappent certaines parties de la personnalité, et qu'il n'est lui-même pas que conscient.

Issu du Ça confronté à la réalité extérieure, le Moi se forme à partir d'identifications et de gratifications successives et sera remanié tout au long de la vie, par des processus d'introjection et de projection, c'est-à-dire un travail d'appropriation et de rejet. Freud considère deux étapes : dans un premier temps s'élabore le Moi-plaisir, pastiche dans lequel l'enfant ne se reconnaît que dans l'agréable, attribuant le déplaisir à l'extérieur, à l'autre ; le second temps est celui du Moi-réalité, marquant une instance plus honnête, capable de faire le tri entre dedans et dehors. Melanie Klein a situé l'émergence du Moi vers le quatrième mois : sa naissance correspond dans sa théorie à l'accès à la position dépressive. Il y aurait meurtre fantasmatique de l'objet puis deuil de cet objet : le Moi naîtrait d'une dépression.

Stade du miroir

C'est une période très importante de distinction, que ce soit entre l'extérieur et l'intérieur ou entre le Moi et l'autre : le Moi se forme en même temps que se forme l'objet extérieur, l'un n'existant que par rapport à l'autre. Entre quatre et six mois, si on place un enfant devant un miroir, il ne se reconnaît pas : l'être en face de lui a sa réalité propre. Entre six et huit mois, il découvre que l'autre n'est qu'une image, un leurre, et non un être réel : l'enfant passe du réel à l'imaginaire. Vers un an, il comprend que l'image du miroir correspond à son propre corps et se perçoit comme un tout mais aussi comme une extériorité en s'identifiant à l'image réfléchie : c'est la première fois qu'il voit son corps en entier.

À l'origine, le nourrisson découvre sa mère comme objet total, et non fragments dispersés sans cohérence. Le nourrisson ne se vit donc pas distinct de sa Mère et n'a pas conscience de son propre corps : ce n'est que progressivement qu'il prend conscience de lui-même et intègre les limites de ce corps qui est à lui et différent des autres, distinguant alors ce qui est de l'ordre du Moi et ce qui ne l'est pas. Le stade du miroir a donc une grande valeur symbolique dans l'évolution psychique de l'enfant en le forçant à prendre conscience qu'il est différent de sa mère, des autres. L'enfant acquiert des limites dans la vision de son corps, délimité par un contour, une taille : il découvre les parties de son corps qu'il ne connaissait pas encore, construisant ainsi son schéma corporel. La relation affective que l'enfant entretient avec les autres, de symbiotique (relatif à un soutien mutuel) devient anaclitique (conscience de ce soutien) : désormais l'enfant sait qu'il a besoin de la mère.

Idéal du Moi Seconde topique freudienne

L'idéal du Moi (Idealich) est un modèle auquel le sujet cherche à se conformer. Il accompagne le processus de socialisation tout au long de la formation de la personnalité en se faisant le substitut de la toute puissance de l'enfant, qui passe de "je peux tout" (Moi-idéal) à "je voudrais tout pouvoir" (idéal du Moi), pour la construction de son Moi6. Le Moi se compare et se construit par rapport à un idéal personnel, à une référence permettant au sujet de se dépasser, qui se forme progressivement au cours de l'enfance par identification aux personnes proches — souvent les parents — aimées et admirées.

L'idéal du Moi se distingue du Surmoi en ce que le Surmoi est une instance purement critique, retournement de la violence contre soi-même, par peur de perdre l'amour des parents : là où le Surmoi condamne, l'idéal du Moi présente un modèle d'identification. Cette distinction ramène l'idéal du Moi à une partie, une des fonctions du Moi, ou encore à l'un de ses aspects : la satisfaction de l'identification quand celle-ci permet de conserver l'amour et se présente comme cohérente avec les autres représentations.

Pour Lacan, l'idéal du Moi se distingue nettement du Moi : alors que l'instance moïque tient du registre imaginaire, l'idéal du Moi amène l'identification à un registre symbolique. L'idéal du Moi rassemble des images provenant d'un modèle paternel et proposant au Moi des identifications : c'est une instance du discours.

ζ
Surmoi

C'est la structure morale et judiciaire du psychisme, qui définit le bien et le mal et attribue les récompenses ou les punitions. Héritier du complexe d'Œdipe, il filtre les pulsions au travers de normes intériorisées. Notre-Dame du Raincy

L'apparition du Surmoi (Überich) est liée à la prise de conscience de l'existence d'une réalité extérieure : l'intégration des interdits et recommandations des parents permet à l'enfant de mieux gérer ses rapports avec le monde qui l'entoure en lui faisant faire l'économie d'expériences désagréables qu'il devrait sinon répéter ou revivre par le souvenir. Le Surmoi, partiellement inconscient, est donc un agent critique, support de tous les interdits et des contraintes sociales et culturelles. Ces normes, interdits et exigences peuvent être d'ordre éthique, social ou culturel et sont plus ou moins contraignantes en fonction de la personnalité de l'individu, de son éducation. Le rôle des parents dans cette structuration durant l'enfance est déterminant, en particulier celui du père qui représente traditionnellement l'autorité.

Le Surmoi découle également de la résolution du complexe d'Œdipe : l'enfant assume les interdits du parricide et de l'inceste et s'identifie au parent du même sexe. En intériorisant ainsi l'autorité de ce parent, l'enfant le tue symboliquement en s'emparant de sa sphère d'influence et en rendant en quelque sorte ce parent superflu. Le Surmoi guide l'enfant devenu indépendant, et par la suite l'adulte, dans ses choix, remplaçant les parents dans la vie sociale. Lorsqu'il entre en conflit avec une pulsion, il génère des émotions qui se rattachent à la conscience morale, principalement la culpabilité.

Le point de départ du processus décrit par Freud est la naissance d'une pulsion le Ça. Au moment où elle voit le jour, cette pulsion est parfois contrainte par une force supérieure : il faut alors renoncer à la satisfaction qu'engendrerait la réalisation de l'acte pulsionnel, mais cette frustration engendre une seconde pulsion, agressive, à l'encontre de l'agent exerçant la contrainte. Une telle réaction, que l'on observe souvent chez les jeunes enfants, n'est pas une réponse socialement adaptée, aussi pour se sortir de l'impasse l'enfant a-t-il recours à un mécanisme psychique spécifique : l'identification à l'autorité, qui se voit intériorisée dans une partie du Moi, le Surmoi. Le Surmoi est donc le siège des mécanismes de renoncement aux pulsions, contenant les images des différentes forces contraignantes auxquelles le Moi peut s'identifier.

Le Surmoi est trop souvent perçu comme une instance uniquement punitive, presque cruelle envers le sujet tant elle se fait sévère. Freud explore dans un essai intitulé L'humour une piste tout à fait originale concernant les fonctions du Surmoi, propre à rappeler la bienveillance qui le motive : celui-ci serait, du fait même de sa capacité à prendre une distance critique vis-à-vis du sujet et des situations que celui-ci rencontre, le « médiateur de la contribution au comique de l'humour7 ». Le Surmoi, prenant le Moi de haut, serait une condition de possibilité de l'auto-dérision.

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Notes

1 « Nous avons tout avantage à dire que chaque processus fait d'abord partie du système psychique de l'inconscient et peut, dans certaines circonstances, passer dans le système du conscient. La représentation la plus simple de ce système est pour nous la plus commode : c'est la représentation spatiale. Nous assimilons donc le système de l'inconscient à une grande antichambre, dans laquelle les tendances psychiques se pressent, telles des êtres vivants. A cette antichambre est attenante une autre pièce, plus étroite, une sorte de salon, dans lequel séjourne la conscience. Mais à l'entrée de l'antichambre, dans le salon veille un gardien qui inspecte chaque tendance psychique, lui impose la censure et l'empêche d'entrer au salon si elle lui déplaît. Que le gardien renvoie une tendance donnée dès le seuil ou qu'il lui fasse repasser le seuil après qu'elle ait pénétré dans le salon, la différence n'est pas bien grande et le résultat est à peu prés le même. Tout dépend du degré de sa vigilance et de sa perspicacité. Cette image a pour nous cet avantage qu'elle nous permet de développer notre nomenclature. Les tendances qui se trouvent dans l'antichambre réservée à l'inconscient échappent au regard du conscient qui séjourne dans la pièce voisine. Elles sont donc tout d'abord inconscientes. Lorsque, après avoir pénétré jusqu'au seuil, elles sont renvoyées par le gardien, c'est qu'elles sont incapables de devenir conscientes : nous disons alors qu'elles sont refoulées. Mais les tendances auxquelles le gardien a permis de franchir le seuil ne sont pas devenues pour cela nécessairement conscientes ; elles peuvent le devenir si elles réussissent à attirer sur elles le regard de la conscience. Nous appellerons donc cette deuxième pièce : système de la pré-conscience. Le fait pour un processus de devenir conscient garde ainsi son sens purement descriptif. L'essence du refoulement consiste en ce qu'une tendance donnée est empêchée par le gardien de pénétrer de l'inconscient dans le pré-conscient. Et c'est ce gardien qui nous apparaît sous la forme d'une résistance, lorsque nous essayons, par le traitement analytique, de mettre fin au refoulement. » (Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse — PBP, 1981)

2 Interview accordé à Gilles Lapouge, parue dans le Figaro littéraire du 1er décembre 1966 sous le titre Un psychanalyste s'explique : « Ce qu'on voit dans Freud, c'est un homme qui est tout le temps en train de se débattre sur chaque morceau de son matériel linguistique, d'en faire jouer les articulations. Voilà Freud, un linguiste… toute l'œuvre de Freud est à déchiffrer en fonction d'une grille linguistique qui n'a été inventée qu'après lui. […] L'inconscient de Freud est structuré comme un langage — et entendez bien que je parle ici d'une façon radicale, je veux dire que dans l'inconscient un matériel joue selon les lois que découvre l'étude de langues positives, je précise encore, des langues qui sont ou furent effectivement parlées. Il faut tenter de dire plus avant. Et que Freud a moins découvert l'inconscient — dont l'existence était soupçonnée depuis longtemps — qu'il ne l'a établi en son lieu et qu'il n'a élaboré une méthode de déchiffrement… il fallait le coup de force de Freud pour comprendre que l'inconscient est structuré et que cette structure impose une méthode de lecture. »

3 Jean Laplanche, Jean-Bertrand Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse — Ed. PUF-Quadrige, 2004

4 « Nous donnons à la plus ancienne de ces provinces ou instances psychiques le nom de Ça ; son contenu comprend tout ce que l'être apporte en naissant, tout ce qui a été constitutionnellement déterminé, donc avant toutes les pulsions émanées de l'organisation somatique et qui trouvent dans le Ça, sous des formes qui nous restent inconnues, un premier mode d'expression psychique. » (Sigmund Freud, Abrégé de psychanalyse — 1938)

5 « Dans le cours des siècles, la science a infligé à l'égoïsme naïf de l'humanité deux graves démentis. La première fois, ce fut lorsqu'elle a montré que la Terre, loin d'être le centre de l'univers, ne forme qu'une parcelle insignifiante du système cosmique dont nous pouvons à peine nous représenter la grandeur. Cette première démonstration se rattache pour nous au nom de Copernic, bien que la science alexandrine ait déjà annoncé quelque chose de semblable. Le second démenti fut infligé à l'humanité par la recherche biologique, lorsqu'elle a réduit à rien les prétentions de l'homme à une place privilégiée dans l'ordre de la création, en établissant sa descendance du règne animal et en montrant l'indestructibilité de sa nature animale. Cette dernière révolution s'est accomplie de nos jours, à la suite des travaux de Darwin, de Wallace et de leurs prédécesseurs, travaux qui ont provoqué la résistance la plus acharnée des contemporains. Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au Moi qu'il n'est seulement pas maître dans sa propre maison, qu'il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique. Les psychanalystes ne sont ni les premiers ni les seuls qui aient lancé cet appel à la modestie et au recueillement, mais c'est à eux que semble échoir la mission d'étendre cette manière de voir avec le plus d'ardeur et de produire à son appui des ma tériaux empruntés à l'expérience et accessibles à tous. D'où la levée générale de boucliers contre notre science, l'oubli de toutes les règles de politesse académique, le déchaînement d'une opposition qui secoue toutes les entraves d'une logique impartiale. » (Sigmund Freud, Introduction à la Psychanalyse — PBP, 1981)

6 Sigmund Freud, Pour introduire le narcissisme — 1914

7 « Nous connaissons par ailleurs le Surmoi comme un maître sévère. Il s'accorde peu à ce caractère, dira-t-on, qu'il condescende à permettre au Moi un menu gain de plaisir. Il est exact que le plaisir humoristique n'atteint jamais l'intensité du plaisir pris au comique ou au mot d'esprit, qu'il ne se prodigue jamais en francs éclats de rire ; il est également vrai que le Surmoi, quand il instaure l'attitude humoristique, écarte à proprement parler la réalité et se met au service d'une illusion. Mais — sans très bien savoir pourquoi — nous attribuons à ce plaisir peu intense une valeur élevée, nous le ressentons comme particluièrement libérateur et exaltant. La plaisanterie que fait l'humour n'est du reste pas l'essentiel, elle n'a qu'une valeur d'échantillon ; le principal est l'intention que l'humour met en acte, que celui-ci opère sur la personne propre ou sur des personnes étrangères. Il veut dire : « Regarde, voilà donc le monde qui paraît si dangereux. Un jeu d'enfant, tout juste bon à faire l'objet d'une plaisanterie ! »
Si c'est réellement le Surmoi qui, comme dans l'humour, tient au Moi effarouché un discours si plein de sollicitude consolatrice, nous ne voulons pas oublier que nous avons encore toutes sortes de choses à apprendre sur l'essentiel du Surmoi. Du reste, tout le monde n'est pas apte à l'attitude humoristique ; c'est là un don précieux et rare, et beaucoup sont même dépourvus de l'aptitude à goûter le plaisir humoristique qui leur est communiqué. Et pour terminer, si par l'humour, le Surmoi aspire à consoler le Moi et à le garder des souffrances, il n'a pas contredit par là sa descendance de l'instance parentale. » Sigmund Freud, L'humour, in L'inquiétante étrangeté et autres essais — 1928

Dernière révision le 26 novembre 2010